Plantes fourragères 5 juillet 2024

Des sols jeunes et fertiles qu’on doit travailler

Des agronomes de partout dans la province ont été impressionnés par la santé et la fertilité des jeunes sols de ­l’Abitibi-Ouest à l’occasion de la tournée des plantes fourragères, organisée par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec et le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec le 6 juin dernier. Tous s’entendent cependant pour dire que des programmes de drainage et de chaulage pourraient être bénéfiques pour cette région reconnue pour la production ­laitière et bovine. 

Défrichées il y a à peine une centaine d’années, les terres d’Abitibi se caractérisent par un fort taux de matière organique, résume l’agronome de Novago Coopérative, Vincent Chrétien. « C’est un fond de lac, le lac Barlow-Ojibway, et de grandes forêts qui ont été défrichées. Ce qu’on remarque, c’est que dans le premier horizon, il y a beaucoup de matière organique », explique-t-il, précisant que la proportion peut atteindre jusqu’à 10 à 12 %, à la « limite de la terre noire », ­comparativement à 1 ou 2 % dans le sud de la province.

Laurie Lalancette et Maxime Fontaine, propriétaires de la Ferme des Pics, à Palmarolle, sont la troisième génération à cultiver la terre pour nourrir le troupeau de 245 vaches laitières.

Les terres ont ici été peu travaillées. La Ferme des Pics, à Palmarolle, fait figure d’exception : près de 95 % des terres sont drainées. On chaule aussi pour rapprocher le pH de la neutralité. C’est avec l’augmentation du quota laitier et le peu de disponibilité de terres à proximité que la question du rendement s’est posée. À 320 kilos de matières grasses par jour, il devenait important de maximiser le rendement des 330 hectares en culture — dont 70 en maïs sous plastique et le reste en fourrages. 

La luzerne s’est bien implantée dans ce champ de la Ferme des Pics, comme en témoigne le système racinaire de la « reine des plantes fourragères ».

« On a les mêmes terres depuis à peu près 20 ans, mais on a triplé notre nombre de vaches. Donc, c’est passé par les rendements. On a mis beaucoup de temps sur le drainage au début. Après, on a commencé le nivellement et pour finir, on a chaulé », fait valoir Maxime Fontaine, qui cultive surtout un mélange de 75 % de luzerne et de 25 % de mil auquel il ajoute 5 kilos de dactyle à l’hectare. 

Il note que les changements climatiques le forceront peut-être à revoir sa régie aux champs. « Ça allait bien quand on avait un couvert de neige, mais dans les dernières années avec la température qu’on a, le couvert de neige n’existe plus, donc nos luzernes n’aiment pas ça », explique-t-il, mentionnant que le maïs sous plastique, introduit il y a à peine 4 ans, a contribué à sauver la dernière saison de sécheresse parce que le rendement est demeuré le même.

On trouve, dans les sols d’Abitibi, une forte proportion de terre noire issue du défrichage des terres. On peut y voir des morceaux de bois qui n’ont pas encore été minéralisés.

Priorité nivelage à la Ferme DJ Frappier

Quelques kilomètres plus au nord, sur les terres qui servent à l’engraissement du troupeau de vaches-veaux de la Ferme DJ Frappier, la réalité est toute autre. Ici, peu ou pas de drainage. Et le pH, trop faible, ne permet pas d’implanter partout des légumineuses comme de la luzerne. Pour l’instant, le nivellement des terres est la clé pour que l’eau s’écoule naturellement dans ces terres argileuses, considère le propriétaire Dany Frappier.

Si tu veux changer une région, nivelle-la pour avoir un champ où tu peux passer ta machinerie partout, ­améliorer la surface de ton champ pour que le sol soit productif à la grandeur, fait valoir celui qui a opté pour cette stratégie il y a une dizaine d’années. Et ici, dans la région, ça prend une niveleuse avec un GPS et un plan de nivelage. Ça coûte cher, mais c’est ­rentable. Ça se paie en un an ou deux : une grosse récolte de canola et, d’après moi, ton nivelage est payé. Tu doubles ton rendement, des fois.

Dany Frappier, propriétaire de la Ferme DJ Frappier

Pour lui, le chaulage et le drainage ­souterrain viennent ensuite. Comme plusieurs de ses confrères, Dany Frappier mentionne qu’un programme de ­chaulage serait le bienvenu en Abitibi. « Ça prend bien de l’argent pour amener la chaux ici, mais ça serait une maudite bonne affaire. Il faudrait que je mette 200-300 piasses à l’acre pour mettre ça à l’ordre », illustre-t-il.