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SAINT-CHARLES-SUR-RICHELIEU – L’automne est occupé aux Bergeries Marovine, en Montérégie. Depuis septembre, les propriétaires Johanne Cameron et Martin Brodeur-Choquette ont assisté à la mise-bas de 620 agneaux dans l’un de leurs quatre groupes de 300 brebis. Un autre groupe devrait commencer les agnelages en novembre avec potentiellement autant de mises-bas. « On s’attend à une année record. On pensait voir naître 3 000 agneaux, mais on va être à 4 000 », précise la productrice ovine, dont le troupeau compte au total 1 200 brebis.
Cette grande productivité est étroitement liée à la bonne génétique de leur troupeau, mais également à l’utilisation d’un protocole de photopériode, souligne Mme Cameron. Cette méthode permet de répartir les cycles de fécondité et de naissances à travers l’année en contrôlant l’exposition plus ou moins longue à la lumière du jour, ce qui simule l’effet naturel des changements de saisons.
Aux Bergeries Marovine, le troupeau est divisé en quatre groupes de 300 brebis qui suivent un cycle différent d’exposition à la lumière. Chaque groupe est exposé en alternance à quatre mois de jours longs, soit environ 16 heures d’éclairage par jour, et à quatre mois de jours courts de 8 heures. « Au lieu de prendre les hormones, on manipule leur environnement, et ça synchronise les périodes d’accouplement. Ça permet aussi d’augmenter le nombre de mises-bas par brebis aux huit-neuf mois plutôt qu’une seule fois par année », indique l’agricultrice.
Productivité rehaussée
La productrice, qui a participé à la création d’un protocole de photopériode adapté à la production ovine dans les années 2000 avec le professeur François Castonguay, de l’Université Laval, estime que cette méthode rehausse la productivité des troupeaux plus efficacement que d’autres techniques disponibles pour produire à contre-saison, comme le traitement hormonal, donne-t-elle en exemple.
Ce dernier permettrait d’atteindre un taux de fécondité autour de 60-70 % en moyenne, en plus de coûter environ 14 $ par tête, rapporte Mme Cameron. En comparaison, la photopériode permet d’atteindre des taux de fécondité moyens de 90 %, sans frais. Les dernières saillies effectuées aux Bergeries Marovine ont même touché la quasi-perfection, avec un taux de fécondité de 98 %, s’étonne encore Johanne Cameron.
Ses nouveaux bâtiments d’élevage, construits il y a deux ans, ont probablement un rôle à jouer dans cette réussite, croit-elle, puisqu’ils facilitent la gestion du troupeau et ont été conçus spécialement pour la photopériode, en permettant un meilleur contrôle de l’éclairage sans avoir à déplacer les animaux.
Le professeur Francois Castonguay, aujourd’hui à la retraite, confirme que la photopériode peut facilement augmenter la productivité des troupeaux de 20 à 30 %. « Quand on combine à cette méthode l’utilisation de femelles hybrides prolifiques, ça peut faire un méchant step pour la productivité et la rentabilité des élevages », souligne-t-il.
Peu d’experts pour aider les producteurs
L’un des plus grands défis, toutefois, reste le transfert de connaissances sur le terrain, souligne M. Castonguay, puisqu’il y a peu d’agronomes spécialisés dans la production ovine au Québec, et encore moins qui connaissent bien la photopériode, qui est « assez complexe à implanter », selon lui. « Mais une fois en place, tu suis le calendrier sur ton fichier Excel, et c’est très simple », précise-t-il.
Un avis que partage Amélie Blanchard, agronome au Réseau Agriconseils, qui figure parmi les rares agronomes qui connaissent bien la photopériode. « La question du bâtiment peut également être une contrainte s’il n’a pas été construit pour ça, spécifie-t-elle, mais en général, on peut créer deux sections pour les longs jours et les jours courts, en ouvrant ou placardant les fenêtres. »
Celle qui a également une ferme ovine, où elle applique la photopériode, estime que la majorité des plus gros éleveurs ovins de la province utilise déjà cette méthode.
Du côté du Centre d’expertise en production ovine du Québec (CÉPOQ), on indique qu’aucune donnée n’est répertoriée sur le nombre d’éleveurs qui l’applique dans leur élevage. « Le CÉPOQ n’offre pas non plus de service de première ligne pour l’implantation de la photopériode », précise sa responsable du développement des compétences, Marie-Josée Cimon.
« La majorité des éleveurs respectent leur engagement »
Marc-Olivier Bessette, directeur général par intérim aux Éleveurs ovins du Québec, n’est pas en mesure de dire quelle méthode de production à contre-saison est utilisée dans chaque ferme ovine du Québec, mais il constate toutefois que presque tous les producteurs qui ont des contrats avec l’agence de vente pour livrer des agneaux lourds respectent leur engagement. « Un producteur qui serait au pâturage et qui irait avec les cycles de reproduction naturelle ne serait pas capable de nous fournir », affirme-t-il. M. Bessette précise également que la refonte du système de mise en marché, en 2021, a permis d’atteindre une grande constance dans l’approvisionnement, en fixant entre autres 13 périodes de livraison pendant l’année, « ce qui donne une plus grande flexibilité aux éleveurs pour répondre plus adéquatement à la demande annuelle des acheteurs », assure-t-il.
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