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Jeune producteur de grains à Saint-Bernard, Victor Morin croit fermement au potentiel de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies pour améliorer sa ferme. Il a même investi plusieurs milliers de dollars pour se doter d’équipements de pointe… pour se rendre compte que leur utilisation ne se traduisait pas en de meilleures pratiques au champ. Il plaide désormais pour une approche partant des besoins du producteur.
Après des études techniques en aérospatiale et en génie informatique, Victor Morin est retourné à la ferme familiale, qui cultive 1 500 acres (607 hectares) de grandes cultures en Beauce. Passionné de techno, il s’est doté d’un drone et d’une ligne de guidage pour son tracteur, des outils qui devaient révolutionner la pratique.
Pour rentabiliser ces investissements, il a tenté de les commercialiser auprès de confrères producteurs. Cependant, personne n’achetait ses services. « J’ai dû arriver au constat que je ne répondais à aucun besoin. En équipant mon drone d’un capteur multispectral, je peux obtenir une carte de la végétation de mon champ. OK, c’est joli, mais qu’est-ce que je fais avec ça? L’agronome n’est pas plus avancé que moi, admet-il. Et même si la carte me disait qu’il y a 15 espèces de mauvaises herbes dans mon champ, je ne peux pas appliquer 15 produits différents. Je n’ai pas le temps de faire les modifications sans affecter mon rendement. »
Victor Morin a décidé de changer son approche en partant des besoins du producteur. « Qu’est-ce qu’on peut améliorer à la ferme? Soit on baisse les coûts de production, soit on améliore le rendement. »
L’entreprise qu’il a fondée, XLKey, souhaite donc définir ses services en fonction de la problématique particulière d’une ferme pour intégrer et adapter les bons outils technologiques, voire à les développer dans le cadre de partenariats. « L’IA peut aider sous plusieurs aspects, en déterminant par exemple le taux optimal pour la fertilisation et les semis ou en ciblant des problématiques d’écoulement des eaux ou de nivellement. Mais ça prend des données », insiste celui qui a raconté son parcours à l’occasion du 2e congrès annuel du Réseau québécois de recherche en agriculture durable (RQRAD), le 15 février.
Présentement, XLKey travaille à développer un algorithme capable d’évaluer le plein potentiel d’un champ en grandes cultures qui tiendrait compte des rendements historiques et des propriétés du sol. « Sous la forme d’un indice de performance, le producteur pourra comprendre où il se situe par rapport au plein potentiel de sa terre et aura des pistes de solution », explique-t-il. Pour ce faire, le producteur procède à de nombreux échantillons de sol et à des prises de photos aériennes. L’outil devrait être disponible d’ici deux ans.
L’insémination améliorée grâce à l’IA
En production porcine, l’insémination d’une truie est une opération délicate. Celle-ci manifeste ses chaleurs sur une durée de 1 à 4 jours et l’ovulation survient dans le dernier tiers de cette période durant 4 heures seulement. « On pouvait réaliser de 2,5 à 3,5 inséminations par truie pour maximiser nos chances, ce qui représente du temps et du matériel », explique Luc Veilleux, propriétaire de la Ferme porcine L.V. à Sainte-Marie-de-Beauce. Bon an, mal an, sa maternité obtenait un taux de mise bas de 80 %.
Le producteur a installé en 2017 le système Smart Breeding de l’entreprise québécoise Ro-Main. Cet outil, qui utilise des caméras installées au plafond, surveille le comportement des truies en sevrage 24 h/7. L’IA détecte les signes qui indiquent qu’une truie est en chaleur pour ainsi prédire le moment idéal de l’insémination. Un employé vérifie également au quotidien l’état des truies pour valider les alertes de l’outil.
Grâce à ce système, le taux de mise bas a progressivement augmenté pour se maintenir autour de 92 à 94 %. « La qualité de travail s’est nettement améliorée avec un nombre d’inséminations qui a diminué à une moyenne de 1,3 à 1,5 par truie, en plus d’économiser du temps et de l’argent », souligne Luc Veilleux.
Depuis 2022, sa ferme a également fait l’acquisition du système Smart Counting, toujours du même fabricant, pour effectuer le décompte automatique des porcelets à la sortie de la pouponnière, ce qui permet de limiter les différends possibles entre le producteur et l’acheteur.
Le producteur voit plusieurs applications possibles à l’intelligence artificielle dans son domaine. « Lorsqu’une truie se présente à une mangeoire, la nourriture est distribuée par le moyen de puces qu’elles portent aux oreilles. Mais elles ont tendance à les perdre, à hauteur de 15 % par cycle de truie, de sorte qu’elles n’arrivent pas toujours à consommer leurs rations. Si l’IA réussissait à reconnaître chaque truie individuellement, on pourrait éviter ce problème », suggère-t-il.
Des tomates qui goûtent le soleil grâce à l’éclairage intelligent
Si les tomates des Serres Point du jour font fureur dans les épiceries, c’est en grande partie grâce aux lumières intelligentes de l’entreprise québécoise Sollum. « Chez nous, le soleil se lève et se couche tous les jours », décrit avec enthousiasme Robert Thérien, agronome et PDG de l’entreprise de L’Assomption.
Grâce à une subvention du gouvernement, l’entreprise a investi en 2021 dans l’achat de 1 842 lampes à DEL de Sollum pour éclairer une aire de production de 78 000 pi2. Selon une recette bien précise, le spectre lumineux de ces équipements évolue du matin au soir pour reproduire une journée ensoleillée. Résultat : une intensité de goût et de sucre dans les fruits comme s’ils avaient été cultivés en plein été.
« Chaque recette est différente d’une variété à l’autre pour obtenir une saveur distinctive; c’est notre façon de nous démarquer », mentionne Robert Thérien.
Ces luminaires réagissent également à la météo ambiante pour maintenir l’optimum des plantes. « Aujourd’hui, il fait un beau soleil dehors; les lumières se sont fermées d’elles-mêmes grâce à des capteurs. Si demain, les nuages se pointent, elles vont repartir automatiquement », explique-t-il.
Le serriculteur, qui est membre de la Zone Agtech, attend avec impatience d’autres innovations liées à l’IA pour son secteur d’activité. « Je verrais très bien des capteurs pour détecter le taux de chlorophylle afin d’évaluer la santé des plants et éventuellement des robots cueilleurs. On pourrait aussi accueillir une rampe automotrice qui permettrait le passage d’un pulvérisateur de précision avec dépistage automatisé. »