Grands gibiers 13 décembre 2024

Une première année de rebondissements pour des éleveurs de wapitis

SAINT-BERNARD-DE-MICHAUDVILLE – Il y a un an, Mélissa Nadeau-Montpetit et Félix Benoit ont racheté, avec les parents de cette dernière, un élevage comptant une trentaine de wapitis à Saint-Bernard-de-Michaudville, en Montérégie. Il s’agissait pour eux d’une première expérience agricole, qui s’est avérée pleine de défis et de rebondissements pour les quatre copropriétaires.

Reproduction décevante

Ils ont d’abord eu un printemps décevant côté reproduction du troupeau. Des dix faons nouvellement nés, seulement quatre ont survécu, raconte M. Benoit avec déception, puisque la rentabilité de l’élevage repose sur la capacité de faire grossir le cheptel. Après analyse, ils ont découvert que la saison 2023, pluvieuse, avait contribué à une moins bonne qualité du foin, ce qui a par la suite provoqué des carences en vitamines chez certains de leurs animaux. 

Depuis, ils ont travaillé avec une meunerie pour développer une nourriture cubée mieux adaptée aux besoins nutritionnels du troupeau à toutes les étapes de leur croissance. Le hic, c’est que cet investissement, incluant l’achat d’un silo, a rehaussé leur budget de moulée de 125 % par rapport à ce qui était prévu dans leur modèle d’affaires. « On estimait qu’il nous fallait environ 28 têtes pour avoir un élevage rentable. Là, c’est un peu plus », spécifie M. Benoit.

Mélissa Nadeau-Montpetit et Félix Benoit, copropriétaires de l’élevage La Vallée du Wapiti et compagnie. Photo : Patricia Blackburn / TCN
Mélissa Nadeau-Montpetit et Félix Benoit, copropriétaires de l’élevage La Vallée du Wapiti et compagnie. Photo : Patricia Blackburn / TCN

Terre en vente

Malgré ces dépenses imprévues, le quatuor commençait à retrouver foi en l’avenir de sa production, qu’il avait espoir de rentabiliser rapidement dans les différents marchés qu’il a développés, principalement du côté de la commercialisation de la viande.  Mais voilà que la terre qu’il loue a été mise en vente par son propriétaire. « En étant locataire, on savait que c’était un risque, car le propriétaire nous avait dit vouloir vendre dans un horizon d’environ cinq ans, mais on ne s’attendait pas à ce que ce soit si vite », réagit Mme Nadeau-Montpetit.

Depuis, les producteurs font face à beaucoup d’incertitude. Pourront-ils rester locataires après la vente? Sinon, pourront-ils trouver une terre à vendre ou à louer ailleurs et y déménager leur troupeau? « Ça ne se déménage pas aussi facilement que ça, souligne M. Benoit. Ce sont des animaux sauvages, et c’est compliqué. Si les femelles sont gestantes, on a une fenêtre de temps assez limitée pour le faire », donne-t-il en exemple. 

Il mentionne également les barrières des enclos qui coûteraient cher à construire ailleurs. « Ce sont des poteaux d’Hydro-Québec à 100 $ chacun. Le grillage, c’est une grandeur hors normes, je ne peux pas juste me pointer à la quincaillerie pour en acheter », raconte-t-il en observant les mètres et les mètres de barrières qui gardent les animaux. 

Devant ce nouveau défi, les producteurs ont quand même décidé de rester positifs. « Ça peut être le pivot vers quelque chose d’autre, comme une collaboration avec un autre éleveur de wapitis, ou encore acheter une terre ailleurs », anticipe Mme Nadeau-Montpetit.


Louer une terre agricole, un risque d’entreprise

Les baux agricoles sont soumis aux mêmes règles que les baux commerciaux encadrés par l’article 1886 du Code civil du Québec, indique Raphaële St-Amand-Valente, avocate chez UPA Avocats. « De manière générale, lors d’une vente, le nouvel acquéreur peut, s’il reste 12 mois ou plus à la durée du bail lors de l’achat de la propriété, y mettre fin 12 mois plus tard, en donnant un préavis d’au moins 6 mois au locataire », explique-t-elle. 

Il existe toutefois une manière de se protéger contre cette éventualité en publiant le bail au Registre public du Québec lors de la signature, spécifie l’avocate.

De cette manière, un nouvel acquéreur devra respecter la durée prévue initialement au bail, à moins qu’une clause spéciale prévoie autre chose.

Raphaële St-Amand-Valente, avocate chez UPA Avocats

Amélie Tremblay, agente de développement agricole pour le service de maillage L’Arterre, suggère toujours aux producteurs agricoles en démarrage qui optent pour la location d’une terre de faire cette publication au registre foncier. « Moi, je le conseille, mais ça dépend des investissements. Si quelqu’un fait seulement pousser de l’ail, ça peut se faire facilement ailleurs, alors que pour quelqu’un qui s’installe des serres, de la machinerie, un bâtiment, là, il y a des chances que ce soit beaucoup plus difficile de trouver un nouvel emplacement [en cas de résiliation du bail avant la fin de location prévue]. L’idée, c’est de réfléchir à la pérennité de l’entreprise, insiste-t-elle. Si, au final, tu es prêt à ne pas publier le bail en sachant que c’est possible que ça se termine rapidement, bien, c’est un risque d’entreprise. » Elle fait valoir qu’il ne coûte pas beaucoup plus cher de faire publier un bail au registre public, lorsqu’on fait déjà affaire avec un notaire pour le rédiger.

Attention aux clauses spéciales

C’est d’ailleurs ce qu’ont fait Mélissa Nadeau-Montpetit et Félix Benoit après la signature de leur bail qui les lie au propriétaire du terrain où est installé leur troupeau de wapitis. Or, ils avaient aussi inclus une clause spéciale qui leur permettait de résilier le bail avant la fin du terme prévu s’ils achetaient une autre terre entre-temps. « À ce moment-là, notre désir était d’acheter une terre, mais on ne trouvait pas ce qu’on cherchait dans la région, donc on a opté pour la location. On pensait donc qu’en ajoutant cette clause, on se protégeait si on trouvait une terre à acheter, mais ça allait dans les deux sens, c’est-à-dire que le propriétaire pouvait aussi se servir de la clause », dit-elle en attribuant la situation à leur inexpérience lors de la signature du contrat de location. 

Sans commenter ce cas précis, Me St-Amand-Valente spécifie que l’idéal, dans ce genre de situation, est de se faire accompagner par un notaire ou un avocat « pour bien comprendre ce que chaque clause ajoutée au contrat de location implique et s’assurer de pouvoir vivre avec toutes les options ».