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LAVALTRIE – Les framboises des champs d’autocueillette d’Hugo Bourdelais ont souffert des conditions météorologiques du mois de juillet. Le producteur de petits fruits de Lavaltrie, dans Lanaudière, a pris la décision de les fermer deux semaines plus tôt qu’à l’accoutumée. « Ce n’était pas vraiment appétissant pour les clients, dit-il. C’était comme de la confiture. »
Du 7 au 14 juillet, 80 mm de pluie sont tombés dans les champs de la Ferme Bourdelais, puis une canicule s’est abattue sur la région. « On était sur la fin de cueillette des framboises et [la canicule] a accéléré leur mûrissement. Il y en avait une de bonne sur quatre ou cinq », indique M. Bourdelais. Le producteur estime à 50 % les pertes dans les champs d’autocueillette de framboises, qui représentent 20 % de la superficie totale de framboises produites à la ferme.
Des framboises tropicales
En passant devant les rangs de framboises endommagées, Hugo Bourdelais explique que sur 15 variétés cultivées à la ferme, trois sont des variétés de framboises noires et deux de framboises jaunes.
Les jaunes ont la particularité d’avoir un goût tropical. « Il n’y a aucune acidité et on dirait que ça goûte l’abricot », décrit-il en en savourant une. La noire a un goût entre la mûre sauvage et la framboise rouge. Les consommateurs, tout comme les restaurateurs de Montréal et de Québec, en sont particulièrement friands.
Le producteur n’avait jamais goûté ces variétés avant de commencer à récolter les fruits jaunes des framboisiers plantés en 2015. À l’époque, il s’était intéressé aux variétés développées par l’Université du Maryland qu’un pépiniériste québécois offrait ici. Son père, Gaétan Bourdelais, avait été l’un des premiers producteurs de la région à avoir planté des rangs de framboises noires en 2004 après avoir épluché des catalogues de pépiniéristes et des projets de recherche universitaires.
Toutefois, la culture des variétés de framboises jaunes et noires occasionne bon nombre de défis. D’une part, le rendement de la framboise jaune est sept fois inférieur à celui de la framboise rouge. D’autre part, son entretien particulier occasionne des coûts de production plus élevés.
Le palissage consiste à enrouler annuellement les tiges des plants autour de câbles suspendus à l’horizontale et à empêcher le bris des tiges chargées de fruits à la récolte. Il facilite également le taillage des plants, à l’automne, mais accroît, conséquemment, les coûts de main-d’œuvre.
Même si les défis agronomiques sont présents, les variétés de couleurs différentes présentent une rentabilité éducative et financière, explique le producteur. « C’est rentable parce que ça permet de vulgariser de nouveaux produits et des variétés aux clients », dit-il. Financièrement, les variétés jaunes fraîches et congelées sont vendues 25 % plus cher que les rouges, alors que les noires sont 20 % plus chères.
C’est toutefois lors de la vente de produits transformés à la ferme qu’Hugo Bourdelais enregistre une belle marge de profits. Depuis 2020, les petits fruits sont transformés en confitures, tartes et granola avec petits fruits lyophilisés (congelés puis déshydratés) dans une cuisine commerciale louée. Le producteur vise à en construire une à la ferme dans les prochaines années.
D’ailleurs, la transformation à la ferme avait aussi l’objectif de permettre de délaisser en partie le marché de gros au profit d’une relation directe avec le consommateur. « Dans les épiceries, tu n’as pas vraiment une relation avec le gérant. C’est plus de l’ordre du transactionnel et c’est ce qui m’intéresse moins, mentionne le producteur. Avec les clients de gros [qu’on garde], on n’a pas juste une relation d’affaires; c’est aussi une relation humaine. C’est ce qui est plus dans nos valeurs. »
Un REER pour ses employés
Hugo Bourdelais s’estime chanceux. Année après année, la rétention de la main-d’œuvre est forte à sa ferme. Si la « bonne chimie » dans l’équipe y est pour quelque chose, la nouveauté depuis ce printemps est d’offrir un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) aux cinq employés. « On ne cotise pas, mais on leur propose de faire la démarche pour eux. C’est nous qui faisons la retenue sur la paye. On n’a pas les moyens financiers d’une multinationale, précise-t-il, mais je me suis dit que c’était important pour eux. » Il a fallu faire de la sensibilisation au départ, parce qu’âgés de 17 à 22 ans, peu d’employés avaient le réflexe d’épargner pour la retraite. « J’ai commencé à prendre des REER à 30 ans. C’est un peu tard, mais je me suis dit que je pouvais peut-être passer la balle », mentionne le producteur de 39 ans.
Agriculteur et poète
Avant de devenir actionnaire de la ferme avec ses parents, Hugo Bourdelais a effectué des études universitaires en littérature à Trois-Rivières. Depuis, le producteur de petits fruits de Lanaudière a signé cinq ouvrages de poésie. A-t-il déjà reçu des clients qui lui ont parlé de ses livres? Très peu, dit-il en riant. Ses œuvres, vendues en librairies et non à la ferme, visent plutôt un public d’initiés. Par contre, ses deux vocations ne sont pas incompatibles, croit-il, d’abord parce qu’elles partagent la même étymologie. « Je vois un lien entre l’agriculture et la culture », souligne-t-il. Toutefois, bien qu’il ait pris une pause d’écriture pendant la pandémie – le milieu de la culture et les maisons d’édition ayant grandement souffert durant cette période – Hugo Bourdelais travaille actuellement sur les textes d’un nouveau recueil de poésie.