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Les propriétaires de boisés doivent-ils être taxés chaque fois que des travaux d’entretien de cours d’eau ont lieu sur le territoire de leur municipalité?
Chose certaine, des municipalités partagent déjà les coûts d’entretien des cours d’eau entre tous leurs contribuables au lieu de refiler la facture aux riverains d’un bassin versant directement touchés. La taxe spéciale prélevée est basée sur la superficie des immeubles détenus par les citoyens. Cette approche encore marginale ne doit surtout pas être étendue à l’ensemble du territoire du Québec, estiment des opposants, dont la Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) et l’Union des producteurs agricoles (UPA).
« De façon générale, les boisés contribuent au maintien de la qualité des bassins versants et de l’eau. Or, ils deviennent les plus visés par cette forme de taxation. C’est une anomalie », a fait valoir à la Terre le directeur général de la FPFQ, Marc-André Côté. Ce dernier a rappelé que les producteurs forestiers ne bénéficient pas de remboursements de taxes foncières contrairement aux agriculteurs. L’UPA a fait savoir à la Terre, par l’entremise de son service des communications, qu’elle est « défavorable » à cette approche, sans plus d’explications.
C’est le producteur forestier Richard Bourdeau à Sainte-Brigide-d’Iberville, en Montérégie, qui a sonné l’alarme dans cette affaire. Il a contesté cette approche en s’adressant au commissaire aux plaintes du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT) le 28 janvier 2015. Dans sa plainte, il qualifie cette taxe « d’illégale et de discriminatoire ». Cette taxe lui coûte 425 $ en 2015 pour 47 hectares essentiellement boisés, à raison de 9 $/ha. « Ce n’est pas tant le montant que le principe, a-t-il déclaré à la Terre, bien que cette taxe représente la moitié de la taxe foncière (872 $) pour sa propriété. Avec le mode de taxation décidé par le conseil municipal, je finance des projets de creusage effectués à six ou sept kilomètres de chez moi. On est loin du principe utilisateur-payeur. »
« Si on veut garder des forêts qui réduisent les gaz à effet de serre, poursuit-il, il ne faut pas étrangler les producteurs avec des taxes supplémentaires, eux qui subissent déjà des hausses substantielles en raison de la progression de la valeur de leurs boisés. Or, à superficie égale, les forêts rapportent de 20 à 30 fois moins que les terres agricoles. »
Un avis partagé par Sylvain Dulac, du Syndicat des producteurs forestiers de l’Estrie. « Tout ça pourrait en effet décourager la production forestière privée, signale-t-il, car les revenus potentiels tirés d’une coupe qui aura lieu dans 10, 15 ou 20 ans risquent d’être entièrement bouffés par les taxes. »
Aux dires de MM. Bourdeau et Dulac, le maire de Sainte-Brigide, Mario van Rossum, s’était montré ouvert à l’idée d’exempter les boisés de cette taxe, l’automne 2014. En entrevue à la Terre, ce dernier a qualifié de « plancher glissant le fait de créditer ou d’exempter en partie les boisés de cette taxe. Il faudrait changer la réglementation pour des montants peu élevés qui ne touchent que trois contribuables. Je ne suis pas certain que le conseil municipal serait d’accord. »
Dans cette affaire, M. Bourdeau reproche au MAMOT « de ne pas avoir exercé de force probante pour faire respecter la loi ». En 2013, le commissaire aux plaintes avait signalé que « la façon de faire de la municipalité était questionnable sur le plan légal », mais que seul un tribunal pourrait statuer sur la validité d’un tel règlement de tarification. Il précisait qu’une tarification doit correspondre à un service reçu par un citoyen. Or, des sommes prélevées n’ont pas été dépensées durant l’exercice financier visé, notait-il.
La municipalité de Mont-Saint-Grégoire, en Montérégie, perçoit aussi une taxe de ce genre. Là, le règlement n’a jamais été contesté et il n’y a pas de traitement spécial pour les producteurs forestiers. « Il n’y a aucune taxation de ce type en 2015, car les excédents des années antérieures vont suffire à la réalisation des travaux projetés, a expliqué à la Terre la directrice générale, Christianne Pouliot. C’est conforme à la loi. C’est la firme Raymond Chabot Grant Thornton qui vérifie nos états financiers. »