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Le dictionnaire Antidote définit l’intelligence artificielle comme l’« ensemble des théories et des techniques visant à réaliser des systèmes ou des machines pouvant simuler les facultés cognitives de l’être humain et exécuter des fonctions qui en dépendent. » Ce concept s’applique non seulement à la robotique, à la médecine ou à la finance, mais également, de plus en plus, à l’agriculture et de façon plus spécifique aux moissonneuses-batteuses.
Savoir prendre des décisions
Bruno Bouchard, du groupe JLD-Laguë, concessionnaire de la marque John Deere, associe l’intelligence artificielle à la capacité de la machine de prendre des décisions et de faire des ajustements en fonction de paramètres définis par l’opérateur.
Sur le marché depuis déjà cinq ans, la technologie Combine Advisor ajuste automatiquement les paramètres de récolte de la moissonneuse-batteuse pour assurer des grains de qualité supérieure dans la trémie, réduire le risque de pertes et augmenter la capacité de l’équipement. Par exemple, au moment de la récolte, elle reconnaît le grain, le différencie des impuretés et des grains cassés, et ce, en vue de faire les corrections nécessaires sur les six différents ajustements de la machine, tant au chapitre de la vitesse d’avancement que de l’intensité du battage et du nettoyage. « L’intelligence artificielle permet à la machine de prendre les décisions quand les conditions changent pour conserver le maximum d’efficacité en tout temps », résume M. Bouchard.
Les moissonneuses-batteuses des séries S et X de John Deere effectuent la plupart de ces opérations automatiquement en arrière-plan sans que l’opérateur ait à s’en soucier, ce qui lui permet de se concentrer sur la récolte, souligne M. Bouchard. « L’objectif est d’aller chercher le maximum de rendement de récolte par jour tout en conservant la meilleure qualité possible des échantillons et de réduire les pertes au minimum ainsi que les coûts d’opération », dit-il. La machine vient donc en quelque sorte en soutien à l’opérateur pour lui permettre de prendre des décisions éclairées. Les recherches menées dans les prochaines années viseront à accroître l’autonomie de la machine sans évincer les décisions du producteur, qui demeure celui qui connaît le mieux son champ. John Deere planifie pour 2030 d’offrir une solution complète de production entièrement autonome allant de la préparation de sol au printemps à la récolte.
Tirer profit des données
Chez Fendt, Simon Bourque, directeur de compte pour AGCO, se pose la question suivante : qu’est-ce qu’on peut faire avec les données qui arrivent? « Nous sommes à élaborer un système intelligent sur les moissonneuses-batteuses basé sur les différents paramètres d’opération », dit-il.
Selon M. Bourque, la première étape que tout le monde dans l’industrie maîtrise en matière d’intelligence artificielle a été de donner une vitesse de croisière à une machine et d’ajuster automatiquement la hauteur et l’inclinaison des tabliers de coupe à l’avant grâce à des capteurs. Le deuxième niveau consiste à lui dire comment, selon certaines données, elle peut ajuster sa vitesse en fonction de capteurs de pertes.
La nouvelle génération de moissonneuses-batteuses peut désormais ajuster sa vitesse de façon à contrôler le flux d’alimentation qui entre dans le but de garder un tempo d’alimentation constant et de réduire, voire d’éliminer, les pertes à la sortie. Bref, la machine a la capacité de prendre les décisions appropriées en fonction de ses paramètres et de ce qu’elle est en mesure de traiter.
Le système d’automatisation des organes de battage IDEALHarvest « permet d’assister l’opérateur en lui montrant en temps réel la quantité de matière qui circule à travers la cage des rotors ou à travers les grilles de nettoyage [passes] », souligne M. Bourque. Ultimement, dit-il, l’opérateur peut lui donner le plein contrôle et déterminer ses points de focus (réduire les pertes, réduire la quantité de grains brisés, augmenter la propreté) et lui mentionner s’il cherche à récolter un maximum de tonnes par heure ou à obtenir la meilleure qualité de récolte possible.
Les avancées technologiques, souligne Simon Bourque, permettront d’automatiser les virages au bout du champ, là encore à partir de certains paramètres. Déjà, la machine peut effectuer une manœuvre de retournement et revenir dans la section qui n’a pas été coupée. Une caméra analyse la qualité des grains et donne les instructions au rotor.
« On se rapproche du moment où on pourra laisser la machine opérer seule en champ », dit-il, en permettant que l’humain garde toujours la main sur le bouton de contrôle.
Fendt travaille aussi à améliorer le partage des données de récolte entre les différentes machines présentes dans un champ, ce qui permettra d’utiliser du matériel plus léger.
