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La présence grandissante des tiques dans les différentes régions du Québec demeure une source de préoccupation importante pour plusieurs travailleurs forestiers et acériculteurs qui craignent de contracter la maladie de Lyme. Il existe néanmoins des trucs pour déjouer le redouté petit arachnide, assure Ariane Dumas, biologiste de recherche au Laboratoire national de microbiologie de l’Agence de la santé publique du Canada.
« C’est normal d’avoir des craintes, affirme-t-elle. Mais je pense que l’important, c’est de bien s’informer et d’intégrer différentes habitudes dans notre routine. »
Les tiques sont devenues « la hantise » de certaines personnes qui travaillent dans la forêt ou y passent beaucoup de temps, estime Vincent Pépin, copropriétaire de l’entreprise Dominion Grimm, spécialisée dans la production d’équipement d’érablières et la distribution d’accessoires acéricoles et d’emballage.
Ce n’est pas Richard Massé, copropriétaire de La Fabrick, une érablière bio de 5 200 entailles à Shefford, en Estrie, qui va le contredire. « On y pense tout le temps », laisse-t-il tomber.
M. Massé affirme porter des vêtements longs, mettre le bas de son pantalon dans ses chaussettes et utiliser du chasse-moustiques lorsqu’il travaille en forêt, mais cela ne l’a pas empêché d’être piqué par des tiques à plus d’une dizaine de reprises au cours des dernières années. À une occasion, il a même craint d’avoir contracté la maladie de Lyme. Inquiet, il a passé un test, dont le résultat, après deux mois d’attente, s’est révélé négatif. « Je me considère comme chanceux », soupire-t-il.
Trucs et astuces
Selon la biologiste de recherche Ariane Dumas, le réchauffement climatique favorise la prolifération des tiques à pattes noires, porteuses de la bactérie Borrelia burgdorferi responsable de la maladie de Lyme. Présentes surtout dans le sud de la province, des populations de tiques sont désormais observées jusqu’à Québec et même dans la région de Saguenay, dit-elle.
Autre détail, ajoute-t-elle, les tiques sont pratiquement observées à l’année, surtout lors d’hivers plus doux comme celui qui s’achève. Elles sont actives dès que le mercure atteint 4 °C et que le couvert neigeux a disparu.
Selon les informations transmises par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), le nombre de cas déclarés de la maladie de Lyme est en augmentation depuis une dizaine d’années, principalement en Estrie, en Montérégie, en Outaouais, dans Lanaudière, en Mauricie–Centre-du-Québec, dans les Laurentides et à Montréal.
Au 25 novembre 2023, l’ensemble des cas de maladie de Lyme déclarés à la santé publique avait atteint 549, comparativement à 586 pour l’ensemble de l’année 2022, selon les informations transmises par l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ).
La biologiste de recherche Ariane Dumas, qui passe beaucoup de temps en forêt dans le cadre de son travail, recommande notamment de toujours avoir sous la main une pince à épiler à pointes fines pour retirer les tiques. Même chose pour le port de vêtements longs et de chaussures fermées. Les vêtements de travail traités à la perméthrine sont également indiqués. Idem pour l’utilisation d’insectifuges qui contiennent du DEET ou de l’icaridine.
Autres trucs à mettre en application : il faut éviter de s’asseoir au sol et d’y déposer son sac à dos. Au terme de la journée de travail, il est recommandé de ne pas entrer son matériel dans la maison. Les vêtements peuvent être mis à la sécheuse 10 minutes à température élevée. Une vérification attentive du corps doit être effectuée, après avoir pris une douche ou un bain.
« Même si j’ai l’œil habitué, il m’est arrivé d’en manquer parce que les nymphes sont très petites », dit Mme Dumas, qui affirme avoir déjà été piquée par des tiques. Elle a toutefois réussi à les retirer rapidement. Le risque de développer la maladie de Lyme demeure faible si la tique reste accrochée à la peau moins de 24 heures.
Le symptôme le plus courant à surveiller de la maladie de Lyme est l’apparition d’une rougeur en forme de cible à l’endroit de la piqûre.
Les humains demeurent plus sensibles à la maladie que les animaux, précise la vétérinaire Maude Gauthier Bouchard, de Saint-Césaire. Si l’on croit avoir été mordu par une tique infectée, il est recommandé de consulter un médecin, mais les pharmaciens peuvent également prescrire un traitement antiobiotique préventif, dit-elle.
Autres insectes à surveiller
Outre les tiques, les travailleurs forestiers et les acériculteurs doivent composer avec d’autres insectes piqueurs, dont les guêpes et les abeilles, mais également les moustiques.
L’infection par le virus du Nil occidental est la maladie endémique transmise par des moustiques la plus importante au Canada sur le plan médical, selon Antoinette Ludwig, chercheuse scientifique au Laboratoire national de microbiologie de l’Agence de la santé publique du Canada.
Il n’existe actuellement aucun vaccin contre les maladies transmises par les moustiques. La meilleure protection demeure d’éviter les piqûres, ajoute-t-elle.
Selon le professeur titulaire au Département des sciences, du bois et de la forêt de l’Université Laval Éric Bauce, les forêts québécoises sont déjà aux prises avec des problèmes importants liés aux insectes, dont la tordeuse des bourgeons de l’épinette et les infestations cycliques de la livrée des forêts, qui appartient à la famille des chenilles.
Les changements climatiques, qui surviennent à une vitesse accélérée, contribuent à changer l’importance de certains joueurs entomologiques, analyse-t-il.
Et les animaux dans tout ça?
Dans la grande famille animale, les chiens, les chevaux, les ânes et les mulets sont les plus susceptibles d’être touchés par la maladie de Lyme. Et encore, seulement de 5 à 10 % des chiens infectés présentent des signes de la maladie. Cette dernière ne peut être transmise aux humains par la gent canine. La technicienne en santé animale à l’Hôpital vétérinaire Cœur de Sherbrooke Stéphanie Bouchard affirme qu’un vaccin annuel est recommandé afin de protéger les chiens contre la maladie de Lyme. Un traitement antiparasitaire offre également une protection efficace, surtout pour les chiens qui fréquentent les endroits à risques. Ce même traitement peut également être bénéfique pour les chats sur lesquels se logent les tiques. En Estrie, considérée comme une région endémique, les tiques font partie du quotidien des cliniques vétérinaires. « Juste pour vous dire, après cette entrevue, j’ai un rendez-vous pour retirer une tique d’un chien », a conclu Mme Bouchard.