Les foins commencent avec une dose de scepticisme

Après avoir sorti sa presse à balles de l’hibernation, Jean Laliberté est resté un peu sur sa faim lors de sa première coupe, le 25 mai. « Pour de la graminée, c’était correct, mais j’ai déjà vu mieux, indique l’agriculteur des environs de Saint-Hyacinthe, en Montérégie. Ce n’est pas parti pour une récolte de fou. Surtout qu’ici, dans notre coin, il y a bien des champs de luzerne qui ont de la misère. Plusieurs producteurs ont ressemé leur champ au complet. »

Cet ancien producteur de lait effectue désormais du pressage de foin à forfait avec sa conjointe, Nathalie Archambault. Si les premiers tours de champ ne lui paraissent pas extraordinaires, il précise que des journées chaudes et arrosées, d’ici la mi-juin, « pourraient faire une bonne différence sur les rendements ».

Sophie Rivest-Auger, photographiée en Mauricie le 29 mai, dans un champ de luzerne à haut rendement. Elle explique ce résultat par les sols exceptionnels du producteur, caractérisés tant par l’égouttement et par la fertilisation que par l’excellente structure de sol.  Photo : Gracieuseté de Sophie Rivest-Auger

L’agronome Sophie Rivest-Auger, qui conseille les agriculteurs du Centre-du-Québec et de la Mauricie, remarque que des luzernières en arrachent. Elle émet l’hypothèse que les surplus d’eau enregistrés l’été dernier ont notamment entraîné un lessivage de nutriments.

La plante est rentrée fatiguée dans l’hiver. On dirait qu’elle a eu moins de force. Je vois des champs, ce printemps, où la luzerne est moins visible et où les graminées ont pris le dessus.

Sophie Rivest-Auger, agronome

Mais l’inverse existe aussi. « Même en Mauricie, où ils ont eu encore plus d’eau l’an passé, il y a quand même de très belles luzernières présentement », note l’agronome. Si les producteurs montrent souvent du doigt les gels hivernaux ou printaniers pour expliquer la mortalité de la luzerne, elle croit plutôt que la régie de culture y joue pour beaucoup. « Définitivement, ce qui fait la différence, ce sont les sols qui sont bien nivelés, qui s’égouttent bien, et ceux qui sont bien fertilisés. Dans ces cas, la luzerne s’est beaucoup moins affaiblie », explique celle qui travaille pour le Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité.

Pierre-Luc Fleurent, copropriétaire de la Ferme Fleuralic, fait justement partie des agriculteurs qui ont peaufiné leur sol destiné aux cultures de plantes fourragères. « On devrait commencer à faucher le 1er juin. Ça augure bien! a affirmé le producteur laitier de Nicolet, le 23 mai. Pour la luzerne et les graminées, le rendement des deux a l’air super bon. » 

En Estrie, Marie-Pier Landry fait état de populations de luzerne décevantes dans sa région. « Les plants qui ont survécu difficilement à l’hiver ont produit peu de tiges. La luzerne ne pousse pas aussi vigoureusement qu’on voudrait… On la voit très peu », mentionne-t-elle. L’agronome responsable du développement des cultures de plantes fourragères et pérennes pour le Centre d’initiatives en agriculture de la région de Coaticook s’attend néanmoins à une première coupe satisfaisante en raison du volume de ­graminées.