Porcs 12 septembre 2024

Le défi de la rentabilité pour une ferme de porcs rustiques

DUNHAM – Pureté de la race, productivité, comportement, conformation pour la qualité de la viande sont autant de traits sur lesquels travaillent les propriétaires de la Ferme Selby, spécialisée dans l’élevage de porcs rustiques, pour parvenir à former, petit à petit, le troupeau idéal qui rentabilisera leur projet. 

Le couple formé par Nicolas Gaudette et Laurence Levasseur a démarré son élevage en 2013 avec une soixantaine de porcs rustiques en plus d’une culture maraîchère. En 2017, il a transféré la ferme sur un site plus grand du chemin Hudon, à Dunham, en Estrie, délaissant la culture maraîchère, qui lui demandait trop d’énergie. Son troupeau est alors monté jusqu’à 170 têtes, avant de redescendre autour de 120 têtes aujourd’hui, en plus d’une vingtaine de truies et verrats de reproduction.

Des cochons rustiques de race Hampshire élevés à la Ferme Selby, à Dunham, en Estrie. Photo : Patricia Blackburn / TCN

Cette légère baisse n’est toutefois pas liée à une moindre demande des restaurateurs et des boucheries spécialisées avec qui ils font affaire, signale M. Gaudette. « La demande est là. On n’a pas beaucoup d’inventaires. Dès que ça rentre dans nos congélateurs, il y a un restaurant qui vient tout chercher », raconte-t-il. Le défi est plutôt du côté de l’élevage des porcs, qui demande beaucoup de temps, d’énergie et de liquidités avant de rapporter, explique l’éleveur. « On fait nous-mêmes nos porcelets. Il faut donc pouvoir couvrir nos coûts de production du début jusqu’à la fin de l’élevage, qui prend 12 et 14 mois, selon la race, avant de les mettre en marché. C’est le problème, actuellement », précise celui qui occupe deux autres emplois pour joindre les deux bouts.

Ceux qui élèvent des cochons savent que toutes les expressions liées aux cochons, comme « tête de cochon » et « manger comme un cochon », c’est vrai. Alors, un cochon qui a un bon comportement, ça vaut de l’or parce que ça facilite notre gestion du troupeau.

Nicolas Gaudette

Le couple mise toutefois sur une nouvelle boutique à la ferme, actuellement en construction, pour économiser sur les frais de livraison et pouvoir réinvestir les profits dans l’augmentation progressive de sa production. Un logement sera également aménagé au deuxième étage de la boutique afin de pouvoir accueillir un travailleur étranger temporaire pendant l’été. Car une hausse de la production est également synonyme de travail accru au champ.

Nicolas Gaudette

Une race prometteuse 

En 2018, le couple a importé d’un éleveur des États-Unis une race rustique encore très rare au Canada, la Idaho Pasture Pig. « C’est un cochon avec un caractère très doux et un nez campé, qui fait en sorte qu’il va brouter l’herbe plutôt que truffer et retourner le sol, ce qui facilite la gestion au pâturage », décrit M. Gaudette. Ce dernier précise avoir misé gros sur cette race pour se distinguer, mais spécifie qu’il y a encore plusieurs ajustements à faire, dans la sélection et l’alimentation, par exemple.

C’est encore une jeune race, quand même, dans le monde, qui a été élaborée dans les années 1980. Donc, il y a encore beaucoup de traits génétiques moins intéressants qui ressortent dans nos truies et nos porcelets, et il faut encore faire une sélection pour trouver le gabarit, le tempérament idéal pour notre production.

Nicolas Gaudette

Il travaille également avec quelques autres races rustiques, comme la Berkshire, la Hampshire et la Large Black pour trouver une balance entre qualité de la viande, productivité et caractère, mais se départira d’autres races plus difficiles à gérer, comme la Ostabaw Highland Hog, laquelle « ressemble un peu au sanglier, avec un comportement très craintif ». 

Sa sélection tient également compte de certains critères de préservation des traits typiques de chaque race. « J’essaie de faire ma part dans cet effort de préservation des races pures, mais disons que c’est une passion qui n’est pas très lucrative. Parce qu’un cochon rustique, ça ne se vend jamais le même prix qu’un cheval », illustre-t-il. D’ailleurs, son énergie est actuellement concentrée sur la hausse de la production à sa ferme, bien qu’il reçoive des demandes d’éleveurs provenant tant du Québec qu’ailleurs au Canada pour acheter les porcelets issus de ses lignées de races pures.