Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
Le travail du sol au printemps, de la fertilisation au semis, aura beau avoir été exécuté en respectant les recommandations de l’agronome, quelques mauvaises décisions dans le chantier de récolte réduiront inévitablement une partie des efforts mis en amont.
« Il y a des éléments sur lesquels tu n’as pas d’emprise, comme la météo et le type de sol, mais je dirais que ce que tu feras du 75 % restant influencera tes rendements », avance Éric Desrosiers, producteur de plantes fourragères à Saint-Gabriel-de-Brandon, dans la région de Lanaudière, et également consultant avec sa firme SemSolutions.
Au niveau de la récolte, tout commence selon lui par la hauteur de la coupe. De trois à quatre pouces, mais jamais en deçà, et ce, pour plusieurs raisons. « Ça facilite tout d’abord le regain et la jeune pousse vient créer un couvert qui réduit le risque d’assèchement du sol en l’absence de pluie », avance-t-il.
En plus de risquer d’arracher les plants, une coupe trop rase peut aussi faire en sorte que les particules de fumier au sol et les restants de la récolte précédente soient projetés sur le fourrage par la force d’inertie des disques de la faucheuse. « Ça peut entraîner le développement de champignons. Cela affecte ainsi la qualité des fourrages et leur conservation », poursuit Éric Desrosiers.
Une coupe à la hauteur d’un ancien modèle de iPhone, comme certains producteurs utilisent en guise de gabarit, permet aussi aux tracteurs et remorques de passer dans les champs sans trop abimer les plans au sol. Enfin, les tiges restantes permettent de surélever la récolte et faciliter ainsi le travail lors des étapes du fanage et du raclage.
À quel moment faucher?
Régler le moment de faire ses récoltes en fonction d’une date précise sur un calendrier ne tient plus la route comme cela était souvent la pratique auparavant. Le cumul des degrés-jours, sur une base de 5° Celsius, est aujourd’hui un outil indispensable étant donné que beaucoup de données régionales et locales sont maintenant à la disposition des producteurs pour faire un choix.
Les différences sont évidemment notables d’une localité à l’autre. Dans une saison normale, par exemple, un producteur laitier du Centre-du-Québec lancera sa saison de récolte de fourrage à la fin du mois de mai, tandis que celui de la Mauricie procédera une semaine plus tard. Dans une année standard avec une météo clémente, le niveau 300 degrés-jours sera atteint vers le début juin et le seuil des 400 degrés-jours, à la mi-juin.
Cela étant, l’outil Agrométéo n’est pas une panacée, l’expérience demeure toujours de bon conseil au moment de prendre une décision. Une fenêtre de trois ou quatre jours de beau temps signifiera la mise au champ de la faucheuse, même si le niveau de degrés-jours recommandé pour un type de fourrage donné n’est pas encore tout à fait atteint. Généralement, les producteurs commencent à visiter les champs lorsque les degrés-jours atteignent 225.
Enfin, il est aussi recommandé de commencer la première coupe dans les prairies composées majoritairement de graminées puisque celles-ci atteignent leur maturité optimale avant les légumineuses (luzerne, trèfle). De plus, leur valeur alimentaire baisse plus rapidement avec l’avancement en maturité que les légumineuses.
Trois ou quatre coupes?
Qu’il s’agisse de produire du fourrage pour alimenter les vaches laitières, des bovins de boucherie ou pour vendre du foin commercial; qu’on parle de champs de graminées ou de légumineuses, les stratégies quant au nombre et au moment des coupes varieront.
Un producteur laitier visant, par exemple, la qualité au détriment du volume coupera son champ de luzerne avant la floraison parce que la valeur nutritive de sa récolte sera alors à son apogée. « Dans les légumineuses, c’est une tendance depuis quelques années de couper maintenant au bouton, souligne Éric Desrosiers. On peut passer ainsi de trois à quatre coupes, mais en donnant la priorité à la qualité, on diminue la longévité de la prairie. Il faut alors faire les rotations plus fréquemment. »
À l’inverse, attendre qu’une partie du champ (environ 10 %) soit en floraison signifiera une légère perte de qualité nutritive, mais une augmentation du rendement et une meilleure chance de survie des plants l’année suivante. De leur côté, les producteurs de foin commercial destiné aux écuries par exemple, attendront que les graminées commencent leur épiaison avant de procéder à la récolte. Dans ce cas-ci, l’accent sera mis sur le volume de la production, même si la valeur nutritionnelle est moins riche.
La gestion de la dernière coupe
Dans cette course au rendement, les producteurs doivent toujours conserver un bon équilibre en gardant à l’esprit la pérennité de leurs prairies. Tout se joue lors de la dernière coupe de la saison, alors que les plants doivent avoir conservé suffisamment de réserves pour passer au travers de l’hiver. Ce n’est pas tant un gel automnal hâtif qui sera fatal aux plants que les redoux hivernaux qui deviennent la norme ces dernières années.
Lors d’un automne ensoleillé, il vaudra ainsi mieux faire une coupe au début octobre qu’un mois plus tôt alors que les plants utiliseront leurs réserves pour croître, les rendant ainsi plus vulnérables aux froids hivernaux.
Il faut également prendre en compte que le degré de maturation automnale est beaucoup plus lent que durant l’été. L’urgence d’aller au champ est donc moins présente qu’en début de saison où leur valeur alimentaire peut baisser drastiquement en quelques jours. De plus, on observe depuis quelques années que le climat est plus fiable, moins fluctuant, en août et septembre qu’au mois de juin par exemple.
Bernard Lepage, collaboration spéciale