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La moissonneuse-batteuse vient d’être rangée dans le fond du hangar, les tracteurs sont lavés, la souffleuse est attelée et le pigeon qui se pose au sommet des silos remplis à rebord de grains vient rappeler qu’il faudra vendre toute cette récolte. Mais quand et comment? Trois analystes partagent leur vision.
« Cette année, il faut avaler la pilule », dit d’emblée Simon Brière, stratège principal chez R.J. O’Brien. Les prix élevés sont derrière nous, argue-t-il, et rien n’indique qu’ils connaîtront une croissance significative dans les prochains mois.
Le hic, c’est que les prix du maïs ont diminué presque au niveau des coûts de production de plusieurs fermes. La marge d’erreur est donc mince pour vendre ses grains, et une mauvaise décision pourrait entraîner des entreprises dans un bilan déficitaire. Les producteurs qui auront eu une mise en marché diversifiée et structurée, qui inclut des volumes vendus d’avance, alors que les prix étaient plus élevés, peuvent mieux respirer.
Dans l’éventualité où aucune vente n’a été réalisée d’avance pour la présente récolte, et que tout le grain vient d’être entreposé, M. Brière recommande de sortir sa calculatrice avant de tout vouloir garder dans les silos pendant des mois dans l’espoir de prix meilleurs. « L’entreposage représente un coût réel d’une couple de dollars la tonne, mais il y a aussi le coût d’opportunité. Ce que j’entrepose, c’est de l’argent que je laisse dans le silo. Si la ferme est endettée, elle paie des intérêts, mais si je vends mon grain, j’ai mon fric tout de suite, j’évite des intérêts et je profite des escomptes sur les achats hâtifs, comme pour les semences », affirme l’analyste.
À ses yeux, le maïs finira par augmenter graduellement, car les acheteurs en consomment de grandes quantités, que ce soit pour les secteurs de l’élevage, de l’éthanol ou de l’exportation.
Simon Brière n’entrevoit pas une courbe vraiment haussière pour le soya à moins d’un réel problème météorologique au Brésil. Bref, il anticipe une stagnation des prix actuels du maïs, du soya et du blé.
Placer ses pions en fonction du risque
L’analyste en grains Jean-Philippe Boucher ne prévoit pas non plus de hausses de prix notables pour le maïs et le soya, à moins que survienne un élément météorologique ou géopolitique imprévu. « Ce n’est pas compliqué. Les prix élevés des grains des deux ou trois dernières années ont détruit la demande. Ça prend du temps de détruire la demande et ça prend du temps de la refaire. Ce qui va finir par stimuler la demande davantage, c’est justement que les prix sont bas. Mais il va peut-être falloir un an ou plus pour que cela fasse monter les prix pour la peine », dit le propriétaire des Services Grainwiz.
Il conseille pour l’instant une stratégie en échelons, basée sur le coût de production. Si ce dernier est de 240 $/t, et que le producteur a une offre pour un contrat à 250 $/t, par exemple, pour livraison au printemps, il peut disposer ainsi de 50 % de son volume afin de protéger ses arrières. Ensuite, il pourra vendre des volumes lors d’un soubresaut des prix.
Pour le soya, il préconise la même stratégie avec un premier prix cible à 500 $/t ou 510 $/t pour ensuite attendre de légères hausses possibles associées à des rallyes météo de l’Amérique du Sud, tout en gardant en tête qu’après le mois de mai, il y a rarement de grandes occasions dans le soya.
Pour le blé, la mauvaise récolte de la Russie le laisse croire que la dynamique pourrait changer favorablement. « Les prix mondiaux du blé sont toujours moins chers à cause du blé russe, mais les Russes ont eu une moins bonne récolte, et avec leur taxe à l’exportation, ça pourrait changer la game, cette année. »
Du côté des Producteurs de grains du Québec, l’analyste principal des marchés, Ramzy Yelda, entrevoit une stagnation des prix actuels du maïs, du soya et du blé.
Certains contrats pour livraison au printemps offrent 250 $/t pour le maïs. Faut-il signer ou attendre plus tard? « La question est difficile. Je crois qu’on a frappé un peu un plancher. Pour le moment, je ne vois rien de haussier pour les prix, surtout avec la récolte quasi record des Américains et aussi au Québec, où il n’y a rien de fameux pour les bases. Je dirais aux gens de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier et de vendre une partie maintenant à des contrats de 250 $/t, et d’attendre ensuite. Mais honnêtement, l’un ou l’autre, je ne vois pas de grandes différences cette année. »