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Affirmer que Mathieu Messier ne veut pas laisser ses rendements au hasard serait un euphémisme. Ces dernières années, le copropriétaire de la Ferme C.D.M. à Saint-Marcel-sur-Richelieu a pris un important virage technologique. Résultat : une fine connaissance de ses sols et une optimisation de l’usage des intrants.
« Les terres coûtent toujours plus cher et la compétition est forte. On a décidé d’agrandir de l’intérieur, et d’améliorer au maximum nos champs sans investir dans la machinerie, ce que nous a permis de faire la technologie », résume Mathieu Messier, qui, avec sa mère et partenaire d’affaires Céline Leblond, cultive 3 000 acres (1 214 hectares) de maïs, de soya, de haricots verts et de céréales et détient 12 000 places porcs en engraissement.
En plus d’utiliser des cartes de rendement par GPS depuis une quinzaine d’années, la ferme a lancé en 2014 un vaste projet d’analyse de sol à l’hectare. À ce jour, 90 % des terres sont cartographiées avec analyse de sol par GPS. « L’an prochain, on devrait avoir couvert l’ensemble de nos superficies et bientôt, on va commencer un autre cycle d’analyses pour s’assurer que les informations sont à jour. »
Le producteur a aussi été l’un des premiers à utiliser l’application Climate FieldView, dès son lancement au Québec en 2018, pour connaître, entre autres, le degré de croissance de ses cultures au moyen de l’imagerie satellitaire. « Les cartes identifient les disparités dans la biomasse par un système de couleurs. C’est très intéressant durant la levée pour savoir s’il y a uniformité. Je peux faire un suivi et apporter des correctifs. »
Enfin, Mathieu Messier peut évaluer la compaction de ses sols avec le Veris 3100, un appareil ressemblant à une herse à disques qui, au contact du sol, peut en mesurer la conductivité. De cette façon, l’outil identifie de façon très précise les variabilités d’un champ d’une année à l’autre, des détails difficilement repérables sur une carte de profils des sols dans une région plane comme la vallée du Saint-Laurent.
La bonne dose au bon endroit
Avec ces données en main, le producteur a la possibilité de poser des diagnostics de façon ciblée, de corriger le tir au besoin et d’obtenir des prescriptions d’engrais mieux adaptées. Ainsi, la ferme incorpore les intrants démarreurs directs avec le planteur à maïs, tandis que la chaux et la potasse sont ajoutées avec un épandeur à taux variable au GPS. « Le travail au champ reste le même. C’est sur le plan économique qu’on voit la différence. Dès la deuxième année où on a appliqué le taux variable, on a vu le même rendement, mais avec moins d’engrais azoté. Chaque année, on achetait pour 300 tonnes d’engrais. Pour la même superficie de maïs-grain, on a pu réduire notre utilisation de 10 %. »
Toujours dans cette même logique, la Ferme C.D.M. a commencé à tester des taux variables de semis dans le soya. « L’idée serait de trouver pour chaque endroit le taux idéal de semis pour pousser le rendement, mais il y a encore du travail à faire, car les hybrides évoluent très vite. »
Vers l’autosuffisance
D’abord spécialisée dans l’élevage laitier, la Ferme C.D.M. s’est convertie aux grandes cultures au tournant des années 1980. Denis, le père de Mathieu, a bâti une première porcherie en 1993, suivie d’une pouponnière en 2006. Ce segment d’activité n’a jamais cessé de croître depuis.
Aujourd’hui, l’entreprise a intégré plusieurs activités liées aux grandes cultures et à l’élevage porcin. En plus de détenir 12 000 places porcs en engraissement, la ferme est coactionnaire de la meunerie Excell Porcs à Saint-Nazaire-d’Acton. Enfin, l’entreprise a récemment conclu une entente avec deux maternités, dont une en construction. « On sera bientôt autosuffisants. On peut choisir la qualité du produit et on voit les résultats. C’est une plus-value », avance l’homme d’affaires dont la ferme à elle seule compte une dizaine d’employés.
Et dire que, dans sa jeunesse, Mathieu caressait le rêve de devenir architecte! « Il paraît qu’il faut voir ailleurs pour constater qu’on est bien chez nous, observe le producteur. Pendant mes cours, je pensais juste à retourner aux champs. C’est un travail que j’aime, car il y a toujours quelque chose de différent à accomplir. » Il n’en demeure pas moins que ses cours d’architecture lui ont été très utiles, car il a conçu tous les nouveaux bâtiments de la ferme, de même que sa maison. Le producteur se réjouit d’ailleurs de voir que sa fille Maïna partage sa passion pour l’agriculture puisqu’elle en est à sa deuxième année d’études à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA).
Préparer l’avenir
Déjà très performant avec l’aide de ses outils technologiques, Mathieu Messier songe à la prochaine étape de l’entreprise. Cet été, il a mandaté la firme Logiag pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre de la ferme. « Dans une grande ferme, la principale source d’émission de GES est l’utilisation d’engrais azoté. L’analyse nous a montré qu’on était assez près de la cible. Éventuellement, on croit qu’il va y avoir des crédits de carbone accessibles aux cultivateurs. Est-ce qu’on peut vendre des crédits en améliorant nos pratiques? Si c’est le cas, on veut être sur la ligne de départ. »
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Ce texte a été publié dans l’édition d’octobre 2021 du magazine GRAINS