Maraîchers 13 août 2024

Une production de fraises dans le vent

CAP-CHAT – À l’âge de 30 ans, Pamela Benoit et son conjoint, Gabriel Vanier, travaillaient presque jour et nuit en Chine dans le domaine de l’exportation manufacturière. Depuis, un vent de changement a soufflé sur leurs vies et les a menés vers un tout nouveau métier, celui de producteurs de fraises bio à Cap-Chat, dans La Haute-Gaspésie. 

« Quand on est partis de la Chine, on voulait démarrer une entreprise, et mon chum voulait un beat comme celui de l’agriculture pour travailler intense l’été et avoir congé l’hiver. On ne voulait pas d’élevage, et vu qu’on est loin d’être agronomes, on ne voulait pas s’éparpiller dans toutes sortes de légumes et ne pas être rentables. On s’est dit qu’en se concentrant dans les fraises et framboises, on pourrait apprendre et être bons dans ça », explique celle qui est originaire de Saint-Jean-sur-Richelieu, en Montérégie.

Alors, pourquoi Cap-Chat?

« On a regardé pour une terre en Montérégie, mais ce n’était pas achetable ni viable. Au Bas-Saint-Laurent, le vendeur était trop gourmand, et quand on est arrivés ici, on est rentrés dans la cour, et on s’est dit : ‘’OK, c’est ici qu’on veut vivre’’. » 

Pamela raconte que l’ancien propriétaire était enchanté par leur projet agricole et leur a offert des conditions favorables. Il n’en fallait pas plus pour lancer la Ferme du Phare. 

Un accueil chaleureux

Située à l’entrée de Cap-Chat, l’entreprise se trouve au pied du premier parc éolien du Québec, connu pour abriter l’une des plus hautes éoliennes à axe vertical au monde, selon le gouvernement du Québec. Or, un vent chaud et positif a aussi accueilli les deux agriculteurs. 

Plusieurs citoyens leur ont témoigné de l’engouement envers leur projet agricole, qui apporte de la jeunesse et du dynamisme dans leur région marquée par le vieillissement de la population, raconte Pamela. Des gens qui ne connaissaient pas le couple sont venus leur prêter de l’équipement et les aider. L’appui de la population est également monétaire. « On s’attendait à ce qu’un gros pourcentage de nos ventes vienne des touristes, mais on a été surpris de l’encouragement de la population locale. Des fraises, il n’y en avait pas ici, et celles en épicerie viennent de loin. Elles sont parfois horribles. Les nôtres, oui, elles sont plus chères, mais les gens ont vu que notre qualité est impeccable et ils l’apprécient. » 

Tout n’est pas parfait, car si le vent est bon dans l’ensemble, il représente un défi agronomique de taille. « Les arbres sont tous penchés, ce n’est pas pour rien. Tout pousse plus difficilement ici! » affirme-t-elle. Le couple a dû installer des clôtures de toiles noires pour couper le vent près des rangées de fraises. Des haies brise-vent ont aussi été aménagées pour protéger les framboises. 

Mais le vent a le dernier mot. « En décembre dernier, le vent a arraché les toiles noires. Plein de poteaux sont tombés. Même les bâches de protection des fraises et la paille qu’on avait mise ont été soufflées. On savait que le vent serait un enjeu. On n’a pas le choix, il faut s’adapter… »  


Des beignes aux fraises pour attirer les clients par l’odeur

Les propriétaires de la Ferme du Phare ne manquent pas d’ambition. Moins de deux ans après avoir démarré leurs cultures de fraises bio, ils se sont lancés dans les produits transformés. 

Si leur scone aux framboises et chocolat blanc est devenu très populaire au village, assure Pamela, l’agricultrice de 34 ans mijote maintenant l’idée de créer un beigne aux fraises. « On aimerait peut-être en faire tous les jours et que les gens viennent juste parce qu’ils ont attrapé la whiff [l’odeur]. » 

Le couple a entamé l’autoconstruction d’un petit marché fermier sur son terrain.

C’est que Pamela est imaginative en cuisine, et quand elle n’est pas dans ses champs, elle allume ses fourneaux pour transformer ses petits fruits. Cela a notamment permis à la ferme d’atteindre ses objectifs de croissance.  « On n’a pas juste écrit un plan d’affaires, on l’a fait. Ça nous rend fiers! Même l’an passé, c’était une année exécrable de production. On a jeté 60 % de nos fraises. Elles étaient pourries par le surplus d’eau. On arrivait crevés le soir et on avait le goût de s’effoirer sur le divan, mais non. On se donnait un coup de pied, on essayait de transformer plus de produits et, finalement, tout ça a payé. On a réalisé un plus gros chiffre d’affaires que l’année précédente avec moins de production au champ », détaille-t-elle.

L’agricultrice et son conjoint jouent aussi du marteau, car si, à ses débuts, en 2021, le couple a commencé à vendre ses fraises sur une table à pique-nique placée sur leur terrain en bordure de la route 132, ils sont en train de transformer le devant d’un de leurs bâtiments en un petit marché fermier. C’est là qu’ils vendent maintenant leurs fraises et framboises, en plus de la viande et des légumes des fermes voisines. Et comme si ce n’était pas assez, ils commencent les tests d’une « nouvelle » plante nordique, nommée la ronce arctique, qui produit un petit fruit très prisé en Scandinavie, avec l’objectif que celle-ci séduise les clients et dompte le vent.

La ronce arctique produit un petit fruit connu en Scandinavie. Cette culture nordique pourrait bien performer dans le climat de Cap-Chat, croient les agriculteurs. Photo : Martin Ménard/TCN