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Après des années d’euphorie, la réalité des marchés rattrape le prix du maïs, cette fois avec une forte dépréciation de la valeur locale.
« Les bases sont les plus faibles que j’ai vues depuis 15 ou 20 ans. C’est le reflet direct d’une abondance dans le marché local. Il y a trop de maïs! » lance d’emblée Simon Brière, stratège principal à la firme de courtage R.J. O’Brien.
Des propos semblables sont tenus par Ramzy Yelda, analyste principal des marchés chez les Producteurs de grains du Québec. « Les bases ont dégringolé au Québec. C’est à cause de la situation dans le porc, des intentions d’ensemencement de maïs qui sont en hausse de 3 % au Québec et de la récolte de maïs brésilienne. Pour donner un comparatif, les bases étaient à 82 $/t la semaine du 13 mars, ensuite à 45 $/t pour la semaine du 17 avril et à 36 $/t pour la semaine du 15 mai. En gros, elles ont chuté de près de 50 % », explique-t-il.
Pour les moins initiés, rappelons que le prix du maïs est fixé à la bourse de Chicago et ajusté selon une valeur locale, qu’on appelle « les bases » dans le jargon. Et, règle générale, les producteurs de maïs du Québec ont eu l’habitude d’avoir des prix légèrement plus élevés que ceux d’autres régions de l’Amérique du Nord, en raison des bases positives au Québec, provenant d’une demande locale forte pour le maïs, notamment par les élevages de porcs et de volailles.
Ce plongeon de la valeur des bases locales s’avère donc un revirement de situation inhabituel et important.
Moins compétitifs sur le marché des exportations
Au Québec, les éleveurs de porcs sont de bons clients pour les producteurs de maïs québécois. La crise du porc et la baisse du cheptel québécois entraîneront une diminution de la demande de maïs que les analystes estiment à de 200 000 à 400 000 tonnes. Les producteurs de maïs doivent donc trouver d’autres clients pour écouler ces volumes, et les regards se tournent vers l’exportation. Or, les producteurs d’autres pays sont plus compétitifs et offrent un maïs moins cher. « Si tu regardes l’Ukraine, à la surprise de tout le monde, ils sortent beaucoup plus de maïs et de blé qu’on croyait, et à des prix qui défient toute concurrence. Aussi, en ce moment, la deuxième récolte de maïs du Brésil se dirige vers une production record. Les Brésiliens sont numéro un mondial pour la production de soya et devraient maintenant égaler ou devenir les numéros un mondiaux dans le maïs, devant les Américains. Et ils font un maïs plus cheap. Alors, les acheteurs font quoi? Ils attendent cette récolte monstre qui s’en vient du Brésil et regardent le marché baisser », résume M. Yelda. Ce dernier a l’impression que la baisse du prix du maïs au Québec pourrait se poursuivre pendant un moment. « On va frapper un creux, mais je n’ai pas l’impression qu’on y est encore », fait-il remarquer.
Attention aux dépenses
Après trois ans de prix mirobolants dans le maïs, ce cycle baissier était prévisible, dit Simon Brière, de la firme de courtage R.J. O’Brien, qui estime que l’endettement fera mal. « Je le disais à mes clients : « Faites attention de ne pas vous habituer à vendre du maïs à 400 $/t et penser que c’est la norme. » Ceux qui achètent du maïs à 400 $/t, comme les élevages, et même l’éthanol, ce n’était pas soutenable pour eux à ces prix-là. Alors, mis à part les aléas météo, les prix risquent d’être plus faibles cette année à la récolte », affirme l’analyste. Le danger, précise-t-il, concerne les producteurs de grains qui ont dépensé en machinerie, en équipement ou même en achat de terre, sans considérer que la situation prendrait une tangente négative. « Il faut toujours passer ses dépenses au peigne fin. Est-ce que c’est du gravy ou de l’investissement? Car le niveau d’endettement, ça va être plus difficile cette année, avec des prix plus bas et surtout avec les taux d’intérêt plus élevés. Je ne dis pas qu’il y aura une crise [dans la production de grains], car plusieurs ont fait du cash pendant trois années exceptionnelles, mais cette année, la rentabilité risque d’être beaucoup plus faible au Québec », anticipe M. Brière.
Il rappelle que la météo fera foi de tout. Une sécheresse pourrait rehausser le prix du maïs, mais l’inverse est aussi vrai. Une météo favorable qui apporterait une abondante récolte brésilienne et américaine de maïs pourrait faire décroître davantage les prix.