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Le mazout utilisé pour bouillir l’eau d’érable a de moins en moins la cote auprès des consommateurs avides d’énergies plus vertes, d’autant plus que l’utilisation de ce carburant diminue les bénéfices des acériculteurs.
À l’inverse, le bois employé dans des évaporateurs de nouvelle génération redevient le combustible le plus avantageux pour bon nombre d’érablières.
Les données compilées par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) révèlent que ce sont les appareils au bois de nouvelle génération qui permettent d’obtenir le coût de production le plus faible pour les érablières de 20 000 entailles et moins. Il en coûte environ 74 $ pour produire un baril de sirop avec ce type d’appareil (incluant le coût d’acquisition de l’évaporateur). L’utilisation du mazout représente pour sa part des frais de 90 $ le baril, soit 23 % plus élevés. Cette différence peut paraître banale, mais sur 10 ans, le mazout fera augmenter les coûts de production d’environ 27 000 $ (pour 170 barils par année). Toujours selon les chiffres du ministère, les évaporateurs à l’huile utilisent de 58 à 70 litres de mazout pour produire un seul baril de sirop. Une érablière de 20 000 entailles peut facilement consommer 10 000 litres de combustible par année. « Les consommateurs ont de plus en plus de préoccupations environnementales. Brûler autant de mazout, ce n’est pas une bonne image pour le sirop d’érable, analyse Vincent Poisson, conseiller au Club acéricole du sud du Québec. Au lieu d’acheter du pétrole de l’étranger, nous pouvons utiliser l’énergie provenant de notre forêt. Surtout qu’une érablière doit être aménagée pour produire plus. Et l’aménagement implique de récolter du bois! »
Rien de gratuit
Le bois n’est pas gratuit, diront plusieurs, et implique la plupart du temps quelques opérations, notamment d’abattre l’arbre, de le débiter, de fendre les bûches, etc. Le Club acéricole du sud du Québec estime qu’il en coûte 85 $ pour produire une corde de bois de 60 cm (24 po) lorsque le propriétaire effectue lui-même les travaux. La facture grimpe à 148 $ la corde si cette tâche est effectuée par un employé rémunéré à 20 $ l’heure. Même dans ce cas, l’utilisation du bois coupé par un employé engendre un coût de production inférieur au mazout, soit de 88 $ le baril, contre 90 $ pour le mazout.
Moins polluant et plus autonome
Les évaporateurs au bois de dernière génération ne sont pas nouveaux, « mais après quelques années d’utilisation, leurs imperfections ont été corrigées et ils livrent vraiment la marchandise », assure Vincent Poisson.
Comparativement aux anciens modèles, ces évaporateurs ont l’avantage de consommer de 20 à 35 % moins de bois, sans oublier qu’ils polluent beaucoup moins. « La chambre de combustion est conçue de façon à ce que le bois soit séché avant d’être brûlé. Ensuite, l’air, préchauffé par la chaleur de la cheminée, est injecté dans la chambre pour compléter la combustion. On augmente ainsi l’efficacité en récupérant de la chaleur qui aurait été perdue dans la cheminée et il n’y a aucune fumée opaque d’émise », explique Luc Brière, ingénieur chez Les Équipements Lapierre. Il ajoute que l’utilisation de cheminées homologuées génère également plus de tirage, ce qui augmente la turbulence des gaz et les performances.
Le rechargement s’améliore
Le point faible des évaporateurs au bois demeure la recharge. Les modèles de nouvelle génération ont bel et bien des intervalles allongés, offrant une autonomie de 25 à 40 minutes au lieu d’environ 10 minutes pour les anciens modèles, mais il faut tout de même une personne presque à temps plein pour mettre les bûches dans le feu. La compagnie CDL offre cependant en option un système de recharge automatique du bois. « L’acériculteur amène des bûches non cordées avec le godet de son tracteur et déverse le tout dans le convoyeur. Ensuite, la porte de l’évaporateur s’ouvre et le bois est poussé par un cylindre dans l’évaporateur. Personne ne touche à une bûche! » dit fièrement Lionel Turmel, adjoint aux ventes chez CDL.
Le manufacturier L.S. Bilodeau propose de son côté un plateau qui déverse le bois dans la chambre à combustion.
Au Centre-du-Québec, la famille Lamothe transforme ses billots de bois en copeaux. Un système se charge d’amener automatiquement la biomasse dans l’évaporateur.
Des opinions divergentes
Les coûts de production calculés par le MAPAQ et le Club acéricole du sud du Québec incluent le coût d’acquisition de l’évaporateur sur la base de soumissions reçues en 2017. Or, le manufacturier Dominion & Grimm mentionne que le prix de l’évaporateur électrique, fixé à 126 600 $ dans l’analyse du MAPAQ, est trop élevé pour une production de 20 000 entailles. « Ils auraient dû prendre notre modèle plus petit, aux alentours de 85 000 $. Le coût de production d’un baril aurait alors été plus bas », précise Xavier Pépin. De son côté, Serge Tanguay, directeur des ventes canadiennes chez CDL, mentionne que le niveau de concentration de l’eau d’érable crée une différence importante. À une concentration de 15 Brix, l’évaporateur au bois de nouvelle génération de même que ceux aux granules et au gaz propane offrent tous un coût de production plus faible que le mazout. Par contre, à une concentration de 30 Brix, c’est le modèle au mazout de nouvelle génération qui produit le baril de sirop d’érable au plus faible prix, « incluant les coûts de main-d’œuvre associés au changement de casseroles, au lavage, etc. », indique M. Tanguay. Ce dernier ajoute qu’avec les problèmes de recrutement de main-d’œuvre qui s’amplifient, les évaporateurs au bois sont loin de représenter « l’avenir » de l’acériculture.
L’évaporateur électrique, le choix avantageux à 40 000 entailles Dans les érablières de 40 000 entailles, les évaporateurs à l’huile et leur coût moyen de production de 77 $/baril sont déclassés par les modèles électriques et leur coût de 62 $/baril. Les modèles au bois de nouvelle génération de même que ceux aux granules affichent également des coûts de production plus avantageux à 63 $/baril, selon les données compilées par le ministère de l’Agriculture du Québec. Outre le prix du combustible, le ministère inclut dans ses calculs les coûts d’acquisition, de financement et autres, en se basant sur des soumissions obtenues en 2017. « Les évaporateurs au mazout ne sont plus dans le coup. Si le prix du mazout augmente, la différence sera encore plus grande », analyse Vincent Poisson, conseiller au Club acéricole du sud du Québec. « Il y a toutefois des nuances. Avec l’électricité, des subventions gouvernementales peuvent réduire les frais, mais l’installation peut coûter cher, avec une facture de près de 10 000 $ seulement pour élever le courant à 550 volts. » Beaucoup de bois Une érablière de 40 000 entailles qui mise sur un évaporateur au bois de nouvelle génération aura besoin de plus de 100 cordes de bûches de 60 cm de longueur. Un tel volume implique de mécaniser les opérations de tronçonnage et de fendage. De plus, si l’évaporateur n’est pas pourvu d’un système automatique de chargement du bois, la personne qui insère manuellement les bûches devra être en excellente forme physique. |