Forêts 1 février 2024

Les leçons à tirer des plus anciennes placettes d’échantillonnage forestières du Canada

La Forêt expérimentale de Petawawa, située à proximité de Chalk River en Ontario, abrite les plus anciennes placettes d’échantillonnage permanentes régulièrement mesurées au Canada. 

L’établissement des placettes remonte à 1918 (PSP 1) et 1926 (PSP 2). Elles ont été établies dans de jeunes peuplements naturels issus d’incendies et dominés par le pin blanc et le pin rouge, qui ont maintenant 144 ans. Ces placettes-échantillons comportaient des arbres marqués et elles ont été mesurées à au moins 18 reprises depuis leur création.

Les placettes elles-mêmes ont été établies en tant que placettes jumelées. La placette exploitée (PSP 1) a été établie pour noter les impacts de l’aménagement forestier, tandis que la placette témoin (PSP 2) a été établie pour surveiller les conditions d’un peuplement touché par des processus naturels et aucune exploitation forestière. La placette exploitée a été récoltée à sept reprises selon une approche de coupe partielle préconisée par le régime sylvicole de coupe progressive uniforme; régime qui consiste à couper les arbres plus petits, surtout ceux qui présentent des défauts. La placette témoin n’a subi aucune intervention humaine. 

Cette synthèse présente des observations intéressantes qui reposent sur des mesures et des analyses effectuées par Margaret Scott en 2016. Il est entendu que les observations suivantes reposent sur un petit échantillon et qu’elles représentent une étude de cas. Elles présentent néanmoins d’intéressantes constatations sur les tendances temporelles qui existent rarement dans les forêts canadiennes pour des périodes aussi longues.

Croissance nette positive vs croissance nette négative

Il semble que la placette non exploitée (PSP 2) ait atteint l’âge de sénescence (âge où la mortalité dépasse la croissance) depuis 1999, lorsque le peuplement avait environ 120 ans. À ce titre, l’accroissement périodique moyen de 1999 à 2016 était de -2,8 m3/ha/année. Inversement, la placette exploitée partiellement à sept reprises (PSP 1) a affiché une croissance nette positive durant la même période, avec un accroissement périodique moyen de 5,7 m3/ha/année. Sur la base des taux de croissance uniquement, les arbres de la placette exploitée (PSP 1) demeurent un puits de carbone depuis 1999, tandis que la placette témoin (PSP 2) est devenue une source de carbone.

Panneau indiquant la PSP 2 à la Forêt expérimentale de Petawawa. Photo : Jen Dickman

Différences en matière de bois mort

On a observé d’importantes différences entre les placettes exploitée et non exploitée en matière de bois mort. La placette non exploitée comptait 182 m3/ha de bois mort. Par ailleurs, la placette non exploitée comprenait toutes les classes de décomposition, y compris les classes de décomposition avancée. 

Après une préparation mécanique de terrain en vue de préparer un lit de germination pour le pin blanc, la placette exploitée comptait 23 m3/ha de bois mort. Il n’y avait aucune présence de bois mort dans les classes de décomposition avancée 4 et 5. Après la récolte (mais avant la préparation du terrain), le bois mort dans le peuplement exploité était de 40 m3/ha. Le bois mort constitue un réservoir de biodiversité pour les arthropodes, les champignons et les plantes. La placette non exploitée compte 7,9 fois plus de bois mort que la placette exploitée, en plus d’être dans un état de décomposition plus avancé.

Le régime de perturbation naturelle pour ce type de forêt est le feu. Il s’agit généralement d’un feu de faible intensité qui brûle principalement dans le sous-étage. Après le feu, de nombreux arbres à écorce épaisse de l’étage dominant demeurent vivants. Le cycle de feu habituel pour ce type de forêt se déroule sur une période de 80 à 100 ans. Le feu a été exclu des deux placettes d’échantillonnage. Cependant, la charge de combustible est beaucoup plus élevée dans la placette non exploitée. Dans cette même placette, il y a actuellement 182 m3 de bois mort par hectare. La charge de combustible dans la placette exploitée est beaucoup moins élevée, soit 23 m3/ha. Si l’on devait introduire un feu dans la placette non exploitée, il en résulterait un feu de cime beaucoup plus intense.

Valeur économique

La placette exploitée partiellement à sept reprises depuis 1918 a produit un volume de récolte de 445 m3/ha. En outre, le volume sur pied en 2015 était de 335 m3/ha. Au total, le volume cumulé était de 800 m3/ha. Les arbres résiduels dans cette placette sont également très larges; les diamètres (DHP) des arbres de l’étage dominant vont de 55 à 75 cm. Inversement, la placette non exploitée avait un volume sur pied de 604 m3/ha. De plus, les arbres de l’étage dominant ont des diamètres beaucoup plus petits, allant de 25 à 55 cm. 

Le volume moyen de bois de sciage dans la placette exploitée est de 5,1 m3, tandis que dans celle non exploitée, il est de 1,6 m3. Les grands arbres ont une valeur économique beaucoup plus importante que les petits arbres. En effet, plus la taille de l’arbre augmente, plus les coûts d’exploitation diminuent, et la récupération du bois augmente avec la taille de l’arbre. Compte tenu de l’augmentation du volume et de la taille des arbres de la placette exploitée, on estime que le volume sur pied et le volume cumulé vaudraient environ 56 000 $/ha de bois sur pied. Par opposition, la placette non exploitée, avec des diamètres plus petits et un plus faible volume total produit par hectare, aurait une valeur estimée de 24 000 $/ha. Les estimations sont exprimées en dollars de 2022 et ne tiennent pas compte du fait qu’une partie de la valeur additionnelle de la placette exploitée a été gagnée lors des décennies précédentes. Cette approche sous-évalue probablement les volumes récoltés précédemment.

Valeur sociale

Les valeurs sociales se trouvent parmi les plus importantes valeurs qu’offrent les forêts anciennes. Il est difficile à quantifier les valeurs sociales, car la définition des forêts anciennes et les valeurs importantes qu’elles offrent varient grandement. Pour certains, la définition des forêts anciennes est simplement une question d’âge, tandis que pour d’autres, elle prend en compte les conditions forestières. Finalement, plusieurs associent la définition des forêts anciennes aux grands arbres. 

Quelle que soit la définition que l’on donne aux forêts anciennes, la placette exploitée représente une forêt avec des arbres plus grands, plus droits et ayant des couronnes abondantes qui pourraient inspirer des sentiments d’émerveillement par rapport à la placette non exploitée. L’état général de celle-ci est caractérisé par une diminution du volume du bois depuis 1998. 

Pourtant, la placette exploitée continue à afficher une croissance nette positive et 81 % des arbres sont classés en tant que capital forestier en croissance, qui continuent à stocker du carbone, tandis que la placette non exploitée est devenue une source de carbone. Toutefois, celle-ci contient plus de bois mort, ce qui donnera lieu à une plus grande biodiversité d’espèces qui tirent profit du bois en décomposition.

Version française du texte What we can learn from Canada’s oldest forest sample plots accessible sur le site de l’Institut forestier du Canada à l’adresse suivante : www.cif-ifc.org/what-we-can-learn-from-canadas-oldest-forest-psp/