Serres 19 septembre 2023

Les Jardins de la Pinède : une faillite potentielle de 5,5 M$

Les Jardins de la Pinède, à Oka, à l’ouest de Montréal, ferment officiellement et devraient faire faillite dans les prochains jours, indique la copropriétaire Marie-Josée Daguerre, en précisant que la dette associée à la faillite totalise 5,5 M$. « Ça va devenir une faillite. Je ne vois pas la possibilité que ce ne soit pas une faillite. Moi, mon équipe, ma communauté, on a de la misère à concevoir qu’on soit rendus là », se désole l’agricultrice, en entrevue avec La Terre.

La ferme était en difficulté financière depuis un moment et avait lancé, en juillet, une campagne de sociofinancement ayant permis d’amasser 36 105 $ sur un objectif de 300 000 $. L’agricultrice avait aussi demandé à ses créanciers une injection de fonds pour lui donner des liquidités, un congé de remboursement de capital et du temps. « Ce fut un refus catégorique, car on est déficitaires depuis plusieurs mois, mais ça fait juste un an qu’on était en production [dans les serres], pas cinq ans », indique-t-elle.

Les serres, l’éléphant blanc

Les Jardins de la Pinède produisaient depuis 2014 des légumes en champ et en tunnels. Les aliments étaient vendus directement à la communauté sous forme de paniers. Les opérations étaient rentables, affirme Mme Daguerre, si bien que les deux propriétaires ont décidé de frapper un grand coup en construisant un ambitieux complexe de serres chauffées en 2021, lequel a nécessité un prêt de 4 M$. « Le financement de notre projet a été très, très facile à obtenir », souligne la productrice, notamment par le soutien de La Financière agricole du Québec. Pour différentes raisons, les coûts d’opération des serres ont été plus élevés que prévu, entre autres en raison d’infrastructures et d’équipements qui n’ont pas pu être optimisés, lesquels se sont plutôt transformés en « éléphant blanc », dont les paiements ont grugé une partie des liquidités, dit Mme Daguerre. De plus, les frais de main-d’œuvre, de propane, d’intrants et autres étaient élevés. « On a eu des problèmes avec une partie de notre sol, trop compacte, qui a entraîné de la maladie. Ce sont beaucoup de petits détails qui ont grugé les liquidités rapidement », affirme-t-elle.

Problèmes internes

Marie-Josée Daguerre détient la ferme à 50 % avec Louis Vaillancourt. Sans entrer dans les détails de leur vie personnelle, Mme Daguerre mentionne qu’avec les difficultés de l’entreprise, « son couple y a passé aussi ». Elle ajoute que son partenaire a quitté l’entreprise en janvier dernier. Sans s’étendre sur la situation, M. Vaillancourt a mentionné à La Terre avoir quitté contre son gré, à la demande de Mme Daguerre par le biais de son avocat. D’autres personnes auraient aussi quitté le navire, assure-t-il, faisant perdre de l’expertise à l’entreprise.

Tout perdre

Les deux agriculteurs, qui avaient mis leur maison et leurs avoirs en garantie, sont durement touchés par cette faillite. « Je me retrouve sans toit, sans rien. Les institutions financières nous demandent de fournir notre nouvelle adresse, mais je n’ai plus d’adresse. Je vis chez une employée », s’attriste Mme Daguerre. Cette dernière spécifie que la veille où Desjardins et La Financière agricole du Québec lui ont annoncé qu’ils « fermaient les livres », une employée de l’une de ces institutions lui aurait laissé un dépliant sur des ressources en santé mentale pouvant être contactées par des agriculteurs, un geste qu’elle n’a pas digéré.

Elle termine l’entrevue par cette remarque amère : « On ne s’est jamais versé de salaire, on a eu le stress de travailler des heures et des heures, sans prendre de vacances. On a fait ça pour nourrir les autres et aujourd’hui, on se retrouve dans la rue, sans rien à manger! »