Maraîchers 1 juillet 2024

Entre son rêve olympique et son rêve agricole

BOUCHERVILLE — Après des années à se dévouer à la natation, Guillaume Lord est passé bien près de réaliser son rêve de participer aux Jeux olympiques, en 2024, mais ne s’est finalement pas qualifié. Il n’ira pas à Paris, cet été, mais ne s’ennuiera pas pour autant, car l’agriculture occupera le plus clair de son temps.

« J’étais un passionné de la natation quand je suis tombé là-dedans, et là, je suis un passionné d’agriculture. Je suis passionné de mes projets, en fait. Quand je me lance dans quelque chose, j’y mets toute mon énergie », témoigne le jeune et enthousiaste maraîcher de 23 ans. La Terre l’a rencontré, le 19 juin, à sa ferme de Boucherville, en Montérégie, en pleine récolte de fleurs d’ail. 

Quelques semaines plus tôt, il se trouvait à Toronto, en finale des essais olympiques, où il était parvenu à se tailler une place, après quatre années d’entraînement sans relâche qu’il a concilié avec son métier d’agriculteur. Il n’est toutefois pas parvenu à se qualifier pour les Jeux.

Durant son parcours d’athlète, il a remporté plusieurs médailles aux Championnats canadiens. Photo : Gracieuseté de Guillaume Lord

Déchiré entre deux passions

Déchiré entre son désir ardent d’aller aux Olympiques et celui de vivre le plus rapidement possible de l’agriculture, il se retrouve confronté à un important dilemme; se remettre ou non à l’entraînement intensif, en vue d’une participation aux Jeux de Los Angeles, en 2028. 

« Ces quatre dernières années, j’ai été à fond dans mon cycle olympique. La priorité, c’était ça, mais ça faisait en sorte que je ne saisissais peut-être pas toutes les opportunités que j’avais avec l’entreprise », réalise le producteur.

Ce n’est jamais une garantie d’aller aux Jeux, et si je me rembarque, c’est pour quatre ans d’engagement intense que je ne mettrai pas sur l’entreprise.

Guillaume Lord, producteur

Le nageur a officiellement démarré sa ferme en 2022, avec son partenaire, Daniel Labbé. Ensemble, ils cultivent huit hectares d’ail, de soya et d’oignons. En parallèle, Guillaume possède son propre élevage de poules pondeuses pour la vente directe d’œufs.

S’il est toujours parvenu, jusqu’ici, à faire passer sa ferme en deuxième, en ne cultivant que de petites superficies, les prochains objectifs de croissance qu’il se fixe nécessiteront un plus grand dévouement de sa part envers l’entreprise, croit-il. Son but ultime est de produire suffisamment d’ail pour approvisionner les grandes chaînes de supermarchés. Il aimerait aussi obtenir un quota de poules pondeuses, par le biais du programme d’aide au démarrage, pour augmenter sa production d’œufs.

S’il avait atteint son objectif, en 2024, de participer aux Olympiques, il se serait probablement retiré progressivement de la compétition, dans l’année à venir, pour se consacrer entièrement à l’agriculture, dit-il. Le fait qu’il n’ait pas réalisé son rêve, cependant, le fait hésiter dans ses choix d’avenir. Pour l’instant, d’autres compétitions l’attendent encore, notamment les Championnats canadiens, en juillet.

Nageur de père en fils, agriculteur de grand-père à petit-fils

D’aussi loin que se souvient Guillaume Lord, la natation a toujours fait partie de sa vie. Durant son parcours d’athlète, celui qui participe à des compétitions depuis l’âge de 7 ans a remporté plusieurs médailles aux Championnats canadiens — dont une d’or — en plus d’une neuvième position à la Coupe du monde. 

Si cette passion lui vient de son père, qui était lui aussi un nageur de haut niveau, son attrait pour l’agriculture, il le tient de son grand-père.

« Il avait une meunerie qu’il a vendue, parce qu’il n’avait pas de relève. Ça a toujours fait partie de nos histoires de famille. Depuis que je suis jeune, j’entends parler d’agriculture. Ça m’a toujours intéressé », indique le jeune homme. 

C’est en 2020, lorsque les compétitions ont été annulées en raison de la COVID, qu’il s’est mis plus sérieusement au maraîchage et qu’il a eu la piqûre pour le métier d’agriculteur.

Avec l’aide de son associé, Daniel Labbé, et des étudiants qu’il embauche en période intense de récolte, Guillaume Lord parvient à gérer sa ferme tout en étant un athlète de haut niveau. Le 19 juin, ceux-ci achevaient la récolte de fleurs d’ail. Photo : Caroline Morneau/TCN

« J’aime bien le tourbillon de ma vie »

En plus de cultiver la terre et de se dévouer à la nage, Guillaume Lord suit une formation en gestion d’entreprise agricole, à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec, qu’il terminera en 2025. Il est aussi entraîneur au Club de natation Mustang Boucherville. Ses quatre dernières années, il les a passées entre l’école, la piscine et la ferme. « Pour moi, être occupé, c’est une force. J’aime bien le tourbillon de ma vie », sourit l’agriculteur lorsqu’on lui demande comment il parvient à maintenir un tel horaire. Le fait d’être bien entouré et d’avoir de l’aide à la ferme, notamment de son partenaire et d’étudiants qu’il engage au plus fort des récoltes, lui permet aussi de s’ajuster. 

« Moi et Daniel, on est bons pour s’adapter. Les plages d’entraînement, c’était la priorité, donc l’horaire était fait autour de ça. Quand j’avais un trou, je savais que ça allait être dédié à la ferme. »


De la place dans les supermarchés pour l’ail

Conscient de l’engorgement des marchés pour la vente directe d’ail, Guillaume Lord vise la commercialisation de gros volumes, dans les supermarchés. Pour l’instant, il parvient à écouler son ail dans de petites épiceries du coin et des restaurants. La prochaine étape sera d’aller chercher sa certification de salubrité Canada Gap et de s’équiper adéquatement pour l’entreposage, afin de répondre aux exigences de grandes bannières. « Il y a de la place dans le marché du gros pour l’ail du Québec. C’est là-dedans qu’on veut rentrer. »