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Le climat devrait se réchauffer de deux degrés d’ici 2050, entraînant plusieurs répercussions pour bien des arbres. Qu’en sera-t-il de l’érable et de la production de sirop? Daniel Houle, biologiste et coordonnateur aux ressources forestières chez Ouranos, s’est intéressé à la question… et il a de bonnes nouvelles pour les acériculteurs québécois!
La production de sirop d’érable au Québec, c’est une affaire de gros sous. Selon les chiffres de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, la vente des produits de l’érable aurait généré en 2017 un pactole de 410 M$, de quoi ravir les 6 489 entreprises productrices derrière cette industrie.
Mais une ombre s’étend tranquillement au-dessus de toutes les têtes : celle des changements climatiques. La question aujourd’hui n’est plus de savoir si le climat de la terre se réchauffe, mais plutôt comment ce changement affectera notre vie et celle des producteurs acéricoles. Après tout, la récolte de la sève est intimement liée aux conditions de la météo.
Au printemps, les érables produisent un maximum d’eau sucrée lorsque les températures passent au-dessus du point de -congélation après avoir été en dessous toute la nuit.
Des impacts déjà sentis
Comment les érables réagiront-ils donc aux printemps qu’on annonce de plus en plus chauds?
Pour établir ses prédictions, Daniel Houle et son équipe ont recoupé les données de climat de 1999 à 2011 avec celles obtenues sur le terrain par environ 120 acériculteurs affiliés à la Fédération. Il en a tiré une série d’observations et de prévisions. La première : le devancement de la saison de coulée. « C’est l’effet le plus visible, indique le spécialiste. Les acériculteurs l’observent déjà sur le terrain. »
Alors que les érables québécois coulent généralement entre le 6 et le 24 mars, certains producteurs ont récolté de l’eau d’érable dès le début du mois de février en 2016. Une observation qui relève peut-être de l’anecdote, mais qui s’inscrit tout de même dans la tendance qui se dessine. Voilà le plus grand changement auquel il faut s’attendre, selon le chercheur d’Ouranos, qui prévoit des volumes de production stables au cours des 50 prochaines années. « Nos modèles nous disent que la production à l’entaille ne changera pas, dit-il. Toutes les variables affectées par les changements climatiques vont en fait s’annuler. »
C’est que la production de sirop d’érable est aussi influencée par les températures des mois d’été et d’hiver qui précèdent une récolte. « On observe un taux de sucre plus élevé dans l’eau d’érable lorsque l’été a été chaud et favorisait la croissance de l’arbre, dit-il. Un mois de janvier froid contribue aussi à augmenter le taux de sucre. » Selon lui, le réchauffement des températures à l’été compensera donc des hivers plus doux.
Daniel Houle tient toutefois à mettre un bémol à ses prévisions : celles-ci reposent strictement sur des facteurs climatiques. « Nos modèles ne prennent pas en compte une série d’autres variables qui pourraient aussi changer avec le réchauffement, comme les épidémies d’insectes ou les maladies, souligne-t-il. Peut-être que l’effet global attendu sera différent pour cette raison. »
Pendant ce temps, il poursuit ses recherches sur le sujet et s’intéresse à la fin de la période de production d’eau d’érable, marquée par les débours de bourgeons. Selon son hypothèse, la fin de la période de production devrait elle aussi être devancée.
Accepter son sort
Les changements climatiques devraient en théorie amener les espèces comme l’érable à sucre à « migrer » progressivement vers les régions nordiques. Les arbres seront toutefois pris de cours, selon Daniel Houle.
« Le climat change beaucoup trop vite pour que les arbres aient le temps de migrer, indique-t-il. On s’attend surtout à ce que l’aire de distribution de l’érable à sucre rapetisse, et ce sont les arbres au sud de l’aire de distribution qui vont écoper. »
L’érable à sucre s’étend présentement du sud du Québec jusqu’à la Caroline du Nord. Des documents attestent d’ailleurs qu’on récoltait là-bas de l’eau d’érable vers l’an 1850 alors que le climat y était plus froid. Ce ne sera donc pas
de sitôt qu’on pourra s’y remettre. Pendant ce temps, les régions productrices du Nord n’ont pas à s’inquiéter, du moins pour les 50 prochaines années.
Martin Primeau, collaboration spéciale.
Cet article a été publié dans l’édition de février 2018 du magazine Forêts de chez nous.