Innovation 21 août 2024

Végétal – Changer ses pratiques, ça rapporte!

Les agronomes, chercheurs et conseillers le disent à l’unisson : pour réduire l’utilisation de pesticides nocifs, les producteurs de pommes de terre doivent impérativement changer leurs pratiques culturales en privilégiant une gestion intégrée des ennemis des cultures.

« C’est une question de santé pour les producteurs et de protection de l’environnement », a expliqué Sébastien Martinez, agronome-chercheur au Carrefour industriel et expérimental de Lanaudière (CIEL), lors de sa présentation devant plusieurs dizaines de producteurs ­réunis à la Ferme Maléfa de Saint-Maurice pour la ­Journée pomme de terre, le 11 juillet dernier.

Le chercheur y a présenté les résultats des activités de la Vitrine de régie à moindres risques dans la pomme de terre, mise en place il y a six ans en collaboration avec 11 producteurs de plusieurs régions et sur des superficies variant de 5 à 30 hectares. Ces producteurs ont accepté de changer leurs pratiques en utilisant des solutions de rechange aux pesticides à haut indice de risque pour la santé et l’environnement, et cela, sans affecter leurs rendements ni leurs coûts de production.

Notre objectif n’est pas de jouer aux apprentis sorciers et de faire vivre de mauvaises expériences aux producteurs.

Sébastien Martinez

« Nous mettons en pratique les résultats de plusieurs années de recherches et surtout, les producteurs sont accompagnés dans ces changements. »

Des résultats probants

Les principaux gains que peuvent réaliser les producteurs se font avec les fongicides, notamment dans la lutte contre la dartrose en supprimant ou en réduisant les applications « parce que les traitements sont peu ou pas efficaces », rappelle Sébastien Martinez. 

Constat similaire du côté de la lutte contre la brûlure hâtive. « Pour les cultivars de primeurs, on a noté que les applications de fongicides n’amélioraient pas les rendements, donc les producteurs peuvent très bien s’en passer. […] On suggère de ne pas traiter de façon précoce, mais plutôt de retarder la première application au début de la fermeture des rangs. » 

Le chercheur le reconnaît, dans la lutte aux insectes, il peut être difficile de se passer des néonicotinoïdes à la plantation parce que les insecticides de remplacement n’ont pas d’efficacité contre la cicadelle. Mais il a été démontré que l’utilisation de pièges jaunes collants, avec capture de 25 insectes adultes par semaine, permettrait de réduire les dommages. Dans le cas de la lutte au doryphore, il existe peu de solutions de rechange aux produits sur le marché, mais il est recommandé d’effectuer des rotations avec des produits moins toxiques, comme le Vayego.

Pour les herbicides, l’élimination ou la réduction d’utilisation de produits hautement toxiques comme le Linuron est grandement recommandée. Lorsque les conditions le permettent, celui-ci peut être remplacé par du Zidua ou du Bondary associé à la métribuzine. Mais là aussi, il n’est pas toujours possible d’éliminer complètement l’usage du Linuron, comme dans le cas de champs très infestés.

Même dans la lutte au mildiou, Sébastien Martinez rappelle qu’il est possible de limiter les applications aux moments les plus critiques et même de réduire celles-ci lorsqu’il n’y a pas de risques. « Il faut bien connaître ses champs et être bien accompagné », dit-il.

Le chercheur croit que les producteurs qui collaborent à la vitrine font la démonstration qu’il est ­possible de changer ses façons de faire sans nuire à ses ­rendements.  

Entreposage : l’importance du brossage confirmée

Des essais effectués sur deux ans dans l’entrepôt laboratoire d’Agrinova, à Sainte-Croix-de-Lotbinière, ont notamment confirmé l’efficacité d’un brossage adéquat dans le traitement des tubercules lors de l’entreposage. Les résultats de cette recherche en deux volets ont été dévoilés lors de la Journée de pomme de terre qui s’est tenue le 11 juillet à Saint-Maurice. Le premier volet consistait à identifier les meilleurs équipements pour optimiser le traitement des pommes de terre à leur entrée en entrepôt. « Il est important de s’assurer que la plus grande surface des tubercules soit exposée aux produits phytosanitaires », explique la coresponsable des essais, l’agronome Sophie Massie.

Divers types de buses et de convoyeurs à l’essai

Ces essais ont été faits avec différents types de convoyeurs. Ils permettaient également d’évaluer plusieurs types de buses de pulvérisation. Les essais ont permis de déterminer que le meilleur agencement de convoyeurs était la brosseuse jumelée à une table à rouleaux. Selon Sophie Massie, « en mettant la brosseuse en amont de la table à rouleaux, on obtenait de meilleurs résultats, surtout que la brosseuse permettait de nettoyer les tubercules avant l’application de fongicide ».

Parmi les cinq types de buses pour la pulvérisation de fongicide, aucune ne s’est vraiment démarquée. Celle dont les résultats étaient sensiblement meilleurs a servi lors du second volet des essais, celui sur l’évaluation des produits phytosanitaires pour prévenir les infestations. Au cours de cette évaluation, malgré une couverture complète des tubercules, aucun des produits testés n’a permis de contrôler adéquatement la pourriture molle, et ce, même pour le Storox, le seul produit homologué.