Volailles 29 octobre 2024

Resserrement législatif sur les salmonelles aux É.-U. : un défi à surmonter


Le resserrement des règles sur la présence des salmonelles dans la volaille proposé dans la nouvelle réglementation du Département américain de l’Agriculture (USDA) posera certes des défis à l’industrie canadienne, mais des projets de recherche en cours de ce côté-ci de la frontière devraient contribuer à franchir ce nouveau pas dans la prévention des infections alimentaires.

Chaque année, entre 1 400 et 1 600 Québécois contractent une salmonellose qui les mène à l’hôpital. Deuxième infection alimentaire la plus souvent rapportée au Québec, cette maladie qui peut provoquer diarrhée, crampes intestinales, vomissements et parfois même causer la mort, est le plus souvent causée par la consommation d’aliments contaminés par la famille de bactéries Salmonella. 

Le Dr Sylvain Quessy est le cofondateur de la Chaire de recherche en salubrité des viandes.

Chez les animaux, ces bactéries ne causent cependant aucun symptôme, rappelle la codirectrice de la Chaire de recherche en salubrité des viandes (CRSV) de l’Université de Montréal, Marie-Lou Gaucher, qui estime que l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation américaine pourrait poser un plus grand défi de ce côté-ci de la frontière en raison de la plus faible intégration de la chaîne de production. 

« Les salmonelles peuvent passer du troupeau reproducteur, transiter au couvoir, se retrouver en ferme d’élevage, puis contaminer le produit de viande. En cours de route, il y a de multiples sources d’introduction à la ferme, si on ne met pas en place de bonnes mesures de biosécurité par exemple. À l’abattoir, où plusieurs lots se rencontrent, il peut y avoir de la contamination croisée. Nos voisins du sud, ils sont beaucoup plus intégrés, donc arrivent à faire un contrôle plus serré », explique-t-elle, notant que des programmes de prévention stricts existent déjà à chacune des étapes de la filière avicole et qu’elle dirige un vaste projet visant entre autres à unir les efforts de chacun des acteurs de la filière autour de la réduction des salmonelles. 

Elle note par ailleurs que l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation poserait un défi à la communauté scientifique, car le seuil de détection proposé – une unité formant colonie (UFC) – excède les capacités de dépistage actuelles.

On réfléchit et on travaille à des stratégies pour augmenter nos sensibilités de détection, nos méthodes de caractérisation.

Marie-Lou Gaucher, codirectrice de la Chaire de recherche en salubrité des viandes de l’UdeM

Réduire les pathogènes dans l’industrie : une tendance lourde

Fort de plus de 30 ans d’expérience tant comme inspecteur que comme chercheur, le cofondateur de la CRSV Sylvain Quessy estime qu’il faut relativiser les choses : l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation mettrait certes de la pression sur chacun des maillons de l’industrie, mais l’industrie peut s’adapter, comme elle l’a déjà fait avec le resserrement graduel des normes pour les salmonelles depuis le milieu des années 1990. 

« Il y a des précédents; c’est faisable, croit-il. Il y a des pays scandinaves, en Suède en particulier, où l’approche de la ferme à la table est vraiment intégrée. Quand un lot de poulet va se faire abattre, on connaît son statut positif ou négatif. Quand il a un statut positif, le poulet va aller pour la transformation, donc il va y avoir une cuisson lors de la transformation pour diminuer le danger pratiquement à zéro. Lorsque le lot est négatif, il va être envoyé pour une distribution pour du produit frais. Sauf qu’il y a un coût à ça. Si vous allez en Europe, vous allez voir que le poulet coûte pas mal plus cher. »

« Il y a une tendance lourde à l’effet que les autorités, les gens dans une moindre mesure, sont sensibilisés aux coûts associés aux toxi-infections alimentaires. Les salmonelles aux États-Unis, ce sont au moins 500 personnes qui en décèdent chaque année. » – Sylvain Quessy

Bien qu’il juge qu’un appui, par exemple gouvernemental, sera nécessaire pour soutenir les acteurs de la filière, il voit d’un bon œil la volonté d’adaptation et la concertation de chacun des maillons de l’industrie qui s’expriment notamment à travers leur participation aux projets de recherche de la CRSV. Et il rappelle que c’est avant tout un enjeu de santé publique : « Il y a une tendance lourde à l’effet que les autorités, les gens dans une moindre mesure, sont sensibilisés aux coûts associés aux toxi-infections alimentaires. Les salmonelles aux États-Unis, ce sont au moins 500 personnes qui en décèdent chaque année », rappelle-t-il.

M. Quessy note finalement qu’en s’attaquant à l’industrie de la volaille, on devrait aussi pouvoir enregistrer des gains secondaires, par exemple dans la filière maraîchère. « Au Québec, il y a environ 40 à 50 % des producteurs de fruits et de légumes qui vont utiliser du fertilisant organique, donc de volaille ou de porc, beaucoup moins de fumier de bovin. Donc, en diminuant la charge chez les populations animales, on va de facto diminuer la charge dans ceux qui utilisent le fertilisant organique », conclut Sylvain Quessy.