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Dans le plus récent Portrait-diagnostic sectoriel de l’industrie de la pomme de terre au Québec (2018-2022)1, on apprend notamment que les marges bénéficiaires sont à la baisse dans le secteur de la croustille.
En effet, selon le portrait réalisé par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), de 2018 à 2022, « le ratio moyen de marge d’exploitation, excluant les paiements de programmes gouvernementaux, s’est avéré négatif deux années sur cinq » chez les producteurs de pommes de terre destinées au marché de la croustille, chutant sous la barre des -5,0 % en 2019 et en 2020. En comparaison, « les producteurs pour les marchés de la table-prépelage et des semences ont bénéficié d’une marge stable supérieure à 10 % durant toute la période ».
L’étude précise cependant que « les paiements de programmes ont entraîné une amélioration du ratio de marge d’exploitation de l’ensemble des producteurs, permettant aux producteurs de croustilles d’atteindre, en moyenne, une marge d’exploitation positive ».
Climat et inflation
D’après Martin Goyet, président du Comité croustilles provincial du syndicat des Producteurs de pommes de terre du Québec, le climat est l’un des facteurs à l’origine de cette baisse des marges bénéficiaires.
Comme la croustille exige des variétés à coloration parfaite, la chaleur extrême, comme celle de l’été 2020, entraîne un vieillissement prématuré de l’âge physiologique de la pomme de terre. Pendant la cuisson, la chair de la patate, coupée en fines rondelles, va brunir.
« Si la couleur de la pomme de terre change à la cuisson, elle est plus dorée, on ne peut plus faire de croustilles », explique M. Goyet, qui est aussi producteur à la retraite et fondateur des Fermes MVG, à Saint-Thomas-de-Joliette.
Ainsi, en raison de ce vieillissement et des normes de couleur de l’industrie, « il risque d’y avoir des pertes en entrepôt lors des dates de livraison pour ces pommes de terre ».
Les patates qui ne peuvent plus être employées par les transformateurs n’ont plus d’autres marchés que celui de la farine, pour faire de la fécule de pomme de terre. Elles pourraient aussi servir à nourrir le bétail ou être transformées en frites fraîches, puisque la couleur sera plus dorée à la cuisson.
Le secteur de la table est exclu, car les variétés utilisées pour les croustilles contiennent beaucoup de matière sèche, ce qu’on appelle « les solides », précise M. Goyet. Ainsi, malgré qu’elle soit comestible, lorsqu’on fait bouillir cette patate dans un chaudron, elle s’effrite.
Outre les aléas du climat, l’inflation est également un autre facteur expliquant la baisse des marges bénéficiaires et le recours aux programmes gouvernementaux, dit-il.
Par exemple, en 2020, l’inflation a entraîné une hausse rapide des prix de tous les intrants (semence, engrais, carburant et pièces d’équipement, etc.), alors que les conventions de mise en marché avaient déjà été négociées et signées avec les transformateurs. Lorsqu’est venu le temps de renégocier ces conventions, en 2021, les producteurs ont obtenu des augmentations de la part des transformateurs.
« Ces augmentations sont venues en partie, mais pas complètement, combler les augmentations de coûts », déclare-t-il.
M. Goyet souligne au passage que la croustille est « un secteur de la production qui demande un professionnalisme différent par rapport à la fertilisation, à l’irrigation des terres, à l’entreposage ». Par exemple, la température d’entreposage dans ce marché oscille autour de 6-7 °C, pour réguler la germination et préserver la blancheur de la chair. En comparaison, pour le marché frais, la pomme de terre est entreposée à une température d’environ 2 °C.
Une saison 2023 désastreuse
Le portrait du MAPAQ s’arrêtant en 2022, M. Goyet a livré un aperçu du marché actuel de la croustille au Québec.
Par ailleurs, l’année 2023 montre à quel point, selon Martin Goyet, la résilience s’impose face aux changements climatiques. En témoignent les trombes d’eau qui se sont abattues sur le Québec, y compris sur la région de Lanaudière où est située la ferme familiale, aujourd’hui dirigée par la relève, dont son fils Maxime.
« On a reçu entre 800 et 850 millimètres d’eau sur la production de 2023. Ça a été le contraire de ce à quoi on s’attendait : on a eu une baisse de rendement de 30 %. Donc, on n’atteindra pas nos marges bénéficiaires », déplore ce dernier.
Outre la pluie et le couvert nuageux, les feux de forêt du printemps ont également nui à la production. « Selon nous, ça a eu un effet sur la photosynthèse de la plante. Puis le fait que le couvert nuageux soit constant, on n’a pas eu une croissance adéquate », constate-t-il.
À cela se sont ajoutées des pertes dues au mildiou « qui s’est répandu dans les champs de façon exponentielle », ce qui a entraîné un défanage hâtif pour protéger les tubercules au sol et les cultures des champs avoisinants.
Ainsi, en dépit de l’amélioration des techniques d’irrigation et des nouvelles variétés qui font en sorte d’accroître les rendements, la météo est venue brouiller les cartes en 2023.
Le producteur lanaudois, comme tous les autres, tente malgré tout de s’adapter. « On est très au courant des changements climatiques, et on fait tout notre possible pour entretenir cette terre-là, parce que c’est notre vie. C’est ce qui nous a mis au monde, et c’est ce qui va nous nourrir pour toujours », conclut Maxime Goyet.
Le marché en bref
Le marché de la croustille, qui fait partie de l’industrie des grignotines, comprend notamment les croustilles, les bretzels, le maïs soufflé et les dérivés du maïs. Au Québec, il compte pour 17 % des ventes de la production de pommes de terre. Les producteurs de pommes de terre destinées à la croustille sont surtout concentrés dans la Capitale-Nationale (44 %) et Lanaudière (37 %). Deux usines transforment la pomme de terre en croustilles.
Sources : Portrait-diagnostic sectoriel de l’industrie de la pomme de terre au Québec 2018-2022 (quebec.ca) et Culture de la pomme de terre | Gouvernement du Québec (quebec.ca)