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La Ferme Sage, de Lac-Sainte-Marie, en Outaouais, détonne dans le paysage agricole québécois. Là-bas, quelque part à mi-chemin entre Gatineau et Maniwaki, l’essentiel du bétail de la ferme familiale vit dehors, 12 mois par année.
Les superficies importantes dont dispose la ferme lui permettent de faire ce choix audacieux, mais aussi d’adopter des méthodes de production aux impacts limités sur l’environnement. Ses pratiques lui ont d’ailleurs valu le Prix de l’intendance environnementale pour le Québec, lors de l’assemblée générale annuelle de la Fédération des producteurs de bovins du Québec, en mars dernier.
« On utilise des pacages permanents », indique Stanley Christensen, propriétaire de la Ferme Sage avec sa conjointe Cheryl et leurs deux fils, Ian et Éric. « Nos animaux sont installés sur nos 56 hectares de terre et les 235 hectares qu’on loue dans un rayon de 30 kilomètres de la ferme », raconte le producteur. Avec autant d’espace disponible, la famille Christensen peut se permettre une rotation plus fréquente des troupeaux et peut laisser à la végétation le temps de se renouveler entre chaque passage de ses Angus rouges, le plus important élevage du genre dans l’est du Canada, avec ses 120 vêlages par année. « Comme nous ne sommes pas restreints par l’espace, on peut se permettre de laisser la nature aller comme elle veut », explique l’agriculteur formé en informatique, mais élevé sur une ferme. « Les animaux mangent l’herbe et le fumier reste dans le champ, poursuit le producteur. L’hiver, les vaches sont soignées dans un endroit à l’abri du vent et où le fumier peut être accumulé. »
Pas de labour
Les pâturages de la Ferme Sage n’ont pas été labourés depuis des décennies, soutient Stanley Christensen. Les végétaux qui y poussent sont ceux qui se sont obstinés à y rester et qui tolèrent une vie sans fertilisants autre que le fumier, souligne-t-il. « On a acheté une terre à 25 km d’ici, une fois, et la première année, j’ai labouré et semé avec un mélange de trèfle et différentes choses », raconte le grand-père de trois petits-enfants. « La première chose dont je me suis rendu compte, c’est que le champ était revenu à ses espèces d’origine », dit-il, amusé. « C’est là que bien du monde va refaire le travail, mais moi, je me suis dit : “Pourquoi changer les espèces présentes pour d’autres qu’on dit plus performantes?” »
Ce mode de gestion donne par ailleurs parfois des pâturages aux végétaux variés. « Nous, on préfère ça », insiste Stanley Christensen. « On vit bien, même avec certaines plantes qui sont moins considérées, comme le pissenlit. Beaucoup de travail a été fait pour l’éliminer. Pourtant, c’est une excellente plante, en plus d’être la première disponible pour les insectes au printemps », rappelle le producteur, qui ne montre aucun intérêt pour les champs aux formes lisses et géométriques. « Bien des gens pensent qu’un pâturage, c’est un carré parfait avec des clôtures tout le tour. Ici, on fait le tour des arbres et des vallées. C’est compliqué un peu lorsqu’on coupe un champ de foin de cinq acres (deux hectares) et onze coins avec de petites pointes qui avancent dans le bois, mais ça fait de beaux pacages. »
Une vision écologiste
Le souci pour la vie qu’affichent les Christensen va au-delà des insectes. La régie des pâturages se limite à une coupe par année. Une partie des champs est fauchée à la fin juin, alors que l’autre partie doit attendre la fin juillet ou le début août. Ce modèle de gestion permet aux champs de se régénérer, mais aussi aux animaux naissants de se développer. « Certaines espèces d’oiseaux nichent dans les pâturages. La plupart nichent en mai-juin, jusqu’en début juillet. Lorsque le foin n’est pas coupé avant la fin juillet, début août, les petits sont au monde et sont partis. »
Ce raisonnement, les Christensen l’appliquent aussi aux chevreuils dont les faons, nombreux, fréquentent leurs champs au début de l’été. C’est également vrai pour les arbres – plus abondants que ce que prévoient les normes environnementales – qui entourent les marais, le lac et la rivière que longe la ferme. Stanley Christensen y voit plus qu’un moyen de freiner l’érosion des sols. Tous ces arbres composent surtout des habitats où nichent les oiseaux et butinent les insectes.
C’est d’ailleurs tout cet ensemble qui a donné l’idée à Stanley Christensen de proposer sa ferme pour le prix en environnement. « On était au début août. Il faisait chaud. Je me trouvais devant un champ qui venait de repousser après le passage des vaches. Il y avait énormément de fleurs. Les abeilles et les insectes étaient tellement nombreux qu’on pouvait les entendre. Les vaches d’un côté, les plantes et les insectes de l’autre, en plus des chevreuils le long du bois, et je me suis dit : “C’est exactement ce qu’on veut. On veut vivre avec la nature.” »