Quand les conditions changent
Chez Case IH, le spécialiste de produit Patrick Landry insiste sur l’importance d’adapter l’ajustement de la moissonneuse-batteuse aux conditions ambiantes grâce à l’intelligence artificielle. Selon les conditions de récolte, le système d’automatisation Harvest command réajustera automatiquement les fonctions d’opération de la moissonneuse-batteuse en fonction des paramètres préétablis. La machine donnera toujours le meilleur d’elle-même. Le but est de minimiser les pertes à l’arrière de la machine et d’obtenir le meilleur échantillon de grain possible, nettoyé au maximum des corps étrangers qu’il pourrait contenir.
« Si on a un endroit dans le champ où le rendement est à 200 boisseaux à l’acre dans le maïs, à 24 % d’humidité, et qu’on tombe dans une autre partie à 230 boisseaux à l’acre, avec un degré différent d’humidité, ce n’est pas le même matériel qui va passer dans la machine. Elle va donc se réajuster pour qu’il n’y ait pas de perte au niveau des rotors et des passes », explique M. Landry.
Patrick Landry insiste sur l’importance pour Case IH de ne pas remplacer l’opérateur qui continuera à fournir les paramètres à la machine en fonction des résultats qu’il veut obtenir. « Au prix où elles sont rendues, il faut exploiter les machines au maximum de leur capacité », croit-il. Recruter de la main-d’œuvre est difficile en agriculture, surtout si on a besoin de personnes qui ont des connaissances exceptionnelles pour faire fonctionner la machinerie. « Un opérateur moyen capable d’évaluer ses pertes et de voir d’où elles proviennent sera en mesure de faire une très belle job grâce à cette technologie », dit-il.
M. Landry croit que la prochaine étape en matière d’intelligence artificielle pour sa compagnie sera de pouvoir soutenir davantage de cultures, telles que les pois et les lentilles que l’on cultive surtout dans l’Ouest canadien. À plus long terme, dit-il, on ira vers des machines qui seront entièrement autonomes.
Moins de pertes ou une meilleure qualité
Chez New Holland, les moissonneuses-batteuses se déclinent en deux types : CX ou CR, selon que l’on souhaite utiliser un modèle conventionnel ou à rotor. « On peut leur ajouter certaines options telles que l’IntelliSense, offerte seulement sur les modèles CR, qui proposent différentes options en matière d’intelligence artificielle », souligne Anthony Raymond, représentant et spécialiste de produits chez Avantis. Toutes les 20 secondes, ce système choisit la meilleure action à exécuter parmi des millions de possibilités. Le producteur s’assure alors d’une productivité accrue avec moins de pertes de grains et des grains de meilleure qualité.
« Le producteur pourrait choisir d’avoir moins de pertes au champ ou il peut dire : je veux vraiment avoir une meilleure qualité de grain, alors je choisis l’option en fonction de celle-ci », explique M. Raymond. Pour ce faire, il n’aura qu’à cliquer sur l’option qui lui convient sur l’écran tactile de l’IntelliSense. La moissonneuse-batteuse va automatiquement s’ajuster aux réglages qu’il aura préalablement déterminés.
« Ce sont toutes des options qui sont rentrées de base dans notre IntelliSense. On a juste à cliquer sur celles qu’on veut, soit rendement fixe pour uniformiser le débit, capacité maximale pour en finir rapidement, meilleure qualité de grain pour avoir une bonne qualité et pertes limitées pour perdre le moins de grain possible », ajoute le représentant. La machine tiendra compte aussi des variations de la météo en vue de fournir une capacité maximale.
IntelliSense a été configuré pour les cultures suivantes : blé, colza, maïs et soya. « Il engage en même temps l’IntelliCruise qui peut se traduire par un cruise qui va maintenir une vitesse toujours constante et varier selon la charge moteur et des autres senseurs qui liront différentes données, et ce, pour être en mesure de maintenir un des quatre critères que nous lui avons définis plus tôt », dit-il.
New Holland utilise d’autres formes d’intelligence artificielle telles que le guidage par GPS et la saisie de données provenant des capteurs de rendement, de capteurs de pertes et sur la consommation de diesel. Ces données seront exportées sur une plateforme numérique (MyPLM Connect) et permettront au producteur de connaître les endroits dans son champ qui ont besoin de plus d’engrais ou de chaux, par exemple. Grâce à ces données provenant de la moissonneuse-batteuse, il sera en mesure, avec son agronome, de prendre de meilleures décisions quant à l’épandage de ces produits, et ce, dans le but d’assurer un meilleur rendement, selon M. Raymond. « Le producteur dispose alors de données réelles, qui lui appartiennent et non à la compagnie, pour chaque champ », dit-il.
Bref, quelle que soit la compagnie, les équipements technologiques sont là pour permettre aux machines d’être de plus en plus autonomes, tout en faisant en sorte que les décisions qu’elles prennent reposent toujours sur les paramètres souhaités par l’opérateur. En intelligence artificielle, le but est de rendre la tâche plus facile pour les opérateurs et non de les remplacer.