Maraîchers 9 août 2024

De l’ail de serre en plein hiver

S’il est possible de le faire avec la tomate, la laitue, le poivron, la fraise et le radis, pourquoi ne pas produire de l’ail en serre en plein hiver? C’est ce que se sont dit des agriculteurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui s’aventureront dans ce projet inusité, dès cette année.

« On part avec une avance. C’est pour ça que le projet d’ail en serre a du sens pour nous. Partir à zéro, ce serait comme impossible », affirme Stéphane Boucher, copropriétaire avec sa conjointe, Sophie Limoges, de la Pépinière Boucher, à Saint-Ambroise. C’est qu’en plus de posséder l’une des plus importantes productions d’ail en champ au Québec, qu’il vend à l’année dans les supermarchés, l’entreprise a déjà des serres qu’elle utilise d’avril à juin pour la culture de plants forestiers et de semences d’ail. 

Stéphane Boucher calcule qu’il produira en serre cinq fois plus d’ail dans un mètre carré comparativement à ce qu’il obtient en champ. Photo ; Gracieuseté de la Pépinière Boucher

On s’est aperçus que pendant l’hiver, on n’exploitait pas les serres. Donc l’idée, c’est de rentabiliser ces installations-là. Et comme on produit déjà 25 hectares d’ail en champ et qu’on a une expertise là-dedans, on ne commencera pas à faire des tomates et des concombres dans nos serres. On va faire de l’ail.

Stéphane Boucher, producteur d’ail

L’objectif de l’agriculteur est d’augmenter l’offre d’ail du Québec dans les supermarchés durant l’hiver. Car si quelques fermes, dont la sienne, parviennent à approvisionner les épiceries à l’année avec ce qu’ils cultivent en été, la majorité des producteurs de ce légume ne disposent pas des installations de conservation requises pour en fournir après décembre, dit-il. 

M. Boucher n’a pas l’intention de réduire sa production estivale destinée à la conservation. Il vendra son ail de serre frais, mais aussi transformé lorsque déclassé, comme il le fait déjà avec son produit cultivé en champ. Il anticipe d’ailleurs avoir moins de produits déclassés en serre, dans un environnement contrôlé. 

Un défi agronomique

Dès septembre, M. Boucher sèmera de l’ail sur 3 000 mètres carrés dans un nouveau complexe de serres qu’il a fait construire en 2023 pour augmenter sa production printanière de plants forestiers. Il explique que les installations ont été adaptées pour que de l’ail puisse aussi y pousser l’hiver. Le légume sera récolté de la fin décembre à la fin mars, puis laissera place à la culture de jeunes arbres dès avril.

« On a déjà fait quelques tests pour l’ail durant l’hiver, et on a remarqué qu’il y avait un manque de qualité, parce qu’il n’y avait pas assez de lumière. Donc, on a ajouté des lumières DEL », précise le producteur, dont les serres seront chauffées à la biomasse. 

Conscient que son projet représente un défi agronomique et de rentabilité, M. Boucher s’est entouré d’une équipe d’agronomes et d’experts en services conseils pour l’aider. Il préfère ne pas avoir d’attentes pour sa première année de production, qui en sera une de tests, dit-il. 

« Monter un complexe de serres d’une couple de millions, mettre des lumières qui valent 500 000 $ et installer un système de chauffage de 500 000 $ pour produire de l’ail que tu peux faire l’été, je pense que personne ne ferait ça. Nous, on a l’opportunité de le faire, parce qu’on a déjà les installations et le marché », insiste celui qui croit en son projet.

Cinq fois plus d’ail au mètre carré en serre

Le producteur Stéphane Boucher calcule que les 3 000 mètres carrés d’ail qu’il cultivera en serre lui permettront de récolter l’équivalent de ce qu’il produit sur 15 000 mètres carrés en champ. « Ça aussi, c’est un aspect important de notre projet sur le plan de la rentabilité. En serre, je peux produire cinq fois plus d’ail dans un mètre carré. En champ, il faut passer avec des tracteurs, donc il y a énormément de place réservée au passage des roues et de l’équipement, tandis qu’en serre, c’est 100 % cultivable », explique celui qui produit 80 tonnes d’ail en champ annuellement. Il espère en produire 10 tonnes à sa première saison en serre.