Qu’elle se présente sous forme de cultures intercalaires ou d’engrais verts, la culture de couverture est aujourd’hui un usage bien implanté dans les habitudes de nombreux producteurs québécois.

Depuis près de 20 ans, Nadia Surdek travaille auprès de producteurs maraîchers qui souhaitent introduire les cultures intercalaires dans leurs pratiques culturales. « Dans les grandes cultures, ça fait longtemps qu’ils travaillent là-dessus, mais dans la production de légumes, on en a encore à apprendre. Mais tranquillement, on fait du transfert de connaissances et on l’adapte », explique l’agronome et conseillère maraîchère au Groupe PleineTerre.

Les producteurs de tomates et de maïs sucré sont notamment bien avancés à ce niveau, tandis que d’autres sont en mode essais et erreurs comme dans le cas des cultures de légumes crucifères, de courges, de fraises, de pommes de terre, de poivrons, etc. « Ce ne sont pas toutes les productions qui sont adaptées aux cultures intercalaires, prévient Nadia Surdek. Il faut y réfléchir avant d’introduire ça parce que ça peut nuire si c’est mal fait. L’intercalaire n’est pas la bonne réponse pour tout le monde. Parfois, c’est peut-être mieux d’aller mettre un engrais vert à la dérobée après ta culture. Il faut tenir compte de la réalité de chaque ferme, de sa main-d’œuvre, de ses équipements. »

Chez les producteurs de tomates qui ont intégré les cultures intercalaires dans leur régie, les avantages sont nombreux, à commencer par la réduction, et parfois même l’élimination, des herbicides dont étaient auparavant aspergés les entre-rangs. « Veux, veux pas, les plants absorbaient quand même ces produits-là et ça avait des impacts sur le rendement. Maintenant, ce qu’on voit, ce sont des plants impeccables jusqu’à la fin de la saison. »

Dans une optique de travail du sol minimal comme c’est la tendance de plus en plus chez les producteurs, les cultures intercalaires font figure de premières de classe. Au-delà de la valeur économique, avec une augmentation potentielle des rendements, il y a aussi tout l’aspect de l’amélioration de la qualité des sols (structure, vie microbienne, portance, etc.) qui entre en ligne de compte. De plus, il a été démontré que les allées enherbées tendent à diminuer l’érosion hydrique par leur grande capacité à infiltrer l’eau dans le sol. Il y a donc aussi un gain en diminuant le risque de lessivage des herbicides et des engrais vers les cours d’eau. 

Le couvert végétal offre également des bénéfices pour les cueilleurs qui n’ont plus à travailler dans des entre-rangs boueux les jours de pluie. La propreté des légumes y gagne également, ce qui amène Nadia Surdek à parler de l’entretien des intercalaires. 

Les producteurs maraîchers qui adoptent la culture intercalaire rivalisent d’ingéniosité afin de développer des outils pour entretenir leurs entre-rangs végétalisés en modifiant certains de leurs équipements. « Ça va d’un minitracteur de la largeur de l’entre-rang, avec deux faucheuses : une en dessous et l’autre en arrière. Un autre producteur travaille avec une faucheuse autoportée, un peu comme les tondeuses industrielles, qu’il a équipées avec des brosses qui viennent balayer vers l’intérieur juste à l’endroit où commence le début du paillis de plastique. »

Quelques graminées et légumineuses ont fait leurs preuves du côté des cultures intercalaires et font aujourd’hui partie de la panoplie de semences incontournables. « Le ray-grass, en règle générale, marche quand même assez bien, tout comme le trèfle blanc, le trèfle incarnat et le pois fourrager. Le seigle d’automne que tu sèmes au printemps est aussi intéressant. Il va chercher à épier et il fera juste un petit tapis. Il y a des essais qui se font aussi avec du sarrasin », mentionne l’agronome. 

Le choix de l’intercalaire dépendra de différents facteurs comme la durée d’occupation du sol par la culture principale, la pression des mauvaises herbes, la gestion de la tonte de l’intercalaire (nombre de tontes, fenêtre de temps avec possibilité de tonte selon les cultures, coût de la main-d’œuvre…) et très important, du coût à l’hectare de la semence. 

« Le message à retenir en production maraîchère, c’est que les cultures intercalaires ont des avantages théoriques, mais avant de me lancer, je dois analyser la culture que je fais : est-ce que j’ai la main-d’œuvre pour l’entretenir? Comment vais-je la semer? ­Comment vais-je gérer mes rejets de tonte? » conclut Nadia Surdek.

La technique SCV gagne en popularité

Du côté des cultures de couverture, le semis sous couvert végétal permanent (SCV) gagne de plus en plus d’adeptes chez les producteurs. Louis Pérusse, l’agronome qui a introduit cette pratique au Québec il y a une quinzaine d’années, résume la technique comme une approche écologique intensive de la production qui favorise un apport continu de carbone dans le sol. 

« La culture SCV repose sur trois principes : l’absence de travail de sol par le semis direct ou le semis à la volée; une couverture végétale en permanence; et une rotation diversifiée et l’intégration des plantes de service. C’est la différence avec du semis direct sur les résidus de récolte. Avec le SCV, on a toujours des plantes vivantes en permanence. On ne laisse jamais le sol à nu », explique-t-il. 

Conseillant principalement des producteurs fourragers et de grandes cultures, Louis Pérusse travaille avec un panier d’environ 70 plantes de service différentes. « On a principalement les graminées, les légumineuses et les crucifères. Je fais des mélanges d’au minimum trois familles, mais ça peut aller à sept ou huit », poursuit-il. 

Cette biodiversité va contribuer à assurer un meilleur contrôle des maladies, des ravageurs, et à apporter de l’azote dans le sol, entre autres. « Ces plantes de couverture sont là pour favoriser l’apport de carbone en continu », soutient Louis Pérusse, qui compare la technique du SCV à la forêt et à son couvert de feuilles. « L’idée, c’est de créer de la biomasse et de la fertilité par des éléments nutritifs qui vont être libérés par l’activité biologique », conclut l’agronome.