Maraîchers 16 juillet 2024

Les agriculteurs derrière la salade de chou St-Hubert

SAINT-LIN–LAURENTIDES – Été comme hiver, c’est principalement le chou de la famille Bérard qui se retrouve dans les fameuses salades St-Hubert servies en rôtisserie ou vendues sur les tablettes d’épiceries. Véritables pionniers pour la conservation à l’année de ce légume, ces producteurs de Lanaudière sont devenus, au fil des décennies, d’incontournables fournisseurs pour le restaurateur et d’autres transformateurs.

« On est partis comme tout le monde, avec de petits contrats. […] Et là est arrivé un temps où on s’est dit : ‘‘On part un entrepôt, mais un entrepôt pas comme les autres’’ », raconte René Bérard, fondateur des Jardins G & R avec sa conjointe, Germaine, au tournant des années 1980.

En collaboration avec des chercheurs du Collège Macdonald, un campus de l’Université McGill, les agriculteurs de Saint-Lin–Laurentides ont participé à l’élaboration d’un système novateur, à l’époque, de contrôle d’atmosphère propice à la conservation des choux. C’est après la construction d’un premier entrepôt et quelques années de tests qu’ils ont développé une technique leur permettant d’approvisionner leurs clients à l’année. 

On réussissait à faire du 12 mois vers 1984 après plein d’expériences, des pertes en entrepôt. On innovait.

René Bérard, fondateur des Jardins G & R

Comme il était précurseur dans la livraison de choux à l’année, le mot s’est passé rapidement parmi les transformateurs qui recherchaient une constance d’approvisionnement. 

Quatre décennies plus tard, la formule a évolué et l’entreprise a pris du galon. Catherine et Sébastien, deux des enfants du couple de fondateurs, en sont désormais coactionnaires. 

La ferme dispose d’installations permettant l’entreposage de 25 000 caissons de 1 000 livres de choux, chaque hiver. Toute l’année, l’entreprise vend de 100 à 200 caissons quotidiennement. 

Les 195 hectares de choux que cultive la ferme sont tous destinés à la restauration ou à la transformation au Québec et aux États-Unis, par l’entremise d’un partenaire exportateur. Elle dispose d’installations permettant l’entreposage de 25 000 caissons de 1 000 livres de ce légume, chaque hiver. Toute l’année, l’entreprise vend de 100 à 200 caissons quotidiennement. 

Les Bérard produisent le chou qui se retrouve dans les préparations de salade St-Hubert vendues en épicerie et dans les rouleaux de printemps Wong Wing.

Des liens de confiance bâtis petit à petit

Au fil du temps, les discrets producteurs, qui n’ont jamais voulu être sous les projecteurs, ont tissé des liens d’affaires solides et souvent exclusifs avec d’importants transformateurs. Leurs choux servent à la fabrication de toutes les salades St-Hubert vendues en épicerie et de la majorité de celles servies dans les restaurants. Les Bérard racontent aussi être fournisseurs de ce légume pour la fabrication de rouleaux de printemps Wong Wing, à l’usine de Montréal, et de choucroute Putter’s, qui est transformée à Sainte-Sophie, dans les Laurentides.

Mais comment développe-t-on une telle clientèle? « C’est le temps », répond simplement René Bérard, qui affirme ne jamais avoir sollicité d’acheteurs et surtout miser sur les liens de confiance bâtis petit à petit. 

« Il faut être constants, il faut être persévérants », ajoute Sébastien. La genèse de leur entente avec Wong Wing et les rôtisseries St-Hubert, par exemple, remonte aux années 1980, alors que la ferme approvisionnait déjà ces deux transformateurs en petites quantités. Ce n’est qu’en 2012 que St-Hubert leur a proposé de devenir son partenaire principal. 

Une année d’entreposage ardue

La Terre est allée à la rencontre des Bérard le 5 juillet. Malgré de nombreuses pertes en 2023 en raison des excès d’eau suivies d’une année de conservation plus difficile que la normale, il restait tout de même 500 caissons de la saison précédente à écouler en entrepôt. Les récoltes de 2024, elles, commençaient à peine, avec de l’avance sur le calendrier habituel. 

Leur arrive-t-il de ne pas traverser l’année avec leurs choux? « Jamais! » affirme Catherine, avec un sourire, ajoutant que de s’adapter aux imprévus pour livrer la marchandise est une véritable « gymnastique ». Cette année, par exemple, la ferme a dû arrêter d’envoyer des choux à son partenaire qui exporte aux États-Unis d’octobre à avril pour prioriser l’approvisionnement des transformateurs du Québec.


Des choux en dormance

Les choux récoltés d’octobre à novembre aux Jardins G & R sont ceux qui seront entreposés tout l’hiver jusqu’à juin ou juillet de l’année suivante. Durant cette période, ils sont mis en dormance dans une chambre à atmosphère contrôlée, de sorte qu’ils arrêtent de vieillir et se conservent. Lorsque les légumes doivent être livrés, la chambre est ouverte et le chou reprend vie. « C’est comme l’hibernation d’un animal », compare Sébastien Bérard.

Une préférence pour les choux de la récolte précédente 

Les transformateurs, explique Catherine Bérard, préfèrent le chou d’automne qui a été stocké tout l’hiver à celui fraîchement récolté en été, puisqu’il contient moins d’eau et absorbe mieux les vinaigrettes et les sauces. « Le chou d’été pousse plus vite. Plus le chou pousse vite, plus il y a d’eau dedans, donc il absorbe moins les vinaigrettes qu’un chou plus dense, qui est un chou d’automne », détaille l’agricultrice. Au moment de la transition vers les choux d’été, précise-t-elle, les transformateurs sont avertis et adaptent leur recette en attendant le retour du chou d’automne.

Des données entrées à la mitaine

Après avoir essayé plusieurs applications de saisie de données permettant, entre autres, de bien suivre les récoltes quotidiennes et les entrées et sorties de boîtes en entrepôt, les Bérard en reviennent au système manuscrit qu’ils ont développé, le jugeant plus efficace. « Chaque entrée est inscrite avec sa date, son champ, les conditions climatiques, combien de boîtes ont été rentrées », explique Catherine. « Le système qu’on a mis en place au niveau manuscrit est plus documenté, plus précis, que le système qu’on peut nous offrir avec la technologie », constate-t-elle, précisant que les données sont informatisées par la suite.