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En 2024, les considérations relatives aux rotations, les conditions d’humidité, les prix attendus et le coût des intrants seront les principaux facteurs qui influenceront les décisions d’ensemencement au printemps. S’il n’existe pas de formule universelle, la pérennité des ressources et la sécurité financière des entreprises restent les grands dénominateurs communs.
Une gestion équilibrée
Les finances de l’entreprise occupent une place prépondérante dans l’élaboration du plan de culture. Mais pour l’agronome Vincent Boucher, expert en gestion agricole chez Groupe ProConseil, plusieurs autres facteurs entrent en ligne de compte. « Comme conseiller en gestion, j’analyse les performances économiques et techniques de la ferme et je formule des prévisions budgétaires basées sur des rendements moyens », explique M. Boucher, qui pondère d’ailleurs l’impact des résultats désastreux des céréales en 2023 pour son secteur.
« En Montérégie, notre groupe moyen compte environ 10 % de superficies cultivées en blé. Au niveau de la rentabilité financière, le blé ne se compare pas au maïs-soya », admet-il. « Mais dans une rotation, il permet de briser le cycle des maladies et d’améliorer la santé des sols. Il y a des éléments autres que financiers à considérer, comme l’impact positif sur les cultures qui suivent », soupèse le conseiller. Il observe que les taux d’intérêt élevés pourraient toutefois influencer le choix des rotations et les impératifs de rendement.
Des plans de culture adaptés seront donc évalués dans le contexte du marché. « On étudie les variations de revenus et de coûts. On fait des prévisions basées sur la situation réelle de la ferme et ses tendances », indique le conseiller. « Avec les informations dont on dispose aujourd’hui, quels pourraient être les prix pour la récolte de 2024? On va aussi regarder la variation des intrants comparativement à 2023. On s’attend à une baisse du prix des fertilisants, ce qui va profiter à la culture du maïs », souligne-t-il, soulevant cependant que la tendance baissière du prix des grains pourrait annuler cet avantage. L’agronome s’est d’ailleurs livré à une prévision budgétaire entre le maïs et le soya, pour déterminer laquelle des deux cultures pourrait dégager une marge sur charges variables plus intéressante en 2024. « La marge sur frais variables est un des éléments à comparer lorsqu’on évalue les cultures entre elles », précise M. Boucher, qui a utilisé différentes hypothèses pour l’exercice. « Avec les informations connues, basées sur des rendements moyens et en considérant ces données sur l’historique des cinq dernières années, les prix actuels et l’évolution projetée du coût des intrants, on arriverait à une marge sur frais variables maïs-soya similaire », avance-t-il.
La rotation, une valeur-phare
L’année 2024 annonce-t-elle un accroissement des implantations de prairies pour la Montérégie et l’Estrie? Selon Philippe Jetten-Vigeant, conseiller en agroenvironnement chez Dura-Club, c’est la tendance qui semble poindre dans le secteur qu’il dessert. L’agronome couvre les secteurs de Brome-Missisquoi et du Haut-Richelieu, où deux zones se distinguent : une où les rendements de maïs peuvent être plus marginaux, et une zone de plaine offrant des terres à fort potentiel.
« Beaucoup de superficies ont été converties en maïs-soya ces dernières années », observe l’agronome, notant des rendements en foin mitigés dans la région. « On ne peut jamais s’avancer sur les rendements ou la qualité de ce qui sera récolté, mais avec la diminution des superficies cultivées pour le foin commercial, on anticipe une pénurie de foin de qualité », soulève-t-il. La capacité des champs malmenés par la météo de l’an dernier est une autre question en suspens.
Malgré les différences entre les régions, l’angle agroenvironnemental et la rotation des cultures restent selon lui l’approche la plus sûre. « Tant dans une optique de bonnes pratiques environnementales que de répartition des risques, j’encourage mes clients à allonger leurs rotations », explique-t-il. « Selon la situation de la ferme, l’idée est de maximiser la place de la deuxième culture. Par exemple, pour les fermes axées sur la culture du maïs, on essaie d’améliorer l’alternance maïs-soya pour stabiliser les rendements et réduire les coûts. Pour les fermes qui préconisent déjà l’alternance 50/50, on va recommander l’intégration d’une troisième culture. Dépendant des terres, le blé de printemps, l’avoine ou le blé d’automne ont leur place comme troisième culture », indique l’agronome. Si cette troisième culture est souvent synonyme de pertes à court terme, il ne faut pas sous-estimer la valeur à moyen et long terme qui peut être créée après la récolte, dit-il. « C’est la fenêtre idéale pour niveler ou corriger de la compaction en sous-solant dans des conditions optimales. C’est également une fenêtre de choix pour implanter un couvert végétal qui peut restituer facilement 100 unités d’azote à la culture suivante. Avec le prix des engrais, la culture en tête de rotation gagne en rentabilité grâce à une meilleure rotation. C’est pourquoi on recommande toujours d’évaluer la rentabilité sur un cycle de rotation, et non par culture », raisonne l’agronome.
Des bilans à finaliser
Précisons qu’au moment de rédiger ces lignes, les analyses de la saison 2023 commençaient à peine dans la plupart des régions et plusieurs données restaient à compiler chez les experts. C’était notamment le cas de l’agronome Denis Larouche, du Groupe multiconseil agricole Saguenay–Lac-St-Jean, lorsque la TCN l’a rejoint par courriel. « L’année de récolte a été difficile pour les céréales à paille, mais le maïs-grain a bien profité de l’automne », a-t-il indiqué de façon préliminaire, ajoutant que le soya et le canola semblent encore des cultures prospères en région. Il est cependant trop tôt pour formaliser des intérêts d’ensemencement, dit-il. À travers les différentes régions, le consensus tend vers l’adoption de scénarios éprouvés par rapport à la condition des sols, la performance des parcelles et la situation financière de chaque ferme.