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Hemmingford – À une quarantaine de kilomètres au sud de Montréal, à quelques pas de l’État de New York, se trouvent des champs d’asperges cachés par une nature luxuriante. C’est là que Sébastien Bertrand a démarré son projet de revalorisation de la propriété agricole que sa mère avait achetée il y a une cinquantaine d’années.
« Avant qu’elle l’achète, la terre était déjà abandonnée depuis 40 ans. Ce n’était pas cultivé. La seule chose qu’il y a eu, c’était des animaux au pâturage. On partait donc de loin, avec un sol pas facile à travailler et des baisseurs d’eau qui demandent d’être drainés. Mais on a déjà 20 000 plants d’asperges en production. Et je veux en planter 20 000 à 25 000 l’an prochain, parce que la demande est vraiment forte », explique Sébastien Bertrand.
L’agriculteur est né sur cette terre située à Hemmingford, en Montérégie. À 18 ans, il a quitté son patelin pour devenir maçon. Après 20 ans sur les chantiers de construction, l’amour l’a ramené à Hemmingford.
Le projet
Sébastien Bertrand ne voulait pas investir dans de la grosse machinerie. La culture de l’asperge, une plante vivace, qui se vend bien, lui est apparue comme la meilleure solution. Il a privilégié une stratégie de culture peu intensive, où il laisse le sol couvert d’herbe autour des asperges.
En ce 23 mai, lors de la visite de La Terre, il marche à pas rapides dans les allées de champs avec sa conjointe, Marilyne Despins, les yeux comme des scanners, à la recherche des tiges d’asperge qui dépassent l’herbe. Ils ne doivent pas en oublier, car avec la chaleur, la croissance est rapide et une tige oubliée peut dépasser le standard de qualité dès le lendemain.
Une grosse récolte leur donne près de 50 kilos d’asperge par jour. « Ça se vend super bien. On est dans des kiosques et on a beaucoup de demandes ailleurs en région et dans les restos. Les gens veulent des asperges locales et le plus propre possible, sans pesticide. Il faut dire qu’on a travaillé fort aussi sur le marketing. On a créé avec 15 autres fermes un organisme, J’ai faim local, et le réseautage est devenu très puissant dans la région. Il faut maintenant fournir la demande de la machine qu’on a construite », témoigne-t-il.
Les asperges n’arrêtent jamais de pousser et si des surplus surviennent, une petite entreprise, Le Marinier, à Napierville, les transforme en asperges marinées. Mais la mise en marché n’a pas toujours été facile pour celui qui, à ses débuts, a subi la concurrence d’un autre agriculteur qui lui a ravi son seul point de vente. « Je me suis ramassé avec le frigo ben plein d’asperges. J’étais un peu découragé. Ma belle-mère a dit : »Ce sont les ventes de garage aujourd’hui, sors tes asperges. » À ma surprise, après une heure, tout était vendu. Alors après on s’est fait une boutique », relate-t-il.
Son concept sans pesticide est apprécié autant par ses clients que par lui-même, mais inévitablement, les rendements en souffrent. C’est particulièrement le cas dans ses nouvelles parcelles, où les jeunes pousses rivalisent avec l’herbe, et lorsqu’une pièce de la faucheuse brise, comme ç’a été le cas la semaine précédente, laissant croître l’herbe rapidement et rendant la cueillette difficile.
Loin de se laisser abattre, l’agriculteur autodidacte prévoit déployer une nouvelle stratégie.
Son objectif d’ici 10 ans est d’avoir 100 000 plants d’asperges, ce qui impliquera d’améliorer graduellement ses champs restants et de tous les planter en asperges. Pour ce faire, il a amélioré grandement son efficacité d’implantation en modifiant une ancienne planteuse à arbre de Noël. « Avant que j’aie la machine, on avait pris un mois pour planter 2 000 plants. C’était vraiment long, car il faut que tu mettes les griffes d’asperges [les racines] à un pied de profond! Avec la machine, on fait 8 000 plants… par jour! » compare-t-il.
Le bois aussi
Finalement, Sébastien Bertrand n’a pas acheté une chainsaw pour rien à 14 ans. Avec son intérêt pour les travaux forestiers, il aménage son boisé pour maximiser la production de sirop d’érable. Il a installé 1 500 entailles et en installera 3 000 entailles supplémentaires. Après avoir obtenu du contingent auprès des Producteurs et productrices acéricoles du Québec, il a construit lui-même une cabane à sucre dans les règles de l’art. « On a eu une première confirmation pour le contingent en septembre 2020; j’ai coulé les fondations de la cabane en octobre 2020; à Noël, j’installais les truss [chevrons]; et au printemps, je finissais de faire les trous pour passer les cheminées quand il y avait déjà 4 000 litres d’eau de rentrés et prêts à faire bouillir! C’était une année très, très rush! Mais c’est ça, le truc, en agriculture; il faut mettre du temps », relate celui qui travaille encore comme maçon « pour payer les bills », afin d’accomplir son projet acéricole et maraîcher.