Grandes cultures 11 septembre 2023

Entreposer le soya ou le maïs?

Les avis divergent quant à la priorité à accorder à l’entreposage du maïs ou du soya, cette saison.

Soya

Jean-Philippe Boucher, consultant en commercialisation des grains pour Grainwiz, recommande aux producteurs d’entreposer du soya. La très bonne récolte de maïs attendue chez les Américains, la demande moins forte sur les marchés locaux et d’exportation couplée à une plus grande proportion de blé destinée à l’alimentation animale rendent le maïs moins sujet à des hausses de prix post-récolte, anticipe-t-il.

Cette culture présente un meilleur potentiel d’augmentation de prix, indique-t-il en entrevue avec La Terre. « Le soya se comporte relativement bien. La demande de biodiesel [à base de soya] va bien. Plusieurs usines de trituration sont apparues. Le marché du soya, oui, il a baissé, mais moins que le maïs. Ce qui pourrait faire mal, c’est la compétition sud-américaine qui nuira aux exportations américaines. Mais il pourrait y avoir des surprises intéressantes si des stress météo affectent les cultures de soya au Brésil. [Les semis commencent traditionnellement vers la mi-septembre] », analyse-t-il.

Selon cette stratégie, l’agriculteur qui entrepose le soya devra se tenir au fait des marchés et non se dire qu’il entrepose le soya pour le vendre aux mois d’avril ou mai prochain. La hausse de prix associée au facteur météo peut survenir n’importe quand et les prix peuvent redescendre ensuite.

J’aimerais mieux entreposer du soya et avoir la chance d’aller chercher 50 à 100 $/t de plus qu’entreposer du maïs qui a un potentiel de hausse de prix plus faible, de 30 $ à 40 $/t.

Jean-Philippe Boucher

Maïs

Le stratège principal chez R.J. O’Brien à Montréal, Simon Brière, voit les choses à l’inverse. « Présentement, les inventaires américains et mondiaux de soya sont plus serrés, ce qui explique que le prix de la fève est meilleur. Tandis que dans le maïs, les inventaires sont corrects, ce qui se reflète avec un prix plus bas. Les marchés ont déjà intégré ça [le niveau plus élevé des inventaires]. Tout comme au Québec, les acheteurs ont déjà intégré la situation négative dans le porc. Ce que je pense, c’est que le maïs est essentiellement dans son bas, tandis que celui qui a plus de chance de baisser, c’est le soya. C’est pour ça que j’entreposerais du maïs plutôt que du soya. »

Il précise que le soya est une culture d’exportation et que « le remplissage des bateaux se passe à l’automne. » Si le prix du soya est intéressant, les producteurs vont en profiter pour vendre et aller chercher des liquidités pour payer les factures ou… les taux d’intérêt.  

Ramzy Yelda, analyste principal des marchés chez les Producteurs de grains du Québec est également d’avis que le soya, au prix acceptable de près 670 $/t sera davantage vendu à la récolte, et que le maïs sera plutôt entreposé. « Soya ou maïs, ce n’est pas mauvais d’en entreposer, car si tu regardes les contrats long terme, les marchés tendent à vouloir rémunérer l’entreposage. Mais si le producteur doit faire un choix, les prix du soya me semblent plus attrayants. Et étant donnée la grande fenêtre d’exportation du soya en octobre et en novembre, si les prix du soya demeurent bons, je crois qu’il faut vendre. Surtout que dans le cas du maïs, les prix sont présentement peu intéressants à la récolte. »

Blé, orge ou avoine

M. Yelda souligne que dans le cas où un producteur a récolté une bonne qualité de blé ou d’orge de consommation humaine, et surtout de l’avoine, le meilleur pari serait d’en remplir un silo devant le soya ou le maïs, précise-t-il.

Dans l’avoine, on passe d’un marché qui est à terre à un marché qui risque d’en manquer. Il y aura un gros resserrement dans l’avoine.

Ramzy Yelda

Le conseil qu’il ramène en priorité en cette année marquée par les maladies fongiques dans plusieurs cultures est le suivant : « Vérifiez la qualité du grain récolté afin de ne pas entreposer des grains de mauvaise qualité qui contamineront tout le silo. »