Forêts 1 octobre 2014

Entretien des cours d’eau : un règlement illégal à Sainte-Brigide-d’Iberville?

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

Faut-il attribuer les coûts d’entretien des cours d’eau aux propriétaires fonciers qui en bénéficient directement ou partager la facture entre tous les contribuables d’une municipalité?

À Sainte-Brigide-d’Iberville, en Montérégie, le conseil municipal a opté, depuis 2010, pour la seconde formule, tout comme la municipalité voisine de Mont-Saint-Grégoire et la municipalité régionale de comté (MRC) du Haut-Richelieu. Une décision que conteste le propriétaire agricole et producteur forestier Richard Bourdeau.

« Je suis victime d’une réglementation discriminatoire qui a par ailleurs été jugée illégale par le ministère des Affaires municipales [MAMROT], a-t-il déclaré à la Terre, le 9 juillet dernier. Dans la plainte que je vais produire d’ici quelques jours, la deuxième, je vais demander au conseil municipal de réviser cette réglementation et de revenir à une taxation par bassin versant. Sinon, je veux être exempté de ce règlement qui, s’il était appliqué à large échelle, découragerait tout développement forestier. » Disons toutefois que cette réglementation ne semble pas faire problème pour les autres producteurs agricoles ou forestiers brigidiens.

M. Bourdeau possède 140 arpents à Sainte-Brigide-d’Iberville, dont une trentaine loués à des fins agricoles et le reste en production forestière. Il a vu son avis d’imposition bondir de 1 300 $ à 2 400 $ en 2013, sans bénéficier de services additionnels. « Avant, je payais pour les arpents creusés chez moi, a-t-il confié à la Terre. Avec la nouvelle approche, la municipalité taxe sur la base de la superficie. Je me trouve à financer des projets de creusage effectués à 6 ou 7 kilomètres de chez moi. On est loin du principe utilisateur-payeur. Je reçois un remboursement partiel pour les taxes touchant la partie agricole de ma propriété, mais je dois absorber entièrement la facture relative à la partie forestière. » M. Bourdeau explique qu’il ne peut obtenir de remboursements sur la superficie boisée parce qu’il lui faudrait réaliser des travaux sylvicoles pour un montant au moins équivalent. Or, sa plantation est mature et nécessite peu d’investissements.

« La façon de faire de la Municipalité est questionnable sur le plan légal », mais « seul un tribunal pourrait statuer sur la validité du règlement de tarification de la Municipalité », a signalé le commissaire aux plaintes du MAMROT, Marc-André Thivierge, dans sa lettre du 27 février 2013. Il y précise qu’une tarification doit correspondre à un service reçu par un citoyen. Or certains travaux d’entretien des cours d’eau prévus n’ont pas été réalisés par la MRC la même année, fait-il remarquer, ce qui a donné lieu à la constitution d’une réserve financière à la municipalité. M. Bourdeau estime que « le MAMROT n’est pas intervenu de façon très efficace dans cette affaire, se limitant à de simples avertissements ». Et sa demande à l’ex-ministre péquiste des Ressources naturelles, Martine Ouellet, est restée lettre morte.

Réplique

« Les grands propriétaires de terres sont les grands gagnants de cette approche, a déclaré la directrice générale Murielle Papineau. Les trois agriculteurs qui siègent au conseil municipal ont voté en faveur de cette procédure. À ma connaissance, les producteurs, qui vont tous en bénéficier un jour, n’y sont pas rébarbatifs. De plus, ils obtiennent un remboursement de taxes du MAPAQ [ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec]. Par contre, taxer ces travaux sur la valeur foncière aurait occasionné un déséquilibre défavorable aux agriculteurs. »

« Pour l’heure, nous n’avons pas l’intention de changer notre méthode, contestée par un seul contribuable, a déclaré le maire Mario van Rossum. Chaque propriétaire est gagnant d’avoir un terrain qui s’égoutte bien. La plantation de M. Bourdeau subit certes moins d’érosion qu’une terre agricole, mais même les citoyens du village paient pour l’entretien des cours d’eau. Cette pratique coûte moins cher, car elle ne nécessite pas le recours à un ingénieur pour calculer le bassin versant chaque fois et ensuite répartir la facture. » Élu en novembre dernier, le maire van Rossum a pris note de la réserve exprimée par le MAMROT, sans toutefois demander d’avis juridique.

À la MRC du Haut-Richelieu, on estime que cette méthode ne coûte pas plus cher aux agriculteurs ni au MAPAQ à long terme. Au lieu de payer une énorme facture aux 20 ans pour des travaux d’entretien des cours d’eau effectués sur ses terres, chaque producteur débourse de plus petits montants, chaque année, pour ce type d’opérations pratiquées sur le territoire de la municipalité. On ajoute que le MAPAQ applique le crédit de taxes réclamé par les agriculteurs même si les travaux d’entretien des cours d’eau ne sont pas réalisés dans leur propre ferme. Le MAPAQ n’a pas répondu à la requête de la Terre dans ce dossier, formulée le 4 juin dernier.