20 espèces de fourrages semées par champ pour déjouer dame Nature

Depuis quatre ans, la famille Arbour sème de 15 à 20 espèces de graines dans ses champs fourragers. La pratique, de plus en plus répandue, atténue les effets des changements climatiques sur les récoltes et augmente considérablement les rendements. 

L’idée, selon Sylvain Arbour, est de viser large pour que la bonne plante réagisse aux conditions climatiques en vigueur. « Si on a une sécheresse, on a certains foins qui acceptent plus la sécheresse. Il y en a [d’autres] qui acceptent plus qu’il mouille », dit le copropriétaire des Bergeries du Margot, à Bonaventure en Gaspésie. Grâce au système de fourrages multiespèces, la ferme n’a pas manqué de foin en 2023, malgré un été pluvieux. 

Cette année, le scénario devrait se reproduire, anticipe sa fille Leïla Arbour, malgré un contexte de déficit hydrique à la deuxième coupe.

Les variations dans les températures de plus en plus extrêmes font en sorte qu’il faut que nos champs soient les plus résilients possibles et cette approche-là [de multiespèces] nous a permis d’atteindre ça, dit l’instigatrice du projet à la ferme. On a moins peur de manquer de foin dans les périodes de sécheresse ou de grandes ondées comme l’année passée.

Leïla Arbour

Le système de fourrages multiespèces permet de semer plusieurs sortes de plantes dont les racines atteignent différentes profondeurs. Cela contribue à injecter du carbone dans le sol et à améliorer sa qualité. « Les sols sont plus en santé et ça paraît sur les cultures », indique-t-elle.

Leïla Arbour estime avoir augmenté ses rendements fourragers d’au moins 25 % depuis les quatre dernières années. Photo : Gracieuseté de Leïla Arbour

Plus de 1 000 ha dans 50 fermes

L’agronome qui les accompagne, Louis Pérusse, travaille avec les systèmes de fourrages multiespèces depuis 2016. À ce jour, il en a implanté plus de 1 000 hectares (ha) chez une cinquantaine de producteurs à travers le Québec.

On est beaucoup sur un système, historiquement, de luzerne et fléole, ou les mélanges avec du trèfle, mais ce ne sont pas des systèmes résilients dans des périodes de sécheresse. L’objectif est de travailler avec des plantes beaucoup plus tolérantes.

Louis Pérusse
Louis Pérusse a implanté plus de 1 000 hectares en foins multiespèces à travers le Québec depuis 2016. Photo : Gracieuseté de Louis Pérusse

Chicorée, plantain, phacélie, tournesol, l’agronome produit des mélanges sur mesure parmi une gamme de 75 espèces fourragères. Les plantes n’entrent pas en compétition les unes avec les autres, assure-t-il. Tout est une question de dosage et d’expérience sur le terrain. Une fois que les espèces propres à chaque client ont été sélectionnées, toutes les semences sont mélangées dans un semoir à céréales et sont semées à la volée à un ou deux centimètres du sol.

L’agronome précise toutefois que l’utilisation de mélanges multiespèces s’inscrit dans un processus global incluant notamment les rotations de cultures, la réduction du travail de sol, la régie de coupe, la couverture végétale permanente, la fertilisation, le nivelage, l’égouttement, etc. En mettant ces concepts en application, un de ses clients de la Gaspésie a triplé ses rendements fourragers en six ans. « Il aurait pu ne pas faire de foins cette année. Il avait déjà des réserves pour plus qu’un an et il a des champs où il fera seulement une coupe et s’arrêtera là. Il y en a trop », raconte-t-il. D’autres ont atteint des rendements de 12 tonnes à l’hectare en moyenne. 

Leïla Arbour n’a pu arrêter complètement le travail du sol en raison des investissements que ça aurait exigé. Toutefois, elle estime que ses champs sont au moins 25 % plus productifs qu’il y a quatre ans. Cela a permis de réduire les superficies semées en foin et d’intégrer une production de céréales. « Nous avions besoin de toutes nos terres en foin pour réussir à être autosuffisants avant le multiespèces. Maintenant, nous pouvons faire des céréales et acheter moins de paille à l’extérieur de la ferme », dit-elle.