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La production d’œufs de consommation en circuits courts devrait connaître un boom cet été, alors qu’une vingtaine de nouveaux producteurs ayant obtenu un quota d’un maximum de 500 poules pondeuses devraient lancer leur projet et ainsi s’ajouter à la trentaine déjà en activité.
Ces nouveaux venus ont obtenu un droit de produire dans le cadre du programme d’aide au démarrage pour les marchés de proximité, qui, en 2023, a été exceptionnellement ouvert à un plus grand nombre de candidats à la demande du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Ce dernier souhaitait combler les besoins du marché des circuits courts en donnant une chance à tous les intéressés, rapporte Paulin Bouchard, président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec. « Tous ceux qui répondaient aux critères minimaux ont été acceptés », précise-t-il. Depuis son lancement en 2017, ce programme limitait à cinq le nombre de candidats par année.
Craintes chez certains producteurs établis
Laurence Petitclerc, propriétaire du Poulailler Portn’œufs, dans la région de Québec, a été sélectionnée dans la première cohorte du programme de 500 poules pondeuses en 2017. Depuis, elle a acquis du quota et possède 1 500 poules pondeuses pour répondre à une demande qu’elle estime très forte dans le réseau de vente qu’elle a progressivement développé dans le secteur de Portneuf.
L’arrivée de nouveaux concurrents dans son secteur, après l’octroi d’une vingtaine de nouveaux quotas de production dernièrement, la préoccupe énormément. « Je n’étais pas vraiment d’accord avec cette décision et je sais qu’il y en a deux, pas très loin, qui n’ont pas encore commencé. On verra ce que ça donne. Moi, au moins, je suis déjà établie depuis six ans », se rassure-t-elle.
De la même manière, Valérie Campeau, qui a aussi été sélectionnée dans la première cohorte du programme, estime que l’arrivée massive de nouveaux joueurs risque de saturer le marché, surtout dans les régions où des quotas ont été accordés à plusieurs fermes voisines, souligne-t-elle. « Je pense qu’il n’y en aura pas de nouveaux dans mon secteur; je reste assez isolée », se console celle qui produit également des légumes pendant l’été pour des paniers bio.
Pour sa part, Jean-Mathieu D’Amour, le propriétaire de l’entreprise Les oeufs Fraserville, à Rivière-du-Loup, mise sur sa croissance pour demeurer concurrentiel sur les marchés de proximité. « Parmi les producteurs du programme 500 pondeuses, je suis parmi les plus gros, car j’ai réussi, en rachetant du quota, à avoir un grand volume de production, ce qui me qui permet de réaliser des économies d’échelle et d’avoir des prix concurrentiels », illustre-t-il.
Une analyse après la saison 2024
Selon Paulin Bouchard, il est encore trop tôt pour savoir si cette importante hausse du nombre de producteurs va embourber le marché des œufs de proximité, puisque la plupart de nouveaux venus ne démarreront leur production que cet été. « Certains pourraient abandonner, mais le marché pourrait aussi absorber tout le monde. Une analyse sera faite après la saison 2024 pour prendre une décision quant à la suite des choses; pour savoir, par exemple, si on retourne à l’ancienne formule de sélection [qui limitait le nombre de candidats à cinq par année] ou si on continue d’ouvrir ce marché », spécifie-t-il. Il recommande néanmoins aux nouveaux producteurs de commencer progressivement, « avec 150 ou 200 poules », et d’augmenter leur troupeau selon les besoins du marché par la suite.
Les œufs après le lait fermier
Jean-Mathieu D’Amour, propriétaire de l’entreprise Les oeufs Fraserville, à Rivière-du-Loup, a le vent dans les voiles. Celui qui a démarré sa production en 2018, après avoir obtenu un quota de 500 poules pondeuses dans la première cohorte du programme d’aide au démarrage pour les marchés de proximité, a maintenant un troupeau qui atteint 2 300 têtes. « Je pourrais avoir quatre fois plus d’œufs et ils se vendraient tous, lance celui qui prévoit doubler sa production à court terme pour répondre à cette forte demande. Notre situation est idéale : nous sommes proches d’un développement résidentiel et n’avons donc pas de frais de transport d’œufs à payer pour les ventes à la ferme », rapporte celui qui assume 100 % de sa mise en marché. Une autre partie de sa production est écoulée dans des commerces de Québec et de Montréal. Une avenue possible puisqu’il détient un permis de classification du MAPAQ.
Avant d’orienter son énergie dans son poulailler, M. D’Amour était propriétaire de l’une des plus importantes laiteries artisanales de la province, la laiterie Òra, qu’il a dû fermer faute de rentabilité en 2023. « La production d’œufs est beaucoup plus rentable », signale l’ambitieux producteur.