Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
À Saint-Fabien-de-Panet, près de Montmagny, une entreprise acéricole formée majoritairement de femmes a pris le virage du bio au début des années 2000. Une décision que personne ne regrette, 14 ans plus tard.
« La plus jeune de mes filles a fait son cours en acériculture et la plus vieille était également très impliquée dans les activités de l’érablière. On faisait déjà presque tout comme en biologique. Alors, Isabelle [la plus vieille] a dit : “Pourquoi on ne se certifie pas? On recevrait la prime!” », rapporte Camille Cyr, le père et copropriétaire de la Sucrerie Chouinard & Filles. De fait, les quatre sœurs étaient sensibilisées à une alimentation santé; certaines achetaient des paniers de fruits et légumes bio durant leurs études universitaires. Les parents endossaient ces valeurs; c’est ainsi que l’entreprise est passée sous régie biologique.
Les exigences
Les propriétaires de l’exploitation de 10 000 entailles ont dû apporter certaines modifications à leurs activités afin de satisfaire aux normes biologiques. Ils ont dû investir près de 6 000 $. Les relâcheurs ont été changés pour des modèles de grade alimentaire. L’acier inoxydable a remplacé le cuivre sur les adaptateurs de même que sur les flottes. Il a fallu cesser d’entailler quelques arbres trop petits. Pour installer un chalumeau, la norme exige un minimum de 20 cm (8 po) de diamètre et pour 2 chalumeaux, l’érable doit mesurer au moins 40 cm (16 po). L’érable doit mesurer au moins 60 cm de diamètre pour être en mesure d’installer trois chalumeaux par arbre, soit le maximum permis. De plus, il est obligatoire de désentailler chaque année, et ce, moins d’un mois après la dernière coulée. L’érablière biologique doit respecter des normes de biodiversité en ayant minimalement 15 % d’essences accompagnatrices, comme le merisier, le tilleul, le hêtre, etc. Il est interdit d’employer des produits chimiques pour contrôler les écureuils. « Évidemment, ce ne sont pas tous les “écureux” qui rongent tes équipements, mais celui qui grignote, trouve-le sans retard, car il va manger toute ton érablière! », précise M. Cyr.
À l’intérieur, il s’avère un peu plus contraignant de ne pas pouvoir compter sur les produits chimiques pour déloger le calcaire. « En bio, on utilise de l’eau chaude et… on frotte! », se résout M. Cyr. Bien entendu, l’aspect le plus astreignant du bio, qui en rebute plusieurs, ce sont les registres. « Il faut tenir un registre des étapes de nettoyage, des produits que nous avons achetés, des grades de sirop produits, etc. Mais ça paraît pire que c’est! » témoigne Carmelle Chouinard, également copropriétaire.
Rentable le bio?
À la Sucrerie Chouinard & Filles, le coût de la certification biologique s’élevait à 889 $ en 2014. À cela s’ajoute la bonne tenue des registres et quelques journées de travail en vue de respecter le cahier des charges. En retour, l’érablière reçoit une prime de 0,15 $ la livre. « Une année comme cette année, où la production est moins bonne, la certification te coûte presque plus cher que l’argent que tu empoches avec la prime. Être acériculteur sous régie biologique, tu ne fais pas ça pour l’argent; c’est un mode de vie », soutient M. Cyr, spécifiant toutefois que la rareté relative du sirop biologique force maintenant plusieurs acheteurs à défrayer les coûts de certification des producteurs, ce qui en incite certains à poursuivre en bio.
Bientôt 50 % de la production acéricole en bio?
Le sirop biologique tire bien son épingle du jeu sur les marchés d’exportation. À cet égard, Camille Cyr jure qu’un jour, 50 % de la production québécoise sera bio. « La clientèle est de plus en plus conscientisée. Aujourd’hui, le bio représente un peu moins de 20 % de la production acéricole québécoise, comparativement à 8 à 10 % lorsque nous avons commencé. S’ils veulent garder une longueur d’avance sur les producteurs américains, les Québécois devront demeurer avant-gardistes et se démarquer avec des normes fiables, comme celles du bio », affirme l’acériculteur de Saint-Fabien-de-Panet.
Une relève biologique
Les filles de M. Cyr et Mme Chouinard ont poursuivi leurs études dans des domaines différents et profitent chacune d’une carrière enviable; prendre la relève de l’entreprise acéricole leur semble maintenant improbable. Le couple souhaiterait néanmoins que l’érablière perdure dans ses activités sous régie biologique. « Le bio, tu as toujours ça en toi. Et tu veux que ton travail ne s’arrête pas là », confie Camille Cyr, convaincu qu’une érablière peut très bien faire vivre quelqu’un. « Je me rappelle des années 1990 : le sirop à 50 cennes la livre; les acheteurs te donnaient ce qu’ils voulaient et quand tu venais pour payer ton hypothèque et tes infrastructures, tu tirais le diable par la queue. Aujourd’hui, les prix se sont stabilisés avec la Fédération. Le secteur du sirop s’est développé et est rentable », mentionne-t-il.
L’entreprise familiale pourrait vraisemblablement connaître une continuité puisque le jeune acériculteur Pascal Noël participe assidûment aux activités de l’érablière depuis quelques années. Il y effectue un travail minutieux et a à cœur le bio. Gardons-nous également de croire qu’aucune des filles derrière la Sucrerie Chouinard & Filles ne travaillera dans le domaine acéricole. Au contraire, l’une d’elles, Caroline Cyr pour ne pas la nommer, œuvre à temps plein aux communications pour le compte de… la Fédération des producteurs acéricoles du Québec!