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Fruit de la recherche d’étudiants à la maîtrise de l’Université Laval et de l’expérience d’un agriculteur, un prototype conçu pour éliminer plus rapidement l’eau de surface offre aujourd’hui plusieurs autres avantages.
Le problème :
Le champ ne draine pas assez rapidement suivant une irrigation intense ou une forte pluie, ce qui ralentit la croissance et la production des plants.
La solution :
Installation de 15 drains espacés à 3 m à une profondeur de 45 cm sur toute la longueur du champ.
Pierre Fortier cultive des canneberges depuis 29 ans. Son entreprise, Les Atocas de l’érable, exploite 283 hectares répartis dans quatre cannebergières. Confronté à divers enjeux de culture au fil des années, M. Fortier a entrepris d’envisager le drainage autrement. « La majorité des gens croient que la canneberge pousse dans l’eau », observe le producteur. « En fait, elle pousse dans un terrain sableux et assez sec. Ce n’est qu’au moment de la récolte qu’on inonde le champ, pour ensuite le drainer complètement. La canneberge n’aime pas avoir les pieds dans l’eau », rappelle-t-il, même si une certaine humidité résiduelle, à environ 45 cm en profondeur, reste nécessaire. La vulnérabilité au gel représente un autre problème ponctuel de cette culture. « Le seuil de tolérance des plants est à environ 0 °C. On doit alors irriguer intensément pour éviter le gel des plants. Le fait d’arroser pendant plusieurs heures générait trop d’eau dans le champ, qui tardait à s’écouler, ce qui nuisait à la production. La même situation se produisait après de fortes pluies », résume M. Fortier.
Une logistique d’avant-garde
Pour élaborer son système de drainage, M. Fortier a révisé toutes les composantes de son installation et ses connaissances acquises au fil des saisons. « Une culture de canneberges s’implante sur une terre déboisée, où on a retiré toutes les souches végétales et mis le terrain au plat. On obtient des champs d’environ 440 m sur 44 m de sable pur », analyse-t-il. « À l’irrigation, on constate qu’un secteur du champ s’écoule très bien, alors qu’un autre ne draine pas. Le problème n’est pas le même pour tout le champ, mais comme le système est interconnecté, on arrose tout le champ de la même façon. On se retrouve donc avec une extrémité du champ trop sèche, ou trop humide, et inversement à l’autre bout du champ », observe le producteur. « Dans une terre agricole, on installe le drain au point le plus bas du site pour remonter vers son point le plus élevé, afin que l’eau s’écoule vers le point le plus bas, soit la sortie du champ. Mais nous, on a procédé différemment », raconte M. Fortier. « Dans ce champ de 45 m, on a installé 15 drains, donc un drain à tous les 3 m, à une profondeur égale de 45 cm sur toute la longueur. Il n’y a donc pas de pente dans le drain. » Selon lui, cette absence d’inclinaison prévient plusieurs problèmes potentiels. « Quand on arrose toute la nuit, l’eau s’écoule tout simplement hors du champ. Et s’il y a une zone plus sèche qui draine bien, l’eau va se répandre uniformément sous les drains. Il y a aura donc de l’eau partout. Cela procure une irrigation plus homogène, faisant en sorte que la plante peut s’approvisionner à 45 cm de profondeur et ne manque jamais d’eau, même par temps très chaud », affirme-t-il.
Un concept, trois usages
Lorsque le drainage mécanique n’est pas requis, la tuyauterie du système est réaffectée à d’autres fonctions cruciales. « Même pour les sols où il n’y a pas de problème de drainage proprement dit, l’installation n’est jamais superflue, puisque le système va intervenir au niveau de l’irrigation », soutient le producteur. Un double emploi qui offre un troisième avantage, cette fois dans l’application des engrais. « En production de canneberges, on fertilise à raison de quatre ou cinq applications, à très petites doses. Ici, il faut être précis : un dépassement peut engendrer un surplus de production à court terme, mais qui va s’avérer dommageable à moyen et long terme » soulève M. Fortier.
Le défi : calibrer le niveau d’irrigation dans un contexte spécifique. « En période de fertilisation, on fait des applications hebdomadaires pendant quatre semaines. À l’application, il faut irriguer, puisque l’engrais doit descendre dans les neuf premiers centimètres du sol pour être efficace », précise-t-il. « Par contre, si on irrigue trop, l’engrais va pénétrer trop profondément en terre pour descendre sous le système racinaire, où il perdra son utilité », explique le producteur. « En procédant à des irrigations par aspersion, on peut acheminer l’engrais par voie souterraine, ce qui évite ce problème. On peut donc aussi utiliser le système pour contrôler les applications d’engrais », affirme M. Fortier.
Rendement et économies à la clé
Au surplus, le système a permis d’éliminer le gaspillage en réduisant les irrigations d’environ 50 %. « On évite ce qui se produisait avec les anciennes façons de faire, où on démarrait l’arrosage sans pouvoir cibler les besoins réels et déterminer s’il y avait suffisamment d’eau ou non. Les tensiomètres connectés au système identifient les besoins à combler et on peut créer une alarme spécifique aux objectifs souhaités. Il n’y a pas d’approximation », souligne le producteur, qui a aussi constaté une augmentation considérable de sa production. « En 20 ans, pour la même superficie, les rendements ont pratiquement doublé. Nos plants sont plus forts et plus productifs. Dans les champs qui drainaient mal, on arrivait à peine à faire 20 000 lb à l’acre. Maintenant, on récolte 30 000 lb à l’acre par année, juste en corrigeant le drainage », atteste-t-il.
Pour Pierre Fortier, ce savoir-faire développé pour régler un problème de drainage participe aujourd’hui à faire du Québec un leader mondial en production de canneberges. « Aujourd’hui, tous les nouveaux champs de canneberges sont conçus de cette façon. On peut en faire plus avec le même mètre carré, lorsqu’on sait exactement ce qu’on fait », conclut-il avec fierté.