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Le bâtiment durable doit satisfaire à des exigences environnementales et sociétales, mais aussi aux impératifs de rentabilité d’une entreprise. Des objectifs qui passent par le bien-être animal.
La naturalité, vous connaissez?
La définition du bâtiment durable, toutes productions confondues, repose sur la conception de milieux de vie plus respectueux des élevages. « On veut permettre aux animaux d’exprimer davantage leurs comportements naturels dans un environnement qui se rapproche le plus possible de la nature », explique Sébastien Fournel, professeur en génie agroenvironnemental et titulaire de la Chaire de leadership en enseignement (CLE) des bâtiments agricoles durables à l’Université Laval. « Concrètement, ça signifie d’éliminer la contention pour les systèmes de production où il en reste encore, la stabulation entravée et les cases au niveau de la porcherie », explique le chercheur. Les aires d’exercice vertes pour bovins laitiers, les volières à faibles émissions pour poules pondeuses et les systèmes de ventilation évolués pour poulets de chair et porcs sont les piliers de cette approche qui préconise plus d’espace par animal. « Pour les bovins laitiers, “plus d’espace” peut impliquer le passage d’une stabulation libre en logettes à de grandes aires de couchage sur litière compostée », explique M. Fournel.
Recréer l’extérieur
Dans un contexte idéal, “plus d’espace” comporte un accès extérieur, une option qui n’est pas accessible à tous. Ici, la solution de rechange consiste à amener l’extérieur à l’intérieur, d’abord par l’apport de lumière naturelle. « Les concepts de bâtiments sous forme de serres dotées de toits transparents émergent en Europe », évoque M. Fournel. « On peut aussi aménager la végétation à l’intérieur même des bâtiments d’élevage, un peu comme on le voyait dans les centres commerciaux. Des arbres pourraient participer à la filtration de l’air et procurer des zones d’ombre en été. »
Valorisation tous azimuts : des équipements de pointe
Un bâtiment durable, c’est aussi une exploitation qui optimise toutes les facettes de ses opérations. La valorisation des fumiers et des excédents de chaleur et d’énergie constitue une valeur cible. « De plus en plus, on constate que simplement épandre le fumier brut n’est pas l’utilisation la plus optimale », relate M. Fournel. « Le fumier comporte deux fractions, une liquide et l’autre solide, et on aurait intérêt à maximiser les nutriments qu’elles contiennent en les gérant séparément », observe-t-il. « Généralement, la fraction liquide est très chargée en azote et peut servir de fertilisant, tandis que la partie solide peut être transformée en bioproduits pour le chauffage, l’huile ou les matériaux. Ici, on est beaucoup dans le concept de mini-entreprise d’économie circulaire », affirme le chercheur. Dans cette optique, des planchers synthétiques polyvalents, qui agiraient à la fois comme séparateurs de fumier et surfaces de confort, sont à l’étude.
D’autres concepts de récupération et d’économie d’énergie sont aussi dans la mire des chercheurs. « Actuellement, dans les poulaillers et les porcheries, on envoie la chaleur produite par les animaux dehors et on ne la récupère pas », soulève M. Fournel. « Ce qu’on envisage pour le bâtiment durable, c’est un système de ventilation centralisé avec des entrées et sorties d’air uniques, un peu selon le principe de la géothermie, où on fait passer l’air par le sol pour le filtrer et le refroidir avant de l’entrer dans la bâtisse. On conditionnerait l’air à l’entrée et à la sortie, pour réutiliser la chaleur et le CO2 produits par l’élevage et les projeter dans une serre. On pourrait avoir une synergie des productions », décrit le chercheur, qui voit des systèmes d’échangeur de chaleur, de chauffage et de refroidissement, et à plus long terme, des systèmes à l’eau ou des brumisateurs, devenir le standard des bâtiments agricoles performants.
L’implantation des technologies d’élevage de précision (PLF) passera aussi en mode accéléré. « Les systèmes de caméras, senseurs et microphones qui nous permettent d’analyser le comportement des animaux, détecter s’ils ont chaud ou froid, s’ils souffrent de blessures ou de maladies, sont d’ailleurs déjà présents dans certains secteurs d’élevage », observe M. Fournel, pour qui ces moniteurs de santé animale sont d’importants outils de productivité pour les éleveurs.
Des logistiques sous la loupe
L’équipe de Sébastien Fournel étudie ces concepts et les enjeux, aussi bien pratiques que financiers, qui en découlent. « On se dirige vers des transitions importantes dans la filière avicole et le secteur porcin. En production laitière, la plupart des nouvelles constructions s’orientent vers la stabulation libre. Le virage est amorcé et on voit plein de petits échantillons de fermes qui utilisent l’une ou l’autre de ces technologies. Mais un bâtiment durable complet, qui inclut toutes ces pratiques, n’est pas encore une réalité », constate le chercheur. « Il nous faut démontrer l’impact concret d’un système, voir si une attribution gouvernementale pourrait absorber une partie de l’investissement, ou si le consommateur sera prêt à payer davantage pour un produit à valeur ajoutée ou à empreinte environnementale plus faible. Notre défi est d’intégrer l’ensemble de ces composantes pour créer le bâtiment durable de l’avenir », conclut-il.
Les composantes du bâtiment durable
Intégration du concept de naturalité :
- Espace accru, élimination de la contention, accès à l’extérieur, enrichissement, diversité génétique;
- Utilisation de surfaces souples, confortables et séparatrices;
- Valorisation optimale des fumiers et des excédents de chaleur et d’énergie produits;
- Ventilation centralisée permettant le traitement et le conditionnement de l’air;
- Minimisation de l’exposition à la poussière, aux gaz nocifs et aux odeurs pour les animaux et les travailleurs agricoles;
- Déploiement de technologies d’élevage de précision.
(Sébastien Fournel, ing., Ph. D. – Édens porcins et avicoles 2050 : bâtir les porcheries et poulaillers du futur)
Pour en savoir plus :
Maternité de recherche et de formation du CDPQ