Maraîchers 26 août 2024

Un producteur de betteraves brûle les mauvaises herbes au laser

À l’heure où les solutions de phytoprotection efficaces sont rares dans la production de betteraves, un maraîcher de Saint-Lin–Laurentides, dans Lanaudière, a pris les grands moyens pour ne plus dépendre des herbicides. Il fera désormais son désherbage à l’aide d’une technologie au laser dernier cri, dont il a fait l’acquisition pour la modique somme de 2,2 M$. 

« Ça élimine beaucoup, beaucoup, beaucoup de mauvaises herbes », constate le propriétaire de la Ferme Benjo, Benoît Hervieux, qui a fait l’essai, pour la première fois cet été, de son nouvel outil LaserWeeder, conçu par la compagnie américaine Carbon Robotics.  

Au moyen d’un rayon laser, explique l’agriculteur, l’engin tiré par un tracteur brûle, sur environ 20 pieds de large, le point de croissance des mauvaises herbes, et ce, à une vitesse de 1 à 2 km/h.

« J’ai des terres complètes de betteraves que j’ai faites sans herbicides et elles sont belles. C’est propre, propre, propre, immaculé », affirme celui qui admet en revanche que la technologie s’avère moins efficace lorsque le stade de croissance de la plante est trop avancé.

L’outil de désherbage LaserWeeder, tiré par un tracteur, ne requiert qu’un seul opérateur à la fois. Il a fonctionné 24 h sur 24 à la Ferme Benjo, cet été, avec quatre employés qui se relayaient. Photo :
Gracieuseté de Benoît Hervieux

Les champs que j’ai faits au bon moment, quand la mauvaise herbe était petite, juste au bon stade, la bonne journée, c’est merveilleux. Mais quand la température joue contre toi et qu’au moment où il faudrait que tu y ailles, tu n’es pas capable de rentrer dans le champ, là, les défis sont grands. 

Benoît Hervieux

Bien que sa première année de test n’ait pas été parfaite, l’agriculteur ne regrette pas son achat, se disant certain d’obtenir de meilleurs résultats l’an prochain.

« Pour tout outil qu’on achète dans la vie, il y a une période d’apprentissage. Au début, ça coûte cher; ce n’est pas efficace. Ensuite, on prend le tour et on apprend », analyse celui qui se plaît à adopter des pratiques avant-gardistes. 

Si l’investissement de départ est important, M. Hervieux estime qu’il fera des économies à long terme en réduisant son utilisation d’herbicides, dont l’application est incontournable dans les champs de betteraves. Le désherbage mécanisé dans cette culture, rappelle-t-il, n’est pas une option envisageable, car il abîme les plants.

« Actuellement, à peu près la seule option qu’on a, ce sont des produits chimiques. On dépense des centaines de milliers de dollars par année en produits », fait-il valoir, ajoutant que le désherbage à la main requiert, quant à lui, beaucoup de main-d’œuvre. « Ce sont des salaires. Quand tu as 35 gars dans le champ tout le temps pour désherber, ce sont des coûts. »


Une lutte ardue

Benoît Hervieux a acquis une technologie au laser dans un contexte où Bayer a récemment cessé la commercialisation de l’herbicide Betamix B, soit le seul produit efficace, selon plusieurs maraîchers, pour combattre les mauvaises herbes dans les champs de betteraves. 
Comme les options de rechange sont rares, voire inexistantes, plusieurs producteurs témoignent de difficultés, cette saison, à contrôler les mauvaises herbes, alors que la chaleur et l’humidité semblent en avoir favorisé la prolifération.
« Les mauvaises herbes, cette année, ça n’arrêtait pas », constate Éric Messier, maraîcher à Ange-Gardien, en Montérégie.

On a essayé un herbicide plus ou moins efficace. J’ai un champ de betteraves où ça a bien sorti, mais dans le deuxième, il y a vraiment beaucoup de mauvaises herbes.

Éric Messier


À Saint-Lin–Laurentides, dans Lanaudière, Jocelyn Majeau cultive normalement 32 hectares de betteraves, mais a réduit ses superficies à 22 hectares cette saison et a engagé plus de main-d’œuvre pour désherber à la main, sans toutefois obtenir les résultats souhaités.
« La mauvaise herbe va plus vite que nous autres. On a commencé le désherbage la première semaine de juin, et on est encore dedans. Normalement, on aurait fini en deux semaines », témoigne l’agriculteur, qui explique que les mauvaises herbes abondantes cachent les plants de betteraves du soleil et nuisent au processus de photosynthèse. « Ça affecte les rendements; les betteraves sont plus petites », observe-t-il.
Après avoir essuyé de premiers refus, l’Association des producteurs maraîchers du Québec ne baisse pas les bras et entend revenir à la charge pour faire homologuer au pays des produits de rechange efficaces. 
« Il se peut qu’on y arrive, mais ça pourrait être long », prévient cependant la directrice adjointe, Catherine Lessard.