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Par l’entremise du Défi de réduction du méthane agricole organisé par Agriculture et Agroalimentaire Canada, Agropur souhaite développer une stratégie d’alimentation à base de graines de lin extrudé à sec qui pourrait réduire les émanations de méthane des vaches laitières d’au moins 9,2 %.
En juillet, cette idée a permis à Agropur de se tailler une place parmi les 13 demi-finalistes du défi sur 86 candidatures reçues. L’instigatrice du projet chez Agropur, l’agronome Sophie Neveux, qui porte le titre de cheffe de l’agriculture durable, est excitée par la stratégie d’alimentation qu’elle développe.
Sophie Neveux précise que la littérature documente déjà les bienfaits de rations à base de graines de lin, riches en oméga-3, sur la santé, le bien-être animal et le rendement laitier des vaches. Des indices laissaient toutefois croire qu’il permettait également de diminuer les émissions de méthane entérique. Le lin est produit au Canada et l’ingrédient commercial – obtenu par un procédé d’extrusion à sec utilisant la pression et la chaleur pour modifier la structure des protéines des graines et les rendre plus digestes pour les animaux – est déjà breveté chez un partenaire d’Agropur, O&T Farms à Regina, en Saskatchewan. Ce n’est donc pas l’ingrédient qui est novateur, précise-t-elle, mais bien la stratégie d’alimentation contenant cet ingrédient commercial. Un rapport scientifique de 2008 estimait une réduction de méthane de 15 à 40 %. Un autre datant de 2023 en arrivait à une réduction d’environ 9,2 %.
En juillet, 13 demi-finalistes sélectionnés ont chacun reçu 153 000 $ pour rédiger le plan de mise en œuvre de leur projet. S’ils se qualifient pour l’étape suivante, ils recevront, au printemps 2025, un montant pouvant aller jusqu’à 230 000 $ pour concrétiser la solution.
Pour Agropur, cela se traduirait par le financement d’un projet de recherche à la ferme laitière expérimentale de l’Université Laval. Cette dernière est équipée de GreenFeeds, des appareils dans lesquels les vaches rentrent leur museau pour s’alimenter et qui captent la quantité de méthane expirée. « On va fournir des pourcentages d’alimentation de cette extrusion de graines de lin dans l’alimentation de la vache laitière et voir la diminution de méthane qu’on va pouvoir mesurer concrètement », indique Mme Neveux. Elle a l’intention de tester des rations à 0 %, 2,5 %, 7,5 % et 10 % de l’ingrédient commercial, qui s’apparente à un mélange de graines de lin broyé, dans l’apport de matière sèche.
En parallèle, le projet vise à créer un algorithme qui pourrait être inclus dans les outils de bilan carbone des producteurs de lait. « Ça pourrait être une option dans le menu déroulant que le producteur peut sélectionner pour dire : ‘‘Cette année, j’ai fait quelque chose de nouveau et additionnel. J’ai inclus l’extrusion de graines de lin dans ma ration à un taux X et donc, le calcul de diminution de méthane va se faire automatiquement’’ », explique l’agronome.
À cet effet, Agropur travaillera avec Logiag, un fournisseur de services de bilan carbone de la Montérégie, pour développer l’algorithme. Cela, croit-elle, facilitera la vie des producteurs qui utiliseront la solution à la ferme. Le projet de recherche comporte également une analyse de coûts et de retours sur investissement pour le producteur.
Des tests à la ferme en 2026
À la troisième étape du défi, au printemps 2026, les 10 finalistes retenus se verront octroyer un montant allant jusqu’à 500 000 $. Si elle est sélectionnée, Agropur testera alors la solution chez des producteurs laitiers membres de la coopérative. Un bilan carbone sera effectué dans les fermes participantes avant l’inclusion de l’ingrédient et un autre après pour continuer de démontrer que l’ingrédient fonctionne. En travaillant avec des nutritionnistes et les producteurs, elle évaluera la viabilité, la faisabilité et la facilité de la solution à la ferme.
Agropur analysera également les effets du lin sur le lait produit. « On se demande s’il y a d’autres bénéfices qui pourraient, comme transformateur laitier, être intéressants pour nous, indique Sophie Neveux. Est-ce que le lait ou les produits laitiers vont avoir un comportement ou un profil intéressant pour les consommateurs? Ça fait aussi partie de notre investigation avec le défi. »
La grande finale en 2028
À la fin de 2028, les deux finalistes ayant les résultats les plus impressionnants se verront décerner un montant pouvant aller jusqu’à 1 M$ chacun. Si l’aventure d’Agropur et de ses partenaires devait se terminer avant, Sophie Neveux n’exclut pas d’aller chercher du financement ailleurs pour mener le projet à bien.
Autres initiatives québécoises en lice
Deux autres solutions québécoises ont attiré l’attention des juges du Défi de réduction du méthane agricole d’Agriculture et Agroalimentaire Canada en juillet. L’Université Laval, à Québec, travaille sur un concept de biofiltration, qui consiste à transformer le méthane contenu dans l’air en dioxyde de carbone et en vapeur d’eau grâce à un substrat organique contenant des bactéries.
Mon Système Fourrager, à Montréal, aide le producteur à adopter des stratégies de réduction de méthane entérique grâce à un outil d’aide à la prise de décision de systèmes fourragers.
Mentionnons également que l’Alliance Semex, de Guelph en Ontario, dont Lactanet est partenaire, mise sur la sélection génétique des bovins pour réduire les émissions de méthane entériques.
Semex propose de développer un protocole de sélection de traits génétiques associés à une faible production de méthane et une stratégie d’encouragement pour inciter les éleveurs à les intégrer dans leurs troupeaux. Semex cherche également à évaluer les résultats au fil du temps.