Volailles 29 octobre 2024

Un problème de fausses pondeuses résolu avec la filtration d’air


Une entreprise avicole du Centre-du-Québec s’est inspirée des systèmes de filtration d’air utilisés en production porcine pour donner un coup de barre au syndrome de la fausse pondeuse dans ses troupeaux de reproduction.

Sébastien Gagnon, directeur de la production animale pour le Groupe Inovo, entreprise spécialisée dans la production d’œufs de consommation, avait déjà travaillé dans le secteur porcin à l’époque où le syndrome reproducteur et respiratoire porcin (SRRP) faisait des ravages. Il s’est donc demandé si le système de filtration d’air à pression positive, qui a depuis fait ses preuves pour garder le SRRP et autres virus à l’extérieur des maternités porcines, pourrait aussi être efficace dans les élevages de reproduction avicoles, cette fois pour bloquer le virus de la bronchite infectieuse, responsable du syndrome de la fausse pondeuse. Pour le groupe Inovo, qui compte cinq pondoirs et quatre élevages de reproduction pour ses poulettes de remplacement, cette maladie affecte, depuis 2019, environ 15 à 20 % des pondeuses. « Ça peut être un problème modéré pour un petit élevage, mais avec 50 000 pondeuses, c’est exponentiel; il fallait donc trouver une solution », spécifie le directeur de production. Les poules qui sont affectées par cette condition poursuivent leur croissance normalement, et doivent donc être nourries comme les autres, mais ont des problèmes de ponte lorsqu’elles sont transférées au pondoir, ce qui nuit à la productivité.

Ç’a nécessité des investissements, mais la solution fonctionne, donc c’est vraiment encourageant pour la suite. Les poules qui sont envoyées en pondoir pondent bien.

Sébastien Gagnon

Une unité de filtration expérimentale

Avant d’investir dans cette technologie, M. Gagnon a développé il y a environ quatre ans une unité expérimentale, « car ça partait un peu de nulle part, cette idée de filtrer l’air dans des élevages de poulettes », précise-t-il. En plus des filtres, il a ajouté à son prototype une lampe UV « pour doubler le travail », puisqu’il n’avait pas entièrement confiance en la filtration uniquement mécanique.

« On s’est donc amusés à croiser des données, en testant seulement avec les filtres ou seulement avec la lumière UV, et on a conclu que c’était une solution envisageable. Après, on est allés avec différents scénarios au niveau structurel pour calibrer la filtration selon la grandeur des bâtiments et les besoins des oiseaux », décrit-il.

Pour ce faire, il a fait appel à Sébastien Pouliot, expert en ventilation du côté de la production porcine, qui a entre autres orchestré l’installation du système de filtration d’air à pression positive à la maternité de recherche porcine du Centre de développement du porc du Québec (CDPQ). Ce dernier a agi en tant qu’expert consultant dans ce projet. « L’idée est de créer une barrière physique avec les filtres pour que le virus reste à l’extérieur du bâtiment; c’est ce qu’on appelle de la bioexclusion. Mais ce n’est pas juste la filtration qui fait le travail, c’est aussi l’ensemble des mesures de biosécurité », précise M. Pouliot.

À ce titre, le Groupe Inovo impose depuis 2019 la douche obligatoire aux employés qui doivent entrer dans les bâtiments d’élevages de reproduction pendant les premières semaines de vie des poussins, et le corridor danois en tout temps.

Le système est équipé de plusieurs filtres qui créent une barrière physique afin que le virus reste à l’extérieur du bâtiment.

Toutes les poules pondent

Depuis un an, deux systèmes de filtration d’air ont été achetés d’un fournisseur européen pour les quatre bâtiments de reproduction situés à Saint-Wenceslas, dans le Centre-du-Québec. Les unités sont installées sur des remorques amovibles et peuvent donc être déplacées d’un bâtiment à l’autre, ce qui permet à l’entreprise de couper les frais en deux. « On a distancé l’entrée des poussins d’un mois dans chaque bâtiment pour nous permettre de déplacer les unités. Sinon, c’était difficile de trouver un avantage économique à investir autant puisqu’on a seulement besoin de filtrer l’air pendant 3 semaines sur les 19 que dure ­l’élevage des poulettes », spécifie M. Gagnon. C’est pendant ces trois semaines que le virus peut affecter le système reproducteur des oiseaux.

Au total, l’achat des unités de filtration et l’adaptation des bâtiments, notamment pour les rendre étanches à l’air et adapter les contrôles électriques, ont requis un investissement de l’ordre de 1,2 M$, rapporte M. Gagnon. « C’est un gros investissement, mais la solution fonctionne, donc c’est vraiment encourageant pour la suite, puisqu’on n’a plus de souci : les poules qui sont envoyées en pondoir pondent bien », révèle-t-il. 

Les tests effectués montrent en effet que la filtration permet de maintenir le statut négatif des oiseaux au virus de la bronchite infectieuse. Or, dès que la filtration cesse, les tests redeviennent positifs, rapporte M. Gagnon, ce qui signifie que le virus est toujours présent dans l’environnement extérieur.  

Considérant qu’il n’y avait ni traitement ni vaccin efficace contre cette maladie, ce dernier estime que l’entreprise n’avait pas le choix d’aller dans cette voie, car ce problème était devenu un enjeu de rentabilité. De plus, avec les changements climatiques qui accentuent d’autres menaces comme celle de la grippe aviaire, l’entreprise devait être prête à protéger davantage ses élevages de reproduction, avance-t-il. « Actuellement, nos systèmes sont seulement utilisés 3 semaines sur 19 dans chacun des bâtiments, mais ils ont été conçus pour filtrer l’air pendant toute la durée de l’élevage si nécessaire », ­mentionne-t-il.