Maraîchers 16 septembre 2024

« Mère Nature a chaviré beaucoup de récoltes, cette année »

MONTRÉAL – Une année d’abondance et de qualité de produits maraîchers se profilait au Québec, il y a à peine quelques semaines, jusqu’à ce que de gros épisodes de pluie viennent brouiller les cartes, dans certaines régions et certaines productions.

« Mère Nature a chaviré beaucoup de récoltes, cette année, mais aucun produit ne réagit de la même façon. Certains sont abondants, mais d’autres se font plus rares, parce qu’il y a eu des pertes », fait valoir Guy Milette, vice-président exécutif pour le grossiste Courchesne Larose, soit l’un des plus gros distributeurs de fruits et légumes importés et locaux au Canada. Chaque semaine, environ 500 000 caisses de produits transitent par l’un de ses deux entrepôts de Montréal, dont le principal, situé dans le quartier Anjou, dispose d’un immense espace réfrigéré de 200 000 pieds carrés.


Lors du passage de La Terre à l’entrepôt principal de Courchesne Larose, le 5 septembre, un gros chargement d’oignons du Québec venait tout juste d’arriver. Les rendements dans cette production ont explosé cette année.

Beaucoup voire trop d’oignons

Lors du passage de La Terre, le 5 septembre, un gros chargement d’oignons du Québec venait tout juste d’arriver. Cette saison, les conditions météo ont propulsé les rendements de ce légume, si bien que plusieurs agriculteurs en récoltent plus que ce qu’ils sont capables d’entreposer. 

« On se retrouve avec beaucoup d’oignons en même temps sur le marché et des prix qui sont à terre », indique M. Milette. Au début septembre, à titre d’exemple, les producteurs recevaient environ 12 $ pour une poche de 50 livres d’oignons, alors qu’elle se vend normalement 5 à 6 $ plus cher.


La panique dans la carotte

Le prix des carottes était aussi très bas au début septembre, mais pour des raisons un peu différentes. Des producteurs qui en entreposent l’hiver observent déjà de la pourriture au niveau des racines et préfèrent se départir de leurs légumes le plus vite possible que de risquer de les voir dépérir plus tard en entrepôt. « Là, c’est la bataille pour vendre les carottes le plus rapidement possible. C’est la panique », observe M. Milette. Une poche de 50 livres se vendait de 10 $ à 14 $, alors que les prix oscillent normalement entre 15 et 18 $, à cette période. M. Milette anticipe toutefois un manque de carottes à entreposer plus tard, à l’automne, et de la rareté qui pourrait faire remonter les prix radicalement. « Il n’y aura pas d’entre-deux. Dès que les gens vont avoir vendu leurs carottes qui, potentiellement, ne vont pas se garder, on va commencer à avoir des prix élevés », anticipe-t-il.


Des choux-fleurs importés de la Californie

À certains moments, cet été, le grossiste Courchesne Larose a dû importer des choux-fleurs de la Californie pour pallier le manque de produits québécois. La pluie a beaucoup nui aux rendements de ce légume fragile. « Les producteurs locaux, encore en ce moment, ne fournissent pas à la demande. Il y a eu beaucoup de pertes. Habituellement, durant l’été, on ne voit pas de choux-fleurs importés », observe Guy Milette. 

La Californie, d’ailleurs, a aussi connu des problèmes de rendements de choux-fleurs momentanés, selon l’agroéconomiste Sébastien Brossard, ce qui a temporairement généré de la rareté sur l’ensemble du marché nord-américain et fait grimper les prix. À la Place des producteurs, par exemple, un carton de 12 unités se vendait environ 35 $, le 5 septembre, alors que le prix était de 20 $, deux semaines auparavant.



On s’arrache les oignons verts

Actuellement, les oignons verts du Québec sont très recherchés aux États-Unis. Normalement, le Mexique approvisionne nos voisins du sud à cette période de l’année, mais il a connu des récoltes désastreuses. Donc, les Américains se tournent vers le Québec pour faire le plein d’oignons verts. La demande a explosé pour ce produit, faisant grimper les prix. Une caisse de 48 paquets se vendait 50 $ à Montréal, au début septembre, alors qu’elle vaut normalement de 18 à 25 $.


Incapables d’exporter leurs betteraves

Cette saison, l’abondante récolte de betteraves destinées à l’exportation aux États-Unis peine à trouver preneur, car les Américains connaissent aussi une année de forts rendements. « Ils n’ont pas besoin de nos betteraves, donc ils n’en achètent pas », résume Guy Milette, soulignant que 70 % de ce légume produit au Québec est normalement exporté là-bas. « On se retrouve donc avec plus du double des betteraves de disponibles ici, par rapport à l’habitude. Tout le monde se bat pour les passer, ce qui fait fléchir les prix. Mon acheteur, ça fait des années qu’il n’a pas vu un marché de la betterave aussi bas que ça. » À titre d’exemple, un agriculteur recevait entre 5 et 7 $ pour une poche de 25 livres, au début septembre, alors que le prix varie normalement entre 8 $ et 15 $.


Chaque semaine, environ 500 000 caisses de produits transitent par l’un des deux entrepôts de Montréal, dont le principal, situé dans le quartier Anjou, dispose d’un immense espace réfrigéré de 200 000 pieds carrés. 

Debby fait grimper le prix des tomates et des zucchinis

L’ouragan Debby a nui aux récoltes de plusieurs légumes, tant au Québec qu’aux États-Unis, fait remarquer l’agroéconomiste Sébastien Brossard, ce qui crée de la rareté partout en Amérique du Nord pour certains produits et fait grimper les prix. Il cite en exemple les tomates de champ et les zucchinis, qui ont été malmenés par endroits au Québec, mais aussi sur la côte est américaine, là où l’ouragan a fait des siennes. Une caisse de 20 livres de tomates se vendait par exemple 25 $, le 5 septembre, à la Place des producteurs, soit 7 $ ou 8 $ de plus qu’à l’habitude, à cette période.