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BROMONT – L’augmentation des ventes d’huiles de tournesol locales et les essais concluants d’une variété européenne à haute teneur en acide oléique sont autant de bonnes nouvelles pour faire décoller une réelle filière de la culture du tournesol. Pour couronner le tout, des graines décortiquées cultivées au Québec pourraient même apparaître sur le marché dans un avenir rapproché.
À la boutique de la ferme L’Arôme des champs, à Bromont, un couple de cyclistes, venu contempler la floraison des milliers de soleils au champ, écoute attentivement les explications de Joany Brodeur sur les propriétés de son huile de tournesol à haute teneur en acide oléique. Les mêmes « bons gras » que l’huile d’olive, « de l’oméga 9 à fond », dit-elle, avec la différence que l’huile de tournesol peut être chauffée davantage lors de la cuisson sans perdre ses propriétés et qu’elle est plus neutre au goût, ce qui influence moins la saveur des aliments. Le couple ne savait pas qu’il y avait une option locale à l’huile d’olive importée.
C’est justement l’étape à laquelle Joany et son conjoint, Martin Vallée, sont rendus : populariser l’huile de tournesol du Québec étant donné que la culture du tournesol en champ est maintenant plus performante.
Leurs efforts portent leurs fruits. « En 2019, personne ne voulait en cultiver et cette année, ce sont les producteurs qui m’appellent », souligne Joany.
Des vertus agronomiques et des défis
L’un de ses associés, l’agriculteur Pierre Verly, apprécie surtout les vertus agronomiques du tournesol, qui a maintenant sa place dans une portion de ses 153 hectares de champs sous régie biologique situés à Bromont, en Estrie.
« C’est une culture qui structure vraiment bien le sol, avec une racine pivot. Elle supporte mieux que d’autres le manque d’eau. On la sème après le soya – le 24 mai, cette année –, et on la récolte après le soya. C’est intéressant dans une rotation de cultures », mentionne le producteur d’origine suisse, qui est le beau-père de Joany.
Le tournesol n’est pas parfait. M. Verly le sait. « Au début, on était limités à une variété américaine qui était vraiment sensible à la sclerotinia. Les rendements étaient très décevants et la batteuse était noire [de sclerotinia]. » Les récoltes de 1,1 tonne à l’hectare n’étaient alors pas viables. Mais l’arrivée d’une variété européenne, testée avec succès ces deux dernières années, a fait grimper les rendements à 2,2 t/ha, ce qui lui laisse croire qu’il est possible d’atteindre l’objectif de 3,5 t/ha. Au prix de 1300 $ la tonne, et avec 3,5 t/ha, le tournesol se rapprocherait de la rentabilité du soya bio.
À condition d’être méticuleux, nuance toutefois M. Verly. « Il ne faut pas une mentalité de quatre essieux. C’est de la vente à de petites entreprises de transformation, pour de la consommation humaine. Il faut leur livrer un produit de très grande qualité et faire attention à chaque détail. » Son confrère agriculteur Alain Ravenelle, situé à Saint-Pie, en Montérégie, en ajoute une couche. « C’est une plante complètement différente, plus difficile à faire que du soya et du maïs, et où toutes les étapes sont cruciales. Ça prend de bons producteurs », assure-t-il.
Si ses performances au champ se sont accrues, ces dernières années, il estime que plusieurs essais sont encore à faire pour améliorer la régie de culture du tournesol au Québec. Un travail difficile, qui vaut la peine d’être poursuivi, juge M. Ravenelle. « Juste pour la santé des sols, c’est énorme ce que cette plante fait. Par son système racinaire, mais aussi par les engrais verts. La lumière passe plus dans le tournesol, et les engrais verts qu’on fait en intercalaire. C’est incroyable, le résultat! »
Vers du tournesol décortiqué du Québec
Joany Brodeur voit grand pour la culture de tournesol. Elle a d’ailleurs entrepris des démarches pour introduire une variété de tournesol destinée à être mangée sans écale plutôt que transformée en huile. La femme d’affaires est allée en France pour acheter les bons équipements de décorticage.
Des ventes québécoises à faire progresser
Bien qu’il apprécie les vertus agronomiques du tournesol, Pierre Verly donne un conseil élémentaire à tout nouveau producteur qui serait intéressé d’en cultiver : « Trouvez quelqu’un pour acheter votre récolte [pour l’alimentation humaine] avant d’en semer! Car même si l’alimentation animale bénéficierait des nutriments et des minéraux qu’on retrouve dans le tournesol, il n’y a pas de marché pour le tournesol animal au Québec. » Pour faire tourner la roue du tournesol, il souhaite minimalement que les Québécois achètent plus de cette huile locale. Sur une note encourageante, Joany Brodeur, qui a déjà vu ses ventes passer de 15 000 à 20 000 litres, croit qu’elle s’approchera des 28 000 litres d’huile de tournesol vendus cette année. Le son de cloche est similaire chez son compétiteur, Janel Laplante, propriétaire de la Ferme Améroquois, qui a accru de 50 % sa production l’an dernier et souhaite doubler ses ventes pour atteindre 46 000 litres dans deux ans. « On sent que les gens sont de plus en plus curieux et intéressés par l’huile de tournesol du Québec. Ça, c’est bon! »