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Le ramassage du lait de ferme en ferme est une passion qui a traversé trois générations dans la famille Aubé, de Saint-Michel-de-Bellechasse, alors que le père, le fils et le petit-fils sont tous experts-essayeurs.
Ce métier conjugue celui de camionneur et de testeur de qualité, puisque ces experts, qui ont suivi une formation spécialisée à l’Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe, doivent également s’assurer que le lait qu’ils transfèrent dans leur citerne est salubre, et ce, en effectuant un test d’odeur et d’apparence. Ils doivent également mesurer les quantités transférées et prendre un échantillon qui sera analysé ultérieurement par une équipe de Prolait Transport, l’entreprise pour laquelle ils travaillent.
« C’est un métier où il faut aimer l’agriculture et les gens, car on travaille avec les agriculteurs, qu’on voit tous les deux jours pendant de nombreuses années. Mais ce sont de courtes visites. On reste 10-15 minutes par ferme environ, explique Stéphane Aubé, qui fait ses tournées depuis 1996 sur un territoire du secteur de Montmagny, dans Chaudière-Appalaches. Souvent, on va partir un sujet pis on va continuer d’en parler pendant deux semaines, parce qu’on ne reste pas longtemps à une ferme », raconte-t-il.
S’il fait ce métier, ce n’est pas par hasard. Son père, Jean-Roch, a commencé à travailler comme expert-essayeur en 1973 pour le Syndicat des producteurs de lait de l’époque. Stéphane se rappelle qu’il accompagnait souvent son père quand il n’avait pas d’école et que ces tournées en camion dans les fermes lui ont inculqué le goût de faire le même métier, une fois adulte.
De la même manière, il a transmis sa passion à son fils Jordan en l’emmenant lui aussi faire le ramassage, de temps à autre.
Coaché par son grand-père
Tout juste sorti de sa formation d’expert-essayeur, Jordan Aubé a commencé à travailler chez Prolait il y a trois ans, alors qu’il avait 17 ans, tout comme son père et son grand-père avant lui. N’ayant encore qu’un permis d’apprenti conducteur pour les poids lourds, le nouvel employé a toutefois dû être accompagné par un superviseur dans ses premières semaines. L’entreprise a demandé à son grand-père, Jean-Roch, d’assumer ce rôle, en le sortant quelques semaines de sa retraite.
« J’étais content de le voir aller. Il voulait tout savoir! C’est un métier qui n’est pas difficile à apprendre, mais il faut aimer ça », mentionne celui qui a pris plaisir à aller revisiter d’anciens clients en leur disant fièrement qu’il accompagnait son petit-fils.
Marie-Philippe Tremblay, responsable des ressources humaines chez Prolait, précise que ce genre de situation, où les membres d’une famille font le même métier sur trois générations, est très rare dans l’histoire de l’entreprise.
Moins de fermes, plus de lait
Selon Jean-Roch, la nouvelle génération d’experts-essayeurs a la vie un peu plus facile que lorsqu’il a commencé dans le métier. « J’avais un camion dix roues. On s’assoyait là-dedans et le banc était dur. Il n’y avait pas de suspension. C’était raide sur le dos. Quand j’ai fini, les dernières années, j’avais un Volvo. C’était comme un salon là-dedans! » s’exclame-t-il.
Il se souvient également que le lavage des citernes en fin de journée était une tâche laborieuse, jadis. « Surtout quand on avait le vertige », souligne-t-il, puisque les citernes n’étaient pas pourvues d’échelle, comme c’est le cas aujourd’hui.
Son fils Stéphane signale également que les journées sont un peu plus courtes qu’à l’époque, où il fallait faire une dizaine de visites de fermes par rang. « En 1996, je faisais 27 producteurs, pour 27 000 litres. Là, j’en fais 8-9 pour avoir 40 000 litres [de lait]. Il y en a moins, mais ils sont plus gros, comme les camions qu’on conduit, qui sont aussi plus gros », illustre-t-il.
« Une fois, c’était trop souvent »
Devoir dire à un producteur de lait que sa récolte n’est pas bonne et qu’elle devra être jetée est une facette moins agréable du métier d’expert-essayeur, mais qui reste néanmoins nécessaire, souligne Jean-Roch Aubé, qui a fait ce métier de 1973 à 2007. « Ç’a dû arriver environ une cinquantaine de fois dans ma carrière, estime-t-il, mais juste une fois, c’était trop souvent. Le producteur, il a travaillé pour faire ça, et quand ça arrivait, il perdait deux jours de lait, mais avec le temps, tu viens que tu sais identifier rapidement la cause du problème », ajoute-t-il.
Son petit-fils Jordan, qui fait ce métier depuis trois ans, a dû refuser le lait d’un producteur une seule fois jusqu’ici. « Avec la formation, on le sait quand ce n’est pas bon. C’est sûr que le cultivateur n’est pas content, mais il reste compréhensif. Il sait qu’on ne refuse pas pour rien », observe-t-il.