Serres 26 novembre 2024

Des fraises à l’année dans une ancienne usine de textile

MONTRÉAL – À même une ancienne usine de textile d’un secteur industriel de Montréal se cache une ferme hydroponique hautement technologique où Ophelia Sarakinis et son équipe cultivent, sans pesticides, plus de 1 000 kilos de fraises par mois, été comme hiver. 

« Je sais que ça n’a pas l’air de ça de l’extérieur, mais c’est vraiment une ferme! » lance avec un sourire la jeune femme de 25 ans en accueillant La Terre au ­deuxième étage d’un vieux bâtiment du quartier Ahuntsic. C’est à cet endroit qu’elle a officiellement commencé, en décembre 2023, sa production à l’année de fraises destinées à la commercialisation. 

Dans une ancienne usine de textile d’un secteur industriel de Montréal se cache une ferme hydropique hautement technologique. Photo : Gracieuseté d’Ophelia Sarakinis

Malgré les défis de rentabilité qu’implique le démarrage d’une telle ferme, dont les installations valent plus de 3 M$, elle affirme que les affaires vont bon train jusqu’ici. Déjà, elle parvient à écouler tous ses fruits dans des restaurants et des épiceries ­indépendantes de la métropole ainsi que par ­l’entremise des paniers LUFA. 

La livraison se fait la même journée que c’est récolté. On récolte tous les jours, toute l’année, sans interruption. On n’est pas encore rentables, mais je sais qu’on va le devenir. On se donne quelques années. 

Ophelia Sarakinis, fondatrice de la Ferme Gush

La ferme qu’elle dirige avec son conjoint produit 15 000 plants à la fois, dans des installations verticales, sur six étages. L’environnement y est entièrement contrôlé et éclairé aux lumières DEL. La production est répartie dans trois chambres distinctes, chacune d’elles abritant des plants qui en sont à un stade différent de développement. Ainsi, des fraises sont toujours prêtes à être récoltées en alternance.

La Ferme Gush travaille avec l’Université de Waterloo, en Ontario, au développement de bonnes bactéries et de champignons comme nutriments à ajouter à l’eau qui circule dans les gouttières où poussent les plants de fraises.

À cheval sur la biosécurité

Avant même d’entrer dans les bureaux de l’entreprise, La Terre doit enlever ses souliers et mettre ceux que lui prête son hôte. Puis, bottes et combinaison ­fraîchement lavée l’attendent plus loin, dans un local qui donne accès aux chambres fermées où sont ­cultivées les fraises. 

« Quand on cultive des fraises sans pesticides, la biosécurité, c’est vraiment important », explique Ophelia Sarakinis. Grâce à ces précautions, elle assure avoir limité, jusqu’ici, la prolifération de ravageurs, à l’exception d’un épisode de pucerons, qu’elle est finalement parvenue à contenir avec l’aide d’insectes prédateurs.

Des fraises cultivées sans terreau

Produire de façon durable est si important pour la jeune entrepreneure qu’elle a opté pour un système hydroponique lui permettant d’éviter de cultiver ses fruits dans des terreaux qu’elle doit jeter après utilisation. Il s’agit d’un choix risqué, peu préconisé pour la production de fraises en serre ou en bâtiment fermé, dit-elle. 

« On a une technologie qui nous permet de cultiver sans substrat. Les plants poussent directement dans des gouttières qui contiennent de l’eau et des nutriments », détaille-t-elle.

« Les fraises sont particulièrement sensibles. Si on ajoute trop d’acide à la solution nutritive qui se trouve dans les gouttières, ou trop d’autre chose, ça peut tuer tous les plants. On est plus vulnérables, si la technologie ne fonctionne pas, qu’avec le terreau qui vient agir comme un buffer. » 

La technologie qu’elle a choisie, en contrepartie, lui facilite la tâche pour assurer le bon dosage de nutriments dans l’eau et pour ajuster la recette au besoin. Elle lui permet aussi de récupérer l’eau et l’engrais dont elle se sert.

La production est répartie dans trois chambres distinctes, chacune d’elles abritant des plants qui en sont à un stade différent de développement. Ainsi, des fraises sont toujours prêtes à être récoltées en alternance. Photo : Caroline Morneau/TCN

Un projet mijoté depuis l’adolescence

Ayant grandi en milieu urbain, Ophelia Sarakinis a toujours cru en l’importance d’offrir à la population montréalaise des aliments produits de façon durable, près de chez eux. À 17 ans, alors qu’elle étudiait en Gestion et technologies d’entreprise agricole, au campus MacDonald de l’Université McGill, elle testait déjà la culture de fraises dans la maison de ses parents. Deux ans plus tard, elle a converti un garage sous-terrain, dans l’ouest de l’île de Montréal, en petite ferme de 400 pieds carrés où elle a poursuivi son travail de recherche et de développement plus sérieusement. Puis, l’aventure de la Ferme Gush a véritablement commencé en 2022, dans le quartier Ahuntsic, avec l’acquisition d’équipements. « Il y avait beaucoup de producteurs de légumes feuilles et de fines herbes en hydroponie. Moi, je voulais faire quelque chose de moins courant avec cette technique, mais de pas impossible non plus », raconte-t-elle.