Oeufs 25 novembre 2022

À qui profitent les labels?

Des études menées par la Commission européenne dans six États membres de l’Union montrent que les labels du type « bien-être animal » font augmenter le prix au marché de la plupart des produits qui profitent de ces étiquettes. Les études suggèrent également que les hausses de prix échapperaient en grande partie aux agriculteurs, au profit des transformateurs et des détaillants. Qu’en est-il au Québec?

Paulin Bouchard est président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec. Photo : Fédération des producteurs d’œufs du Québec.
Paulin Bouchard est président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec. Photo : Fédération des producteurs d’œufs du Québec.

Les labels et certifications de toutes sortes prennent de plus en plus de place dans notre panier d’épicerie à mesure que les exigences des consommateurs augmentent. À la très connue certification biologique s’en ajoutent d’autres, souvent plus discrètes, qui poursuivent néanmoins les mêmes objectifs : se démarquer aux yeux des consommateurs, profiter de meilleurs prix et protéger de précieuses parts de marché. 

Qui, des producteurs, des détaillants et des autres intermédiaires, profite des meilleurs prix que permettent les labels de distinction? Un peu tout le monde, manifestement, encore qu’aucun portrait précis de la situation ne semble exister au Québec. « C’est très, très difficile de connaître la part de l’augmentation de prix qui revient au producteur par rapport aux autres maillons de la chaîne », admet Paulin Bouchard, président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec (FPOQ). « Une chose est certaine, si ça ne vaut pas la peine, le producteur n’embarquera pas là-dedans », soutient le président de la Fédération dont une partie des membres offrent des œufs de spécialité aux consommateurs. « On a plusieurs variétés d’œufs qu’on appelle “de spécialité”, souligne Paulin Bouchard. On a des œufs biologiques, de poules en liberté, riches en oméga-3, etc. Environ 15 % des œufs produits au Québec profitent d’étiquettes particulières », dit-il. L’apparition sur le marché de ces produits labélisés ne tient pas du hasard, indique par ailleurs Paulin Bouchard. « Le classificateur qui voit qu’il y a un marché pour un produit spécifique va donner une prime au producteur pour qu’il respecte un cahier de charge précis. » Dans le cas des œufs, la croissance de la demande pour des produits spécifiques resterait plutôt modeste. « La croissance est très, très modérée », précise le président de la FPOQ. 

Le bien-être animal

La mise en marché fondée sur le principe du bien-être animal demeure marginale au Québec. Comme pour la volaille et les œufs, la plupart des filières en production animale se sont dotées de codes de bonnes pratiques à adhésion obligatoire par les producteurs. Cette standardisation des principes de bien-être animal ne permet pas « la valorisation de certaines pratiques ou produits en comparaison avec d’autres pratiques ou produits », indique Yohan Dallaire, relationniste au MAPAQ. Le bien-être animal représenterait ainsi un seuil minimal à respecter par tous les producteurs, sans exception. Dans la production d’œufs distribués en épicerie, par exemple, chaque œuf est marqué d’un code qui permet de retracer son producteur et de connaître les détails de son mode de production. 

Des cas individuels de mise en valeur des bonnes pratiques s’observent toutefois. Du Breton, par exemple, met très clairement de l’avant 1) le caractère biologique de son porc, et 2) le fait qu’il soit élevé en liberté. « L’idée consiste à protéger ou à gagner des parts de marché », souligne Éric Boulianne, professeur d’agroéconomie au campus de La Pocatière de l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec. « Les produits agricoles occupent un marché en concurrence, rappelle l’enseignant. Si les producteurs rassurent les consommateurs sur l’origine et la qualité du produit, ils peuvent espérer gagner des parts de marché. » Éric Boulianne donne l’exemple de Bœuf Québec dont une partie de la stratégie s’appuie sur le sentiment nationaliste des consommateurs d’ici et leur sensibilité grandissante au fait de consommer à l’intérieur d’un circuit de production plus court. « Dans un cas comme Bœuf Québec, le prix de la viande est plus élevé, mais le fait d’identifier correctement sa provenance va probablement profiter à l’industrie locale et faciliter l’écoulement du produit », croit le professeur d’agroéconomie.

Claude Fortin, collaboration spéciale


Pour plus d’informations : 
Pour consulter le rapport Study on Animal Welfare Labeling, cliquez ici.


Cet article a été publié dans notre cahier spécial La prévention au coeur de la santé animale paru le 16 novembre 2022.