Recherche 17 octobre 2024

72 fermes participent au Laboratoire vivant Racines d’avenir

SAINTE-SOPHIE – Après un an de préparation et de recrutement, plus de 70 fermes ont accepté de collaborer aux cinq cellules d’innovation du Laboratoire vivant Racines d’avenir. Le coup d’envoi officiel des activités de recherche, qui visent l’adoption de pratiques agroenvironnementales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et améliorer la séquestration du carbone, a été lancé le 11 octobre à la Ferme Raymond Alary et Fils, à Sainte-Sophie, dans les Laurentides.

Frédérick Alary

L’un des copropriétaires de la ferme, Frédérick Alary, est curieux de voir les résultats qui ressortiront de son premier bilan carbone. Les chercheurs ont déjà prélevé des carottages afin d’évaluer le stockage de carbone dans le sol. Pour lui, le laboratoire vivant représentait une occasion de profiter de l’expertise des chercheurs et du partage de connaissances entre producteurs pour continuer d’améliorer les pratiques de sa ferme certifiée biologique depuis plus de 30 ans.

Il participe, aux côtés de 29 autres producteurs de grandes cultures, aux projets de recherche de la première cellule d’innovation, qui porte sur la gestion et la fertilisation des sols.

En étant une ferme biologique, les labours, ç’a toujours été une partie intégrante du travail, et de plus en plus, on essaie de les laisser tomber pour avoir des cultures de couverture, le moins de sols à nu l’hiver, augmenter notre matière organique et la fixation de carbone dans le sol.

Frédérick Alary, copropriétaire de la Ferme Raymond Alary et Fils

Alimentations des ruminants

Vingt producteurs ovins et de bovins de boucherie participent aux neuf activités de recherche de la deuxième cellule d’innovation, portant sur l’alimentation des ruminants et la régie des plantes fourragères. L’été dernier, ils ont eu la tâche d’échantillonner leurs pâturages pour évaluer la qualité de la nourriture actuellement consommée par leurs animaux. « Ces données ne sont pas vues souvent au Québec. Ce sont des données super intéressantes à avoir, oui pour le projet, mais pour le Québec de façon générale et pour les productions ovines et bovines », a mentionné l’agronome Ann-Sophy Côté, qui coordonne les cellules 2 et 3. Les résultats permettront de créer des rations types, puis d’analyser les gains de poids des animaux et la qualité des fourrages récoltés pour tenter de les améliorer.

Un autre volet portera sur la diversification des espèces fourragères pour créer des systèmes fourragers plus résilients face aux changements climatiques. Les émissions entériques des animaux ne seront pas physiquement évaluées dans ce projet, mais seront modélisées. Toutefois, deux bilans carbone seront effectués, en début et en fin de projet, afin d’analyser la mise en place des nouvelles pratiques. 

Gestion des lisiers et foin d’odeur

La troisième cellule s’intéressera à la gestion des lisiers, puisqu’elle représente 26,5 % des émissions du secteur agricole québécois. Seize producteurs de lait, porcins, ovins et bovins documenteront leurs pratiques en lien avec la gestion des déjections animales liquides en 2024.

On peut quand même avoir un impact significatif en faisant des changements de pratiques à la fosse qui, des fois, n’ont juste pas été explorés ou sont limités par la réalité climatique, les équipements.

Ann-Sophy Côté, agronome

La température et les émanations de méthane et d’ammoniac seront corrélées avec les pratiques à la ferme, puis les pertes d’azote seront évaluées au champ après des changements de gestion de la fosse.

Les chercheurs prévoient également étudier l’acidification des lisiers à l’acide sulfurique, dont les potentiels de réduction sont estimés à 50 % du méthane volatilisé et de 50 à 70 % de l’ammoniac volatilisé. Les tests se feront en station expérimentale en 2025, et si les résultats sont concluants, dans les fermes en 2026.

La quatrième cellule visera à utiliser les savoirs ancestraux pour réduire les GES.  Deux fermes travailleront avec des chercheurs et la Nation W8banaki sur la réappropriation du savoir et la réintroduction du foin d’odeur sur le territoire de ce peuple des Premières Nations. Cette plante est une herbe aromatique qui a des racines profondes et qui pourrait modifier la santé du sol en deux ans.

Selon Agriclimat, l’un des partenaires de réalisation du laboratoire vivant, les émissions des sols représentent 59 % des émissions de GES d’une ferme de référence en grandes cultures.

Agroforesterie et aménagement des cours d’eau

Finalement, une dizaine de producteurs participeront aux quatre activités de recherche consacrées à l’aménagement durable des cours d’eau et à la plantation de haies agroforestières en milieu agricole. L’aménagement actuel des cours d’eau ne tient pas compte de l’hydromorphologie, c’est-à-dire l’érosion, le transport et l’accumulation de sédiments dans le cours d’eau. Cela pourrait rendre ces derniers plus résilients face aux inondations et réduire les charges d’entretien des producteurs.

Les chercheurs évalueront également la contribution des haies agroforestières à la séquestration de carbone et à la santé des sols en fonction de leur âge, de leur essence, de la texture du sol et de la distance entre la haie et le champ, notamment.

Racines d’avenir est le deuxième laboratoire vivant actif au Québec. Il est financé par Agriculture et Agroalimentaire Canada et bénéficie d’une enveloppe de 8,9 M$ jusqu’en 2028. Il est coordonné par l’Union des producteurs agricoles.