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La plupart des exploitations maraîchères et horticoles du Québec ont intégré la technologie sous différentes formes. Quels sont les constats formulés, et à quoi peut-on s’attendre au cours des prochaines années? Quelques acteurs du milieu se prononcent.
Le diagnostic numérique d’AGRIcarrières
Pour Noémie Dubuc, agente de liaison du Comité sectoriel de main-d’œuvre de la production agricole d’AGRIcarrières, le virage numérique représente surtout une évolution des procédés. « Ce n’est pas une révolution des métiers agricoles. Les savoirs de base restent les mêmes, mais de nouveaux savoir-faire et savoir-être seront nécessaires pour faire face à l’utilisation et la complexité des technologies. » C’est l’un des constats dégagés par le « diagnostic numérique » d’AGRIcarrières, dont le rapport a été publié l’automne dernier. Ce grand coup de sonde cherchait à déterminer l’impact des technologies numériques pour les entreprises agricoles et leur main-d’œuvre dans les prochaines années.
« Pour répondre à cette question, on a mis à profit l’intelligence collective en rassemblant autour d’une table des experts, des producteurs agricoles et des membres de l’écosystème d’AGRIcarrières. On a fait une vigie technologique pour voir ce qui est utilisé comme technologie un peu partout dans le monde en agriculture », explique Mme Dubuc. Un sondage Web réalisé auprès de 136 répondants a également permis d’élaborer des fiches métiers identifiant les principales technologies et les compétences à développer. « On parle entre autres d’intelligence artificielle, de diagnostic des maladies par des capteurs intelligents sur les plantes, de l’évaluation de la maturité des produits, de drones capables d’analyser des champs », énumère-t-elle.
Elle indique que l’accompagnement, notamment par la formation, fait partie des axes d’intervention d’AGRIcarrières pour faciliter l’adaptation aux changements.
L’angle des grands maraîchers
Cette nécessité d’adaptation, les grands producteurs maraîchers Guillaume Cloutier, de Delfland, et Martin Van Winden, des Fermes Hotte et Van Winden, la reconnaissent d’emblée. Lors d’un panel animé par Izmir Hernandez (REIA), les deux entrepreneurs ont partagé leur expérience de l’intégration technologique. « Pour nous, le choix des tâches à optimiser commence par une analyse du budget, pour voir ce qui demande le plus de main-d’œuvre », explique Martin Van Winden. Situation analogue pour Guillaume Cloutier, qui utilise un logiciel de gestion pour déterminer ses coûts d’exploitation. « On obtient des coûts assez précis, donc on sait quelles cultures nous grugent le plus de budget, de temps et de main-d’œuvre, et on cherche les technologies qui existent pour répondre à nos besoins. » Précisons que le désherbeur, le porte-outils, le pulvérisateur intelligent, le transplanteur, les applications numériques connectées et les logiciels de gestion agricole sont au nombre des technologies utilisées par les deux producteurs.
Pour Guillaume, la rentabilité du robot désherbeur, par exemple, se manifeste à plusieurs égards. « C’est notre robot le plus payant, et pas seulement au niveau de la main-d’œuvre. Dans un champ de laitues où il y a beaucoup de mauvaises herbes, deux coups de robot vont te gagner deux semaines de travail quand ton équipe est en train de récolter et que tu n’as pas le temps de sarcler. Ces outils-là agrandissent la plage de travail », témoigne-t-il. Les technologies qui permettent le traitement de zones localisées et la réduction des pesticides marquent aussi des points chez les deux producteurs. « Mais la robotique n’est qu’une des technologies utilisées à la ferme », d’ajouter Martin. « Présentement, on peut démarrer toutes nos pompes de moteur d’irrigation avec notre téléphone. Ça économise beaucoup de temps! »
Malgré des avantages concrets, les deux agriculteurs en conviennent : la maîtrise des nouvelles technologies comporte certains défis. « La technologie PlantTape [transplanteur] a demandé beaucoup de travail pour adapter la production. La machine fonctionne bien, mais c’est toute la régie autour qu’il faut changer », admet Guillaume. « Les robots sarcleurs sont ultra-précis, donc il faut planter ultra-précis », renchérit Martin.
Au rayon des besoins à combler, le dépistage et l’interprétation des données figurent sur la liste de souhaits des deux producteurs.
Vers un carnet de champs connecté
Selon Étienne Gagnon Juteau, conseiller spécialiste en agriculture chez SIGA Informatique, ces vœux pourraient bientôt se réaliser. « On entre dans une nouvelle révolution industrielle propulsée par l’intelligence artificielle », lance-t-il, soulignant la nécessité pour les programmeurs de s’adapter à une logistique d’applications hébergées sur le Web. Les solutions SIGA Finance evo, Geofolia (grandes cultures) et Pig Up (production porcine) développées par l’entreprise drummondvilloise continuent d’évoluer pour anticiper les besoins de l’avenir. « La première chose qu’on a décidé d’optimiser, c’est le suivi de la météo. La deuxième, c’est la collecte de données en temps réel avec des carnets de champs connectés », explique M. Gagnon Juteau, qui vise l’élimination totale de la saisie manuelle. « L’objectif est d’automatiser les opérations dans les fermes pour avoir ses propres coûts de production, connaître le temps d’usure des machines et simplifier la traçabilité électronique, de façon à produire rapidement les rapports nécessaires, autant pour le CanadaGAP que les certifications biologiques », explique-t-il.
L’entreprise planche aussi sur un concept de stations météo virtuelles. L’idée est d’utiliser l’intelligence artificielle et les algorithmes afin de compiler les captures satellites de radars météorologiques provenant de stations réelles pour faire une projection sur un point GPS précis. « Il sera possible d’ajouter ces données au carnet de champs connecté, qui représente votre plan de ferme géoréférencé réel », avance Étienne Gagnon Juteau. « Elles seront intégrées aux stades de culture, pour permettre d’identifier à partir de combien d’unités thermiques tel ravageur peut apparaître dans telle production et assurer une veille des cultures. Le producteur peut suivre toutes les opérations, les intrants, les traitements phytosanitaires », résume-t-il. En outre, le carnet de champs connecté facilitera le partage de données en temps réel entre les différents professionnels en gestion de la ferme.