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Lorsque je me lance dans une nouvelle entreprise, je me pose toujours de nombreuses questions. Cela a été le cas en 2022 lorsque j’ai commencé à produire mon propre sirop d’érable avec 150 chaudières et un petit évaporateur qui, en raison de sa taille, m’a causé quelques nuits blanches. J’ai donc eu amplement le temps de réfléchir à la façon dont la sève circule dans les érables, me demandant quels facteurs précis influencent la quantité de sève produite et sa teneur en sucre pour chaque coulée et chaque arbre.
En discutant avec mes collègues et en effectuant des recherches, je trouvais de plus en plus de données qui pouvaient être utilisées pour répondre à certaines interrogations, comme des données sur le rendement de sève à l’entaille et la teneur en sucre de la sève pour des arbres individuels entaillés à la chaudière sur 10 sites, du Kentucky, aux États-Unis, aux monts Valin, au Québec, pour un total de 324 arbres (259 érables à sucre et 65 érables rouges). Avec ces données détaillées de plus de 15 000 coulées individuelles, enregistrées sur plusieurs années, je pouvais commencer à répondre à certaines questions.
Le site, l’élément déterminant principal
Généralement, tout le monde sait que la météo joue un rôle important pour la coulée et la production acéricole. Or, d’après nos données, la différence de production entre deux sites peut être bien plus grande que la différence entre deux années. Dans le passé, les études ont surtout porté sur les caractéristiques de l’entaille et la météo, mais nos résultats suggèrent que pour augmenter les rendements, on devrait miser davantage sur la sélection de sites et d’arbres de qualité.
Plus grand, c’est mieux
D’abord, pourquoi certains arbres produisent-ils plus de sève ou une sève plus sucrée? Quelle que soit la réponse, plusieurs études ont démontré une relation entre la quantité à l’entaille et la taille de l’arbre. Un arbre dont le diamètre est deux fois plus grand produit plus que deux fois plus de sève. Cette découverte a d’importantes implications pour l’industrie acéricole, car elle suggère que les plus grands arbres se révèlent encore plus précieux pour la production de sève que nous ne le pensions auparavant, en plus des autres services qu’ils nous rendent.
Une entaille par arbre
Les guides d’entaillage recommandent souvent de mettre plusieurs entailles dans un arbre s’il est suffisamment large (par exemple, deux entailles dans un arbre avec un diamètre, à hauteur de poitrine, de plus de 40 cm). En faisant cela, on accepte une blessure supplémentaire, mais on s’attend également à récolter plus de sève. En prenant en compte la taille de l’arbre, le gain d’une deuxième entaille à la chaudière ne représente environ que 20 % de sève supplémentaire. Nous sommes loin de doubler la récolte, mais nous doublons la blessure infligée à l’arbre.
Un entaillage durable selon la taille de l’arbre
Bien que nos données ne nous aient pas permis de tester l’effet de la largeur et de la profondeur de l’entaille, nous avons analysé les études sur le sujet. Cette analyse indique que plus une entaille est large, plus elle fournit de sève, mais cela n’affecte pas la teneur en sucre. En outre, la taille de la blessure augmente également avec la largeur de l’entaille, ce qui explique pourquoi les nouvelles recommandations pour un entaillage durable proposent des diamètres de chalumeaux plus petits qu’auparavant.
En ce qui concerne la profondeur de l’entaille, il semble qu’il existe un seuil au-delà duquel l’augmentation du rendement de sève est négligeable. En moyenne, ce seuil se situe à environ 4 cm (1,5 po). Cependant, nous émettons l’hypothèse que ce seuil dépend de la grandeur de l’arbre, qui affecte la circulation de sève à l’intérieur du tronc. Par conséquent, le seuil varie possiblement selon la taille de l’arbre et, éventuellement, les recommandations de profondeur optimale de l’entaille devraient tenir compte de cette variable importante.
Entaillons au nord aussi
Dans quelques érablières nordiques, j’ai déjà observé une pratique consistant à n’entailler que le côté sud des troncs. En fait, l’orientation de l’entaille n’a aucun effet sur le rendement ou la teneur en sucre. Bien que l’ensoleillement puisse influencer la température à la surface de l’écorce et à l’intérieur de l’arbre, cela n’a aucune incidence sur le rendement ou la qualité de la sève pendant la saison. Il reste toutefois à vérifier si l’orientation de l’entaille peut exercer une influence sur le moment exact de la coulée. Vraisemblablement, les entailles orientées vers le sud entraînent une coulée plus précoce par rapport à celles orientées vers le nord dans les érablières nordiques. Toutefois, nous constatons que le rendement en fin de saison est le même, peu importe l’orientation de l’entaille. C’est une excellente nouvelle, car cela signifie que nous pouvons entailler tout le pourtour du tronc sans compromettre notre production, même en contexte nordique.
La durabilité de l’entaillage et de l’aménagement des érablières sont des préoccupations primordiales pour la majorité des acéricultrices et acériculteurs, en raison de l’urgence de la crise climatique et de la perte de biodiversité. Dans ce contexte, il est crucial pour les productrices et les producteurs de disposer d’informations fiables pour prendre des décisions éclairées. Notre analyse nous a permis d’approfondir nos connaissances, mais de nombreuses questions demeurent sans réponse et d’autres questions s’imposent. Une fois la saison terminée, nous allons nous pencher sur ces nouvelles interrogations.
Pour consulter l’article paru dans la revue Forest Ecology and Management : bit.ly/41t0O3u