Santé animale 18 juin 2024

Prévention et gestion des mycotoxines en agriculture

Les mycotoxines sont des toxines produites par des champignons microscopiques qui peuvent se développer dans les cultures sur pied ou lors de l’ensilage. Elles représentent un danger sérieux pour la santé des animaux qui les consomment, et une gestion rigoureuse est nécessaire pour éviter leurs effets néfastes.

Les mycotoxines peuvent causer de graves problèmes de santé chez les animaux et sont particulièrement préoccupantes pour certaines espèces comme le porc et la volaille, qui sont plus vulnérables à leurs effets toxiques. Bien que les bovins soient généralement moins affectés en raison de la dégradation de certaines mycotoxines dans leur rumen, cette protection n’est pas pour autant garantie. Par conséquent, leur gestion dans les troupeaux bovins et laitiers demeure un sujet complexe nécessitant une attention particulière.

Prévenir au champ

« La prévention est la meilleure stratégie pour lutter contre les mycotoxines », lance sans hésiter Jean-Philippe Laroche, expert en production laitière et nutrition chez Lactanet. Elle commence dans le champ, avec l’adoption de bonnes pratiques culturales. Un problème récurrent de mycotoxines cache peut-être une occasion d’améliorer la régie des cultures. « Dans ce cas, il faut revoir toute la chaîne de production, du semis jusqu’à la mise en silo », dit-il.

M. Laroche recommande alors deux stratégies clés pour réduire les risques de mycotoxines : la première est basée sur le choix des hybrides/cultivars et la seconde sur la réduction des résidus contaminés.

Les producteurs exposés fréquemment à des problèmes de mycotoxines devraient opter pour des cultivars plus résistants aux maladies. En particulier  la fusariose, puisqu’elle est responsable de la majorité des cas problématiques de mycotoxines au Québec.

Jean-Philippe Laroche, expert en production laitière et nutrition chez Lactanet

Cette stratégie a ­beaucoup plus de chances de succès que l’application d’un fongicide.

En outre, une rotation efficace des cultures chaque année permettra d’éviter la présence de résidus contaminés des années précédentes dans le sol. Si les résidus sont contaminés par le champignon Fusarium, il y a un risque accru que la maladie se transmette aux nouvelles cultures sensibles, selon lui. « Il est crucial de ne pas cultiver de façon consécutive  deux cultures sensibles à cette maladie (principalement le maïs et les céréales à paille) », soutient le spécialiste. Comme M. Laroche le souligne, « n’importe quel travail réduit ne va pas ­éliminer tous les résidus, d’où l’importance d’une bonne rotation ». Cependant, il déconseille le retour aux labours traditionnels en raison des nombreux inconvénients qu’ils présentent, et ce, malgré le risque accru de persistance des résidus.

Prévention lors de l’ensilage

Une autre étape majeure pour prévenir le développement des mycotoxines est l’ensilage, selon ­Jean-Philippe Laroche. Les moisissures responsables de leur prolifération se développent en présence d’oxygène. Pour les empêcher de se former, il est essentiel d’éliminer rapidement l’oxygène du silo, ce qui peut être réalisé en compactant l’ensilage et en le stockant aussi vite que possible après la récolte. Un bon entreposage est donc crucial.

En plus des méthodes mécaniques, certains produits peuvent être utilisés pour améliorer la fermentation ou la stabilité des ensilages, tels que les acidifiants ou les inoculants bactériens. « Bien que ces interventions puissent être bénéfiques, elles ne remplacent pas une bonne gestion des cultures et de l’ensilage », affirme M. Laroche.

Impacts sur les animaux

Lorsque les mycotoxines sont présentes dans les aliments servis aux animaux, elles peuvent entraîner des problèmes de santé significatifs dans les troupeaux. Les effets dépendent du type de mycotoxine présent, mais peuvent inclure une baisse de production chez les vaches, des problèmes de reproduction et de fertilité, des diarrhées accompagnées d’hémorragies internes ou des mammites. Afin de vérifier la présence de mycotoxines, on peut envoyer un échantillon représentatif des aliments pour effectuer une analyse. On peut également consulter son vétérinaire pour effectuer une prise de sang. Pour limiter les effets néfastes des mycotoxines, les producteurs peuvent ajouter des additifs dans les rations alimentaires des animaux. « Cependant, ces produits sont chers et les résultats positifs ne sont pas garantis », soutient le spécialiste. 

Bref, la gestion des mycotoxines en agriculture nécessite une approche préventive et une attention continue à chaque étape de la production. La rotation des cultures et le choix d’hybrides/cultivars résistants sont fondamentaux pour prévenir la contamination. Lors de l’ensilage, il est crucial de compacter et de stocker rapidement les récoltes pour éviter le développement des moisissures. Si des mycotoxines sont présentes, des additifs alimentaires peuvent être utilisés pour limiter leur impact, bien que leur efficacité ne soit pas parfaite. En adoptant ces pratiques, les producteurs peuvent réduire les risques posés par les mycotoxines et assurer la santé et la productivité de leurs troupeaux.