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L’élevage a mauvaise presse. Avec les changements climatiques qui se font sentir, la production de viande bovine est souvent pointée du doigt. C’est pourquoi de plus en plus d’éleveurs s’intéressent à la gestion avant-gardiste du pâturage.
L’idée de cette méthode est que la prairie se renouvelle d’elle-même. Cela permet de capter une quantité appréciable de carbone, mais aussi de favoriser la biodiversité, d’améliorer la qualité des sols et la préservation de différents écosystèmes. La mise en place d’un pâturage pérenne présente même des avantages économiques puisqu’elle évite au producteur de devoir semer de nouveau.
À l’inverse d’un pâturage extensif dans lequel le troupeau va où bon lui semble, ici, on cherche à le déplacer d’une parcelle à l’autre tous les trois jours. « C’est lié à un aspect physiologique de la plante, explique Marie-Pier Beaulieu, coordonnatrice du programme Gestion avant-gardiste des pâturages à l’Association canadienne des plantes fourragères et propriétaire de la Ferme Simpson, à Saint-Cyrille-de-Wendover. Après trois jours, celle-ci commence à pousser de nouveau. Ce qu’on veut éviter, c’est la “second bite” (la deuxième bouchée). Lorsque l’animal mange cette repousse plus tendre, cela nuit beaucoup au renouvellement de la plante. »
Ce type de gestion demande de l’observation pour pouvoir utiliser le plein potentiel de la prairie. Ainsi, on pourra ajouter ou soustraire des bêtes au cours de la saison selon que la prairie se renouvelle plus ou moins rapidement. On pourrait la faucher si nécessaire. « Le pâturage devient un outil de précision », indique Mme Beaulieu.
Une zone test
Un des défis de cette nouvelle façon de faire est de quantifier des résultats pour permettre aux éleveurs de prendre des décisions éclairées. Le domaine La Balzane, propriété d’Émilie Soto et de Mathieu Claessens, s’est lancé dans cette aventure avec un site de démonstration de 42 acres (17 hectares) où une trentaine de bovins paissent cette année. Ici, aucun engrais chimique ou pesticide n’est dispersé sur le sol. Aucun antibiotique, sauf dans des cas critiques, ou hormone de croissance ne sont utilisés sur les animaux. Leur bien-être est également au cœur de la démarche.
L’an dernier, les pluies importantes avaient donné des résultats étonnants, faisant pousser les herbes de manière impressionnante. D’ailleurs, c’était alors une cinquantaine de bêtes qui y broutaient tant la nature était généreuse.
Comme la prairie n’a qu’un an, le système racinaire des vivaces n’est pas encore fermement établi. Le faible couvert de neige et le fait que le sol soit gorgé d’eau lors de périodes de gel ont bel et bien augmenté le taux de mortalité chez elles. L’inquiétude était donc au rendez-vous pour nos deux éleveurs, mais les récentes chaleurs ont permis à plusieurs plantes de repousser. « Ce n’est pas parfait, mais c’est beaucoup mieux que ce que j’anticipais, dit Émilie Soto. Je suis agréablement surprise. »
N’empêche, l’implantation d’un pâturage pérenne représente tout un défi. « C’est nouveau, poursuit Émilie Soto. On essaie d’œuvrer avec la nature et de s’adapter pour ne pas lutter contre elle. C’est beaucoup d’observation, beaucoup de patience : on ne peut pas recréer une prairie naturelle en deux ans. »
C’est pourquoi les rencontres comme celle de la Journée INPACQ, organisée le 12 juillet prochain au domaine La Balzane, semblent si importantes. « Ce qu’on veut que les gens comprennent, c’est que c’est possible, conclut Mme Soto. C’est intimidant de tout changer, mais il y a des moyens et une communauté, un réseau, qui se tient. Nous, on souhaite partager nos erreurs pour que ceux qui vont tenter le coup après nous aient accès à une méthode. C’est comme ça qu’on va faire une agriculture plus douce pour la planète, les animaux et les cultivateurs. »