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Le Brésil et l’Argentine parient sur les agrocarburants pour le transport routier actuel et à venir, bien plus que sur l’auto électrique. Ils mettent à profit leur gigantesque offre de biomasse en lorgnant sur le marché naissant des carburants aériens durables. Le secteur privé, de son côté, tente de s’unir au niveau régional pour préserver un cadre réglementaire porteur.
Le premier sommet panaméricain des biocarburants liquides a eu lieu le 29 juin dernier, à Buenos Aires, à l’initiative de l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture (IICA), la branche Agro sise au Costa Rica de l’Organisation des États américains (OEA) menée par Washington.
C’était un signal fort, de la part du secteur privé, qui vise un cadre réglementaire unifié au niveau régional, ce qui n’est pas du tout le cas actuellement.
Au Brésil, la filière d’éthanol de canne à sucre a déjà 40 ans d’expérience et elle se diversifie à marche forcée, depuis 6 ans, dans l’éthanol de maïs. Avec un taux de mélange obligatoire de bioéthanol à l’essence de 27 %, la filière a pourvu l’an dernier 28 milliards de litres (Gdl) d’éthanol de canne et 3,4 Gdl d’éthanol de maïs.
Un cadre différent
En Argentine, le cadre réglementaire est fort différent. La loi argentine des agrocarburants réserve le marché intérieur (l’approvisionnement des volumes requis pour le taux de mélange obligatoire à l’essence et au gazole [diesel]) aux petites et moyennes entreprises (PME) locales productrices d’éthanol et de biodiesel. « Le taux de coupe obligatoire de biodiesel au gazole est de 7,5 %, mais en réalité, il est largement sous-appliqué », se plaint Axel Boerr, directeur d’Explora, une société qui produit du biodiesel de soya à Rosario. « Nous sommes pris en tenaille par les pétroliers-raffineurs qui sont récalcitrants à nous acheter notre biodiesel, préférant faire du business en important du gazole, et par nos fournisseurs en huiles, qui ne font pas de cadeaux et qui sont eux-mêmes des producteurs d’agrocarburants », dit-il. La loi exclut toutefois ces derniers du marché interne dès lors qu’ils exportent des agrocarburants ou même de l’huile. C’est le cas des groupes Cargill, Bunge, Louis Dreyfus et COFCO. Autre particularité de taille de cette loi : c’est l’État qui fixe le prix du biodiesel acheté par les raffineurs, mais ce prix doit également « garantir la rentabilité des PME à qui le marché est réservé », dixit ladite loi.
Certains producteurs d’oléagineux argentins, comme Santiago del Solar, qui préside la commission Grains de la Société rurale argentine, trouvent cette loi des agrocarburants injuste, car elle privilégie les industriels aux dépens des agriculteurs dont les prix de vente sont déjà cassés sous le double coup de la taxe à l’export de 33 % et du taux de change officiel très défavorable.
D’autres agriculteurs argentins, comme le président de la Fédération agraire argentine, Carlos Achetoni, croient au contraire au bien-fondé de cette loi qui vise la diversité industrielle. « Sinon, un cartel en profiterait à nos dépens », soutient-il.
Au Brésil, le taux de mélange du biodiesel de soya au gazole est de 12 % et cela représente un pourcentage minime de l’huile de soya d’un pays qui a trituré l’an dernier autour de 60 millions de tonnes (Mt) de soya, à partir d’une récolte brésilienne de soya de 152,4 Mt en 2022/2023.
Dans le centre-ouest du Brésil, la production d’éthanol de maïs connaît un boom avec une trentaine d’usines récemment mises en service. Cette production s’est élevée à 4,5 milliards de litres l’an dernier et « elle devrait atteindre 6 milliards de litres en 2023 », selon Antônio Salibe, le président de l’Union nationale de la bioénergie (UDOP), le lobby R et D des sucriers du Brésil.
Peu d’avenir pour l’auto électrique
Le boom de l’éthanol de maïs au Brésil est une aubaine pour les céréaliers du centre du pays, dont les fermes sont situées loin des ports maritimes, car il s’agit d’une solution de rechange au débouché de l’exportation de grains dont la rentabilité est mise en défaut par un coût du fret routier interne élevé. Les céréaliers étant aussi, souvent, des éleveurs de bovins, ils livrent leur maïs aux usines d’éthanol qui les payent en partie en argent et en partie en drêches de maïs destinées au bétail.
« En matière de mobilité routière, les Brésiliens, comme nous, les Argentins, parient sur les biocarburants bien plus que sur la voiture électrique, laquelle a peu d’avenir dans la région à cause des limitations du réseau de distribution et du pouvoir d’achat des habitants du Mercosur », estime Patrick Adam, le directeur de l’association argentine des producteurs d’éthanol de maïs